« profond », définition dans le dictionnaire Littré

profond

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

profond, onde

(pro-fon, fon-d' ; le d du masculin se lie et se prononce comme un t : un profon-t archéologue ; au pluriel, l's se lie : de pro-fon-z archéologues) adj.
  • 1Dont le fond est très éloigné de l'ouverture, du bord. Puits profond. Cherchez des antres profonds, cachez-vous dans les ouvertures de la terre, devant la face du Seigneur, Bossuet, Marie-Thérèse. Moi-même il m'enferma dans des cavernes sombres, Lieux profonds et voisins de l'empire des ombres, Racine, Phèd. III, 5. Heureuse solitude, Seule béatitude, Que votre charme est doux ! De tous les biens du monde Dans ma grotte profonde Je ne veux plus que vous, Ducis, Poésies diverses.

    Fig. C'est dans cet abîme profond [l'incrédulité] que la princesse palatine allait se perdre, Bossuet, Anne de Gonz.

  • 2Qui pénètre fort avant. Blessure profonde.

    Racines profondes, racines qui plongent très avant dans la terre.

    Fig. Je le sais, les discours, l'exemple de nos pères, Impriment dans nos cœurs de profonds caractères, Bernis, Relig. veng. III.

  • 3Il se dit d'une eau qui coule dans un lieu profond. Rivière profonde. Si l'onde Est rapide autant que profonde, La Fontaine, Fabl. X, 14.
  • 4 Terme d'anatomie. Muscles profonds, certains muscles situés plus loin sous la peau que leurs congénères.

    Terme de médecine. Pouls profond, pouls dont les battements se font sentir comme si l'artère était très enfoncée sous la peau.

  • 5Il se dit, en certains cas, de ce qui présente une grande longueur perpendiculairement à la façade. Cette maison n'a guère de face, mais elle est profonde. Quel art a pu former ces enceintes profondes ? Voltaire, Sémiram. I, 1.

    Terme de tactique. L'ordre profond par opposition à l'ordre mince, disposition d'une troupe sur une grande profondeur. D'un pas ferme et pressé, d'un front toujours égal S'avance vers nos range la profonde colonne [des Anglais], Voltaire, Fontenoi.

  • 6 Fig. Difficile à pénétrer, à connaître. Sciences profondes. De profonds mystères. Je vous demande un profond secret. En cela, comme en tout, le ciel qui nous conduit, Racine, fait briller sa profonde sagesse, Boileau, Épître VII. À son cœur égaré vous imputez peut-être Des desseins plus profonds que l'amour n'en fait naître, Voltaire, Olymp. I, 5.
  • 7 Fig. Qui pénètre fort avant dans la connaissance des choses. Une profonde érudition. Et si dans une profonde doctrine vous n'aviez une plus profonde humilité, Guez de Balzac, liv. XII, lett. 16. Quiconque voit bien l'homme, et, d'un esprit profond, De tant de cœurs cachés a pénétré le fond…, Boileau, Art poét. III. Un homme d'un esprit profond, Fénelon, Tél. XII. Des livres profonds ne donneront point de cours à une langue ; on les traduira, on apprendra la philosophie de Newton ; mais on n'apprendra pas l'anglais pour l'entendre, Voltaire, Dict. phil. Langues. M. de Villoison, que son profond savoir a fait recevoir à l'Académie des belles-lettres de Paris avant l'âge de vingt ans, D'Alembert, Lett. au roi de Pr. 25 avril 1774. Après la plus profonde discussion, Raynal, Hist. phil. IV, 32.

    En parlant des personnes. Un profond politique. Très instruit dans l'histoire, profond dans la jurisprudence, et, ce qui est plus rare, éloquent, Voltaire, Louis XIV, écrivains, d'Aguesseau. Montrant dans toutes ces études un esprit juste et de la facilité, mais s'y livrant avec trop peu de suite et de constance pour mériter, dans aucun genre, le titre d'homme vraiment profond, titre qui ne s'acquiert jamais que par un travail continu et opiniâtre, Condorcet, Courtanvaux. Paraître profond quand on n'est, comme on dit, que vide et creux, Beaumarchais, Mar. de Figaro, III, 5. Pour paraître profond aux yeux des gens du monde, il faut être ennuyeux, Genlis, Veillées du château t. III, p. 31, dans POUGENS.

    Un profond scélérat, un scélérat consommé.

  • 8Dont l'âme ressent fort avant. Profonde dans vos sentiments et légère dans vos goûts, Staël, Corinne, I, 3.

    Il se dit des sentiments en un sens analogue. Il me semble que la retraite rend les passions plus vives et plus profondes, Voltaire, Lett. Mme du Deffant, 31 déc. 1774.

  • 9Grand, extrême dans son genre. Dans un profond ennui ce lièvre se plongeait, La Fontaine, Fabl. II, 14. Tant de mémorables circonstances, la colère de Dieu si marquée… le [Titus] tenaient dans un profond étonnement, Bossuet, Hist. II, 8. Le calme profond de nos jours devait-il être précédé par de tels orages ? Bossuet, Anne de Gonz. L'empire jouissait d'une paix profonde depuis la défaite de Maxime, Fléchier, Hist. de Théod. IV, 1. C'est un homme d'honneur, de piété profonde, Et qui veut rendre à Dieu ce qu'il a pris au monde, Boileau, Sat. IX. Sa douleur profonde M'ordonne toutefois d'écarter tout le monde, Racine, Phèd. I, 2. Qu'en un profond oubli Cet horrible secret demeure enseveli ! Racine, ib. II, 6. C'était pendant l'horreur d'une profonde nuit, Racine, Ath. II, 5. On était à Varsovie dans une tranquillité profonde, et Stanislas comptait en partir dans peu de jours…, Voltaire, Charles XII, 3. Telle était la profonde ignorance dans laquelle Charles II avait été élevé que, quand les Français assiégèrent Mons, il crut que cette place appartenait au roi d'Angleterre, Voltaire, Louis XIV, 17. Je sais le profond respect que la prose doit à la poésie, Voltaire, Lett. St-Lambert, 7 mars 1769. Il [le renard] a le sommeil profond ; on l'approche aisément sans l'éveiller, Buffon, Quadrup. t. II, p. 214. Ma tête fatiguée et presque épuisée par quarante ans de méditations profondes, D'Alembert, Tomb. L'Espin.

    Profonde révérence, profonde inclination, révérence, inclination faite en se courbant extrêmement bas.

    Solitude profonde, retraite profonde, solitude, retraite éloignée de la société des hommes. Un rat… Dans un fromage de Hollande Se retira loin du tracas ; La solitude était profonde, La Fontaine, Fabl. VII, 3.

  • 10Il se dit de la couleur noire dont la nuance est foncée. Leur couleur [des nègres de Gorée], qui est d'un noir d'ébène profond et éclatant, Buffon, Hist. nat. hom. Œuv. t. v, p. 133.
  • 11 S. m. Le fond, la profondeur. Mais à quoi bon ici du profond des enfers… Rappeler Arius, Valentin et Pélage ? Boileau, Sat. XI. Du profond d'une nue, Un fantôme éclatant se présente à sa vue [de Henri IV], Voltaire, Henr. VI.

HISTORIQUE

XIe s. Li val parfunt et les ewes [eaux] courant, Ch. de Rol. CXXXVI.

XIIe s. Del quer [cœur] parfunt suspire, e des oilz [yeux] del chief plure, Th. le mart. 107.

XIIIe s. Quant ce voit la roïne, au parfont bois [elle] s'enfuit, Berte, XXXVI. Ne nus [nulz] hons n'i puet consel mettre, Tant ait leü parfond en lettre, la Rose, 6872. Ce est li oisiaus [le corbeau] qui ne revint pas à l'arche Noé, ou por ce que il trova grans charoignes, ou porce que il morut es aigues profondes, Latini, Trés. p. 210.

XVe s. À la tierce marée ils tirerent les voiles à mont et prirent le parfont ; et nagerent tant par mer qu'ils virent Flandre…, Froissart, I, I, 68.

XVIe s. Il sondoyt le parfond, plongeoyt es abysmes, Rabelais, Garg. I, 23. Guignant de l'œil dextre avecques profunde depression de la sourcille et paulpiere, Rabelais, Pant. II, 19. Un grand son et profund, comme s'il venoyt de la superficie du diaphragme, Rabelais, ib. II, 19. Gymnaste feit une grande et profunde reverence, Rabelais, ib. IV, 41. Une profunde contemplation, Rabelais, ib. V, 31. Tant de gros ruisseaux et tant de profondes rivieres, Amyot, P. Aem. 22. Ceux qui minent soubs terre, quand ilz ont cavé bien profond, rencontrent souventefois des rivieres courantes, Amyot, ib. 23. Il s'en alla coucher et dormir de fort profond sommeil jusques au matin, Amyot, Cat. d'Utiq. 38. Il n'y avoit bataillon de gens de pied si profond, qu'il peust soustenir le choc d'une si grosse trouppe de chevalerie, Amyot, César, 58. Gentilhomme de profondissime sçavoir, Carloix, I, 46. Comme un nageur venant du profond de son plonge, D'Aubigné, Tragiques, édit. LALANNE, p. 321. L'axillaire se divise en axillaire profonde et axillaire superficielle, Paré, XIV, 22. L'esprit humain a un sentiment de divinité engravé si profond qu'il ne se peut effacer, Calvin, Instit. 8. Cette profonde nonchalance des sinistres accidents futurs, Montaigne, IV, 215. Au plus profond des bois, Montaigne, IV, 209.

ÉTYMOLOGIE

Norm. et Berry, parfond ; prov. preon, prion, preion ; cat. pregon ; esp. profundo ; ital. profondo ; du lat. profundus, de pro, en avant, et fundus (voy. FOND).

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

PROFOND. Ajoutez :
12 Terme de turf. La piste est profonde, quand la boue dont elle est couverte pénètre fort avant dans le sol.