« profiter », définition dans le dictionnaire Littré

profiter

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

profiter

(pro-fi-té) v. n.
  • 1Tirer un gain. Il profite à ce marché. Je veux profiter à ce nouvel arrentement, ou en le faisant ou en ne le faisant pas, Mme de Grignan, dans SÉV. t. x, p. 149, édit. RÉGNIER.
  • 2Tirer de l'avantage de quelque chose que ce soit. J'ai su extrêmement profiter de la maladie que l'on vous aura dit que j'ai eue, Voiture, Lett. 31. Profitez des avis qu'on vous donne, Corneille, Sertor. IV, 1. Je vous avoue, madame, qu'il y a merveilleusement à profiter de tout ce que vous dites, Molière, Comtesse, 11. Adieu, ma chère enfant ; s'il faut, pour profiter des eaux, ne guère aimer sa fille, j'y renonce, Sévigné, 281. Elle-même a su profiter de ses malheurs et de ses disgrâces plus qu'elle n'avait fait de toute sa gloire, Bossuet, Reine d'Anglet. Que dirons-nous, chrétiens, de ces deux reines ? par l'une, Dieu nous a appris comment il faut profiter du temps ; et l'autre…, Bossuet, Mar.-Thér. Les sots ne profitent de rien, Lamotte, Fabl. V, 2. J'aurais été peiné de blesser une des grandes maximes de ma morale, en profitant de quelque chose à la mort de quelqu'un qui m'avait été cher, Rousseau, Confess. XI.
  • 3En parlant des choses, rapporter du profit, procurer du gain. Faire profiter son argent. Ce commerce lui a bien profité.

    Son argent ne lui profite pas, il le garde chez lui.

  • 4Servir, être utile, avec un nom de chose pour sujet. Tout le soin que j'y prends ne profite de rien ; Leur esprit aveuglé n'estime que le bien, Racan, Alcidor, I, 1. Mais le dessein suffit, si l'effet ne profite, Rotrou, Antig. III, 5. La Rancune, conservant son jugement dans le péril, se servait de son adresse aussi bien que de sa force, ménageait ses coups, et il les faisait profiter le plus qu'il pouvait, Scarron, Rom. com. II, 7. De quoi m'ont profité mes inutiles soins ? Racine, Phèdre, II, 5. La légitimation peut avoir lieu, même en faveur des enfants décédés qui ont laissé des descendants ; et dans ce cas elle profite à ces descendants, Code Nap. art. 332.

    Il prend aussi en ce sens un nom de personne pour sujet. Afin de ne perdre aucune occasion de profiter au public, si j'en suis capable, Descartes, Méth. VI, 4. Ainsi devons-nous profiter aux impies qui vivent avec nous, et profiter des impies avec qui nous vivons par la nécessité de notre état, Bourdaloue, 5e dim. après l'Épiphanie, Dominic. t. I, p. 250.

    Se profiter, être utile à soi. Les arts ne se profitent pas à eux-mêmes, mais à ceux auxquels ils président, Bossuet, Pensées chrét. et mor. 35.

  • 5Faire des progrès. Je ne laissais pas de profiter en la connaissance de la vérité, Descartes, Méth. III, 6. J'ai profité dans Voiture ; Et Marot, par sa lecture, M'a fort aidé, j'en conviens, La Fontaine, Lettres, XIX. Il y a bien à profiter auprès de M. le docteur, Pascal, Prov. VI. Aimez donc ses écrits [d'Homère], mais d'un amour sincère ; C'est avoir profité que de savoir s'y plaire, Boileau, Art p. III. Je maintiendrai toujours qu'il y a plus à profiter dans douze vers d'Homère et de Virgile que dans toutes les critiques qu'on a faites de ces deux grands hommes, Voltaire, Mél. litt. Trag. angl.
  • 6Il se dit de la nourriture dont le corps tire avantage. Les gens de naturel peureux Sont, disait-il, bien malheureux : Ils ne sauraient manger morceau qui leur profite, La Fontaine, Fabl. II, 14. Non, non, me dit-elle, déjeunez en repos, afin que cela vous profite, Marivaux, Pays. parv. part. 1.

    Il se dit des personnes et des animaux dont le corps prend de l'accroissement, de l'embonpoint. Les bestiaux ne profitent pas dans ce pâturage. Son petit prince est plus joli qu'on ne vous le peut exprimer ; il profite à vue d'œil, pour ainsi dire, et en toutes choses, Pellisson, Lett. hist. t. I, p. 15. Il faut leur servir [aux nourrices] les meilleurs morceaux de dessus la table, si l'on veut que les nourrissons profitent, Legrand, Métamorph. amour. sc. 11.

    Il se dit aussi des arbres et des plantes qui viennent bien. Les arbres profitent dans une terre nouvellement défoncée.

    Il se conjugue avec l'auxiliaire avoir.

REMARQUE

Au commencement du XVIIe siècle, on employait activement profiter : Vous pouvez profiter les bons exemples que vous avez remarqués de là les monts, Guez de Balzac, liv. V, lett. 12. Ces dévots indiscrets… Perdent ce qu'en commun dans la règle on profite, à force de vivre à l'écart, Corneille, Imit. III, 13.

HISTORIQUE

XIIIe s. Plus profite petiz guainz par leauté que granz tresors par tricherie, Psautier, f° 45.

XIVe s. Celui qui est illiberal ne profette à nul, non pas à lui meismes, Oresme, Eth. 109.

XVe s. Depuis, en bien peu de temps, il gagna tant et acquit et profita par rançons, par prises de villes et de chasteaux, qu'il devint si riche que…, Froissart, I, I, 325. Elle ne povoit riens prouffiter [cette armée] que de brusler ung petit nombre de maisons, Commines, V, 17.

XVIe s. Ainsi croissoyt Pantagruel de jour en jour, et prouffictoyt à veue d'œil, Rabelais, Pant. II, 5. Ce que les honnestes hommes proufitent au public en se faisant imiter, je le proufiteray à me faire eviter, Montaigne, IV, 33. La lecture qui profite simplement, sans faire aimer le profit qu'elle apporte, semble un peu trop austere, Amyot, Préf. I, 25. Rome n'a elle pas tousjours esté en avant, et profité de bien en mieulx au faict des armes ? Amyot, Lyc. et Numa, 10. Quand je me mis à escrire ces vies, ce fut au commencement pour profiter aux autres ; mais depuis je y ay perseveré pour profiter à moy mesme, Amyot, P. Aem. I. Il avoit soixante et dix mines d'argent, que Criton luy faisoit profiter, et luy en payoit usure, Amyot, Arist. 3. Et ne mesnagerés que bien de profiter [utiliser] ces eaux en les assemblant avec celle de vostre canal, De Serres, 757, etc.

ÉTYMOLOGIE

Profit ; provenç. profechar, profichar, profeitar ; ital. profittare.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

PROFITER. Ajoutez :
7Être utile, faire du bien, avec un nom de personne pour sujet (sens aujourd'hui inusité). Pour ce que ces gens-là ne servent aux autres que pour leur profit [leur propre avantage], ils profitent [font du bien] sans qu'on leur en sache gré, Malherbe, Lexique, éd. L. Lalanne. Un de ces feux du firmament Qui, sans profiter et sans nuire, N'ont reçu l'usage de luire Que par le nombre seulement, Malherbe, ib. C'est une action généreuse que de profiter, Malherbe, ib.

Se profiter, se faire du bien à soi-même. La meilleure part du bienfait retourne vers soi-même ; nous ne profitons jamais à personne, que nous ne nous profitions, Malherbe, ib.