« prêcher », définition dans le dictionnaire Littré

prêcher

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

prêcher

(prê-ché) v. a.
  • 1Annoncer en discours religieux et moraux la parole de Dieu. Il faut auparavant que l'Évangile soit prêché à toutes les nations, Sacy, Bible, Évang. St Marc, XIII, 10. L'ignorance et la barbarie de mes pauvres sujets [d'une terre de Mme de Sévigné] nous a fait penser à faire une paroisse de ces deux villages, afin d'être instruits et d'entendre quelquefois prêcher Jésus-Christ, Sévigné, à Guitaut, 12 janv. 1683. La doctrine ancienne, qui, selon l'oracle de l'Évangile, doit être prêchée jusque sur les toits, pouvait à peine parler à l'oreille, Bossuet, Reine d'Anglet. Jean Hus, docteur de la nouvelle université de Prague et confesseur de la reine de Bohême, femme de Venceslas, ayant lu les manuscrits de Wiclef, prêchait à Prague les opinions de cet Anglais, Voltaire, Ann. Emp. Robert, 1407.

    Prêcher l'avent, le carême, une octave, prêcher dans une même église durant l'avent, durant le carême, durant une octave. Je prêchai l'Ascension, la Pentecôte, la Fête-Dieu, dans les petites Carmélites en présence de la reine et de toute la cour, Retz, Mém. t. I, liv. I, p. 19, dans POUGENS.

  • 2Il se dit des personnes auxquelles on annonce la parole de Dieu. Les Juifs font des complots terribles contre saint Paul, outrés principalement de ce qu'il prêche les gentils et les mène au vrai Dieu, Bossuet, Hist. II, 7. Avec tant de perfections acquises et inspirées, il va prêcher des peuples grossiers et rustiques, Fléchier, Panég. II, 347. Nous les prêchons en vain [les pécheurs], Massillon, Confér. Sacerd.

    Fig. Vous prêchez un converti, c'est-à-dire vous voulez persuader un homme qui, de lui-même, est de votre avis.

  • 3 Absolument. Annoncer la parole de Dieu. Il nous conta aussi qu'il venait de voir une mère de Normandie, qui lui parlant d'un fils abbé qu'elle a, lui avait dit qu'il avait dessein de bien étudier, et qu'il commençait toujours à prêcher en attendant ; cet arrangement nous fit rire, Sévigné, 49. Le P. Bourdaloue prêche : bon Dieu ! tout est au-dessous des louanges qu'il mérite, Sévigné, 11 mars 1671. Un homme dit en son cœur : je prêcherai, il prêche : le voilà en chaire sans autre talent ni vocation que le besoin d'un bénéfice, La Bruyère, XV. Un jacobin n'eut, en 1472, que quarante-quatre sols pour avoir prêché tout un carême, Saint-Foix, Ess. Paris, Œuv. t. IV, p. 135, dans POUGENS. Arnaud de Brescia, un de ces hommes à enthousiasme, dangereux aux autres et à eux-mêmes, prêchait de ville en ville contre les richesses immenses des ecclésiastiques et contre leur luxe, Voltaire, Mœurs, 47.

    Prêcher que, avec le verbe à l'indicatif. Prêchons qu'on ne peut se sauver dans ce monde, nous désespérons nos auditeurs ; disons, comme il est vrai, qu'on s'y peut sauver, ils prennent occasion de s'y embarquer trop avant, Bossuet, Panég. St Franç. de Sales, I.

    Fig. Prêcher d'exemple, pratiquer le premier tout ce que l'on conseille aux autres de faire. Socrate prêchait lui-même d'exemple, Fénelon, Socrate. Et, pour prêcher d'exemple, éteint une bougie Qui brûle sans nécessité, Delille, Convers. II.

    Familièrement. Prêcher dans le désert, n'avoir pas d'auditeurs, ou n'être point écouté. C'est la voix de Jean prêchant dans le désert, et que les échos répètent, Voltaire, Lett. Richelieu, 3 juin 1771.

    Prêcher pour son saint, pour sa paroisse, parler dans son intérêt.

    Fig. Prêcher sur la vendange, s'amuser à parler ayant le verre en main.

  • 4Publier, recommander, répandre soit de vive voix, soit par écrit. Votre pasteur, ses moutons et Hercule m'ont bien plu, et l'âne même est joli comme vous le faites parler ; l'application de l'apologue me semble dangereuse, et allez-vous-en un peu prêcher cela à Ruel [où demeurait le cardinal de Richelieu], Voiture, Lett. 91. Qui, brûlants et priants, demandent chaque jour, Et prêchent la retraite au milieu de la cour, Molière, Tart. I, 6. Je ne prêcherai point ici aux gens de lettres tous ces lieux communs sur le mépris de la gloire, si souvent et si peu sincèrement recommandé par les philosophes, D'Alembert, Ess. sur la soc. des gens de lett. Œuv. t. III, p. 48, dans POUGENS.

    Fig. Son teint mortifié prêche la continence, Régnier, Sat. XII.

    Familièrement. Ne faire que prêcher malheur, que prêcher misère, que prêcher famine, ne parler que de malheur, que de famine.

    Prêcher toujours la même chose, répéter sans cesse les mêmes propos.

  • 5 Familièrement. Remontrer, faire des remontrances. Vous qui prêchez si bien les autres, deviez-vous faire mal à vos petits yeux à force d'écrire ? Sévigné, 261. Il l'épouse ; et bientôt son hôtesse nouvelle, Le prêchant, lui fit voir…, Boileau, Sat. X.

    Absolument. Cet homme ne fait que prêcher, il fait des remontrances à tout propos. Prêchez, patrocinez jusqu'à la Pentecôte, Molière, Éc. des femmes, I, 1.

  • 6 Familièrement. Louer, vanter. Il prêche ses exploits à tout le monde.
  • 7Se prêcher, v. réfl. Se faire à soi-même un sermon, une remontrance. Ici finissent les sermons de la prêcheuse ; elle aura désormais assez à faire à se prêcher elle-même, Rousseau, Hél. III, 20.

    S'annoncer. C'est pourquoi, dit le saint apôtre, nous ne nous prêchons pas nous-mêmes, mais Jésus-Christ notre Seigneur, Bossuet, Panég. Ste Catherine, 2.

  • 8Être prêché. La parole de Dieu se prêche parmi nous [catholiques] autant et plus, sans difficulté, que parmi les jacobites et les Grecs, Bossuet, 3e avert. 15. Le ministre ne dit-il pas que la réformation se prêchait lors hautement en cette ville [Metz] ? Bossuet, Réfut. catéch. de Ferry, I, I, 3. Si quelquefois on pleure, si on est ému [à un sermon]… c'est la matière qui se prêche elle-même, et notre intérêt le plus capital qui se fait sentir, La Bruyère, XV.

    PROVERBE

    On a beau prêcher qui n'a cure (ou, suivant quelques-uns, qui n'a cœur) de bien faire.

HISTORIQUE

Xe s. Cum Jonas propheta cel populum habuit pretiet et convers, Fragm. de Valenc. p. 468.

XIIe s. Quant Deus vint en terre e preechad, les oscurtez des diz as prophetes apertement revelad, Rois, 207.

XIIIe s. En un loial a poi [peu] à preechier, Anc. poés. franç. Vatic. n° 1490, f° 180, dans LACURNE. Li abes de Los, qui moult estoit preudons, et autre abbé qui à lui se tenoient, preechoient toute jor, que pour Dieu se tenissent ensemble, Villehardouin, LII. Tant lor a li empereres preechié de nostre Seignor, et mis avant de boines paroles que…, H. de Valenciennes, IV. Ainsinc raison me preeschoit ; Mes amors tout empeeschoit, la Rose, 4645. La croiz qui fu preeschiée par l'enortement de Pierre li ermites, Ass. de J. I, 21. Ce que clers ne puet par proichier, Doit cil [le chevalier] faire par menacier, Hist. litt. de la France, t. XXIII, p. 739.

XVe s. Quant oyez prescher le regnart, Pensez de vos oyes garder, Orléans, Rond. Pour ce que le suppliant par aucuns cas ou paroles et saremens par lui fais… il a esté presché par le commandement de l'evesque de Paris ou parvis Nostre Dame, il doute que ce lui tourne à infamie et reprouche, Du Cange, praedicamentum.

XVIe s. J'entends, respondit Pantagruel, et me semblez bon topicqueur et affecté à vostre cause ; mais preschez et patrocinez d'ici à la Pentecoste, enfin vous serez esbahi comment rien ne m'aurez persuadé, Rabelais, III, 5. Timoleon, ayant presché et encouragé les autres, les feit tous marcher en diligence vers la riviere de Crinuse, Amyot, Timol. 35. Un homme de bonnes mœurs peult avoir des opinions faulses ; et un meschant peut prescher verité, mesme celuy qui ne la croit pas, Montaigne, III, 141.

ÉTYMOLOGIE

Wallon, préchi ; bourg. proché ; prov. predicar, prezicar ; espagn. predicar ; port. pregar ; ital. predicare ; du lat. praedicare, de prae, en avant, et dĭcare, faire connaître.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

PRÊCHER. Ajoutez :
9Prêcher, répéter souvent. Je ne veux point que vous me donniez de louanges et que vous me prêchiez que je suis un grand homme, Malherbe, Lexique, éd. L. Lalanne.