« tempérament », définition dans le dictionnaire Littré

tempérament

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tempérament

(tan-pé-ra-man) s. m.
  • 1Mode de composition et de mélange. On ne saurait répondre précisément à cette question : à quelle hauteur les pompes élèvent l'eau à Paris, si l'on ne détermine aussi le tempérament de l'air [s'il est chargé de vapeurs ou non], Pascal, Pesant. de l'air, VII.

    Absolument. Juste mélange. La santé du corps consiste dans le tempérament des humeurs, Bourdaloue, Pensées, t. I, p. 383.

  • 2 Particulièrement. Constitution physique du corps humain, ou, en langage technique, résultat général, pour l'organisme, de la prédominance d'action d'un organe ou d'un système. Tempérament bilieux. Tempérament sanguin. Tempérament lymphatique. Tempérament nerveux. La vanité, la honte, et surtout le tempérament font souvent la valeur des hommes et la vertu des femmes, La Rochefoucauld, Max. 220. Quelle journée ! quelle amertume ! quelle séparation ! vous pleurâtes, ma très chère, et c'est une affaire pour vous ; ce n'est pas la même chose pour moi, c'est mon tempérament, Sévigné, 11 juin 1677. Elle [la mère de M. de Montausier] ne souffrit pas en lui ces délicatesses qui affaiblissent le tempérament et la vigueur du corps et de l'âme, Fléchier, Duc de Mont. Bon ! ce sont de plaisants sages que ceux qui le sont par tempérament, Fontenelle, Sén. et Scarr. Que sais-je si la disposition même de votre tempérament ne vous laisse rien à craindre là-dessus ; si vous ne portez pas déjà la mort dans le sein ? Massillon, Carême, Impén. Il n'y a guère à compter que sur les vertus du tempérament ; confiez votre vin plutôt à celui qui ne l'aime pas naturellement, qu'à celui qui forme tous les jours de nouvelles résolutions de ne pas s'enivrer, Dumarsais, Œuv. t. VI, p. 33. Pierre le Grand avait une taille haute, dégagée, bien formée, le visage noble, des yeux animés, un tempérament robuste, propre à tous les exercices et à tous les travaux, Voltaire, Russie, I, 6. Le tempérament du roi [Philippe V] lui rendait une femme nécessaire, et sa dévotion ne lui permettait aucune infidélité, Duclos, Œuv. t. VI, p. 108. La différence des tempéraments dépend surtout de celle des centres de sensibilité, des rapports de force ou de faiblesse et des communications sympathiques des divers organes, Cabanis, Instit. Mém. sc. mor. et pol. t. I, p. 80.

    Fig. L'État romain, constitué de la manière que nous avons vue, était, pour ainsi parler, du tempérament qui devait être le plus fécond en héros, Bossuet, Hist. III, 6.

    Il peut se dire des animaux. Chez les animaux, le tempérament règle tout ; chez l'homme, la raison règle le tempérament, et le tempérament réglé facilite, à son tour, l'exercice de la raison, Bonnet, Contempl. nat. v, 5.

    La Fontaine l'a dit d'un arbre, transformé en personnage parlant : Que ne l'émondait-on, sans prendre la cognée [pour l'abattre] ? De son tempérament il eût encore vécu, La Fontaine, Fabl. x, 1.

    Absolument. Avoir du tempérament, être porté au plaisir physique de l'amour. Les neuf bégueules savantes Avec leurs têtes de pédantes Avaient peu de tempérament, Voltaire, Ép. 29. Les femmes qui ont beaucoup de tempérament sont peu fécondes, Buffon, Hist. anim. ch. 8.

  • 3Caractère. Les Anglais pensent profondément ; Leur esprit en cela suit leur tempérament ; Creusant dans les sujets et forts d'expériences, Ils étendent partout l'empire des sciences, La Fontaine, Fabl. XII, 23. … Mais, quoi qu'on fasse, Propos, conseil, enseignement, Rien ne change un tempérament, La Fontaine, ib. VIII, 16. M. de Tournefort était d'un tempérament vif, laborieux, robuste, Fontenelle, Tournefort. Ce malheureux tempérament que vous nous alléguez si souvent, ne vous trouvez-vous pas tous les jours dans des situations où il faut le gêner, le contraindre ? Massillon, Carême, Samarit. Il y a un zèle d'humeur et de tempérament qui n'est jamais loin de l'imprudence, Massillon, Confér. Zèle pour le salut des âmes. L'heureux tempérament ! ma joie en est extrême, Gai, vif, aimant à rire ; enfin toujours le même, Piron, Métrom. II, 1. Quoi que l'art humain puisse faire, le tempérament précède toujours la raison, Rousseau, Ém. IV.
  • 4 Fig. Manière de tempérer, de régler, de conduire. Qui doute que ce tempérament de tout cet univers ne se fasse par les révolutions et vicissitudes du soleil et de la lune ? Malherbe, le Traité des bienf. de Sénèque, IV, 23. Vous me deviez dire pour tempérament à ma vanité, qu'il ne faut que je rapporte à ma suffisance [capacité] une faveur que je dois à vos bons offices, Guez de Balzac, liv. VI, lett. 25. Il [Charlemagne] mit un tel tempérament dans les ordres de l'État, qu'ils furent contrebalancés et qu'il resta le maître, Montesquieu, XXXI, 18.
  • 5 Fig. Expédient, biais, adoucissement, ménagement, pour concilier les esprits, pour accommoder les affaires. Nous lui fîmes voir qu'après ce qui s'était passé, il n'y avait plus de sûreté pour lui dans le tempérament, Retz, Mém. t. II, liv. III, p. 284, dans POUGENS. Cette mauvaise délicatesse qui oblige ceux qui sont dans la nécessité de reprendre les autres, de choisir tant de détours et de tempéraments pour éviter de les choquer, Pascal, Pens. II, 8, édit. HAVET. Il proposa cinq ou six tempéraments qui auraient été reçus, si le roi ne s'était fait une loi de ne les point recevoir, Sévigné, 135. Le tranquille ministre, qui connaissait les sages tempéraments des conseils des rois, Bossuet, le Tellier. Il est beau de découvrir les secrets d'une sublime politique, ou les sages tempéraments d'une négociation importante, ou les succès glorieux de quelque entreprise militaire, Bossuet, Bourgoing. Le peuple ne put être ramené que par les paisibles remontrances de Menenius Agrippa ; mais il fallut trouver des tempéraments, et donner au peuple des tribuns pour le défendre contre les consuls, Bossuet, Hist. I, 8. Bien que, rougissant de ces excès, il [Jurieu] ait tâché d'apporter ailleurs de faibles tempéraments à ses séditieuses maximes, Bossuet, 5e avert. 31. Il [l'empereur Eugène] crut avoir trouvé un tempérament plausible, et ménagé par ses vaines distinctions une religion à laquelle il n'était pas fort attaché, et qu'il ne lui convenait pas pourtant d'abandonner, Fléchier, Hist. de Théodose, IV, 39. M. le Tellier fut choisi pour chercher ces difficiles tempéraments de menace qui étonne, de remontrance qui corrige, de douceur qui apaise, de sévérité qui châtie, Fléchier, le Tellier. Nous trouvons toujours des tempéraments entre le monde et Jésus-Christ, Massillon, Panégyr. St Étienne. Ce n'est pas que je condamne le tempérament d'une sage prudence, Massillon, Avent, Épiphan. Tous les tempéraments en matière de devoir sont à craindre, Massillon, Carême, Passion. Dans ces circonstances, les gens qui ont de la sagesse et de l'autorité s'entremettent ; on prend des tempéraments, on s'arrange, on se corrige, Montesquieu, Esp. v, 11.
  • 6Dans un sens analogue, mesure, modération. Je ne vois point de créature Se comporter modérément ; Il est certain tempérament Que le maître de la nature Veut que l'on garde en tout, La Fontaine, Fabl. IX, 11. J'avais besoin d'un caractère nouveau [le style], et qui fût mêlé de tous ceux-là [familier, élégant, héroïque] ; il me le fallait réduire dans un juste tempérament ; j'ai cherché ce tempérament avec un grand soin, La Fontaine, Psyché, Préf. Vous ne gardez en rien les doux tempéraments, Molière, Tart. v, 1. Ce style enchanteur qui, dans un juste tempérament entre la bassesse et l'élévation, est presque toujours élégant et clair, Barthélemy, Anach. ch. 69.
  • 7 Terme de musique. Altération légère que l'on fait subir à de très petits intervalles, de manière à éviter une dissonance choquante. Il y a deux espèces de tempéraments : le tempérament employé par les instruments à sons fixes des orchestres, et qui consiste à confondre le dièze et le bémol en prenant pour leur valeur commune le milieu de l'intervalle qui les sépare ; le tempérament employé pour le piano, pour l'orgue, etc. et qui consiste à diviser la gamme entière ou l'intervalle d'octave en 12 intervalles égaux appelés demi-tons moyens. Il existe aussi deux gammes tempérées distinctes : 1° la gamme dite : gamme tempérée de l'orchestre ; 2° la gamme appelée : gamme du tempérament égal, laquelle, comme on voit, s'écarte encore plus de la gamme naturelle que la gamme tempérée de l'orchestre ; car non seulement le dièze et le bémol y sont confondus, mais même tous les sons de la gamme naturelle y sont plus ou moins altérés. Ces deux tempéraments ont été imaginés pour ne pas multiplier trop les trous des instruments à vent, les touches des pianos, etc. Le tempérament est un vrai défaut ; c'est une altération que l'art a causée à l'harmonie, faute d'avoir pu mieux faire, Rousseau, Dissert. sur la mus. mod.

HISTORIQUE

XVIe s. De telle mixtion des substances et qualités des elemens, viennent les temperamens et complexions de corps, Paré, Introd. 4. L'on divise le temperament en deux premieres differences : car ou il est temperé ou intemperé, Paré, ib. 5.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. temperamen ; anc. esp. templamiento ; ital. temperamento ; du lat. temperamentum, de temperare, tempérer.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

TEMPÉRAMENT. Ajoutez :
8Acheter à tempérament, acheter à condition de payer par petits acomptes. Il avait l'air si malheureux, que j'ai fini par lui acheter un irrigateur à tempérament, Gaz. des Trib. 26-27 avril 1875, p. 409, 2e col.