« trembler », définition dans le dictionnaire Littré

trembler

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trembler

(tran-blé) v. n.
  • 1Être agité de petits mouvements saccadés, être mû par de fréquentes secousses. Et je tremble à présent dedans la canicule, Molière, Sgan. 2. Point de vos cruelles bises qui font trembler Canaples et votre château ; j'espère pourtant bien y trembler comme les autres, Sévigné, 578. Quand je l'ai aperçu [Fouquet, prisonnier], les jambes m'ont tremblé, et le cœur m'a battu si fort, que je n'en pouvais plus, Sévigné, Lett. à Pompone, 27 nov. 1664. Ses longs mugissements font trembler le rivage, Racine, Phèdre, V, 6. Il était décidé par l'université de Coimbre que le spectacle de quelques personnes brûlées à petit feu en grande cérémonie est un secret infaillible pour empêcher la terre de trembler, Voltaire, Candide, VI. Jacques VI… qui naquit quatre mois après cette aventure [un assassinat commis devant sa mère, Marie Stuart], trembla toute sa vie à la vue d'une épée nue, quelque effort qu'il fît pour surmonter cette disposition de ses organes, Voltaire, Mœurs, 169. Ôtez ce nom de quaker, cette habitude révoltante de trembler en parlant dans leurs assemblées religieuses… il faudra convenir que ces primitifs sont les plus respectables de tous les hommes, Voltaire, ib. 153. Il tremblait comme la feuille ; en passant dans l'antichambre les forces lui manquèrent, Rousseau, Hél. III, 14. Nous sortîmes en frémissant, et nous sentîmes les rochers auxquels la digue est appuyée trembler à cent pas de distance, Marmontel, Mém. VII. De longues herbe tremblent aux ouvertures des dômes, Chateaubriand, Génie, III, V, 5.
  • 2En parlant des choses, s'ébranler facilement, n'être pas ferme Ce pont suspendu tremble sous le poids des voitures.

    Fig. Je me suis nourri aux grands ouvrages ; je nage quand j'y travaille ; et le marbre tremble devant moi, pour grosse que soit la pièce, Puget, Lett. à Louvois, 1683, dans Journ. des Débats, 17 mars 1869.

  • 3Il se dit de la voix qui n'est pas ferme, qui chevrotte. Je suis bien vieux, mais en vain ma voix tremble ; Accueillez-moi, j'aime à chanter aussi, Béranger, Bon vieill.

    Terme de musique. Exécuter un tremblement.

  • 4Il se dit des ondulations de la lumière. La distance infinie de l'astre à demi voilé, dont les rayons tremblaient à leur surface [des eaux], Diderot, Salon de 1767, Œuv. t. XIV, p. 243, dans POUGENS. Où tremblent dispersés quelques pâles rayons, De ces lacs enflammés lumière ténébreuse [en enfer], Delille, Parad. perdu, I.
  • 5Fig Craindre, appréhender. Tel menace qui tremble. M. le Prince disait une fois à un nouveau chirurgien : Ne trembles-tu point de me saigner ? Pardi, monseigneur, c'est à vous de trembler : il disait vrai, Sévigné, 273. Tout contribue au bonheur du roi ; aussi, quand j'ai peur pour mon fils, c'est par la raison que l'on fait quelquefois des pertes particulières dans les victoires publiques ; mais de la barque entière, je ne tremblerai jamais, Sévigné, 16 sept. 1676. Je tremble au seul récit de la tempête furieuse…, Bossuet, Reine d'Anglet. Pendant que nous tremblons sous la main de ces hautes puissances [les princes], Dieu les frappe pour nous avertir, Bossuet, Duch. d'Orl. Tremblez, âmes réconciliées, qui renoncez si souvent à la grâce de la pénitence, tremblez au terrible exemple de la princesse Palatine, Bossuet, Anne de Gonz. Et mon esprit, tremblant sur le choix de ses mots, N'en dira jamais un, s'il ne tombe à propos, Boileau, Sat. II. Tout… Doit marcher, doit fléchir, doit trembler sous vos lois, Racine, Iph. IV, 6. Mon génie étonné tremble devant le sien, Racine, Brit. II, 2. J'exigeai qu'il [Mithridate] détruisît sa flotte… Mithridate resta immobile ; et Marius, au milieu de Rome, en trembla, Montesquieu, Dial. de Sylla et d'Eucrate. Le crime tremble toujours devant la justice, Voltaire, Pol. et lég. Fragment sur la justice. La France était plus en danger que jamais [sous François Ier] ; Charles était déjà à Soissons, et le roi d'Angleterre prenait Boulogne ; on tremblait pour Paris, Voltaire, Mœurs, 125. Ne vaudrait-il pas mieux que chacun mangeât son pain en paix à l'ombre de son figuier [au lieu de se persécuter] ? je ne fais cette proposition qu'en tremblant, Voltaire, Dict. phil. Hérésies, I. Je tremble d'avoir à me plaindre de l'être des êtres en portant une vue attentive sur cet épouvantable tableau [les maux des hommes], Voltaire, Dial. 25. Un pavillon qui ne tremble point devant celui de la Grande-Bretagne, Raynal, Hist. phil. VII, 13. Chacun baise en tremblant la main qui nous enchaîne : avec la permission du poëte, cela est faux ; on ne tremble point ; on veut de l'argent, et on ne baise que la main qui paye, Courier, Corresp. mai 1804.

    Faire trembler, inspirer de la terreur, donner de l'inquiétude. Il faut que je m'élève au-dessus de l'homme, pour faire trembler toute créature sous les jugements de Dieu, Bossuet, Reine d'Anglet. Ils [les Gaulois] se jetèrent dans la Macédoine qu'ils ravagèrent, et firent trembler toute la Grèce, Bossuet, Hist. I, 8. M. de Meaux m'a envoyé des nouvelles de Rome, qui font trembler pour M. de Cambrai, Maintenon, Lett. au cardin. de Noailles, 24 sept. 1697. J'avoue, lui dis-je, que, quand on a une fois fait trembler quelqu'un, on conserve presque toujours quelque chose de l'avantage qu'on a pris, Montesquieu, Dial. de Sylla.

    Familièrement. à faire trembler, beaucoup, extrêmement. Une femme de la cour ayant demandé à l'évêque de Meaux, dans le fort de sa querelle théologique avec Fénelon, si cet archevêque avait en effet autant d'esprit qu'on le disait : Ah ! ma dame, répondit Bossuet, il en a à faire trembler, D'Alembert, Élog. Fén.

  • 6Trembler à, suivi d'un infinitif, éprouver une vive crainte en. Toute ingrate qu'elle est, je tremble à lui déplaire, Corneille, Perth. II, 6. Vous voyez que je tremble à vous le déclarer, Corneille, Oth. v, 8. Je frémis de le perdre, et tremble à m'y résoudre, Th. Corneille, Essex, III, 2. Je tremble à vous nommer l'ennemi qui m'opprime, Racine, Mithr. I, 2.

    Il se conjugue avec l'auxiliaire avoir.

  • 7Activement. Trembler la fièvre, être dans le frisson de la fièvre.

    On dit de même : trembler le frisson. J'ai fini ma lettre en tremblant le frisson, Mlle de Lespinasse, Lett. t. I, p. 101, dans POUGENS.

REMARQUE

1. Trembler suit les mêmes règles que craindre. On le construit avec de et l'infinitif : Je tremble de le voir, de ne pas le voir ; avec que… ne et le subjonctif, quand on désire que la chose n'arrive pas : Je tremble qu'il ne succombe ; avec que… ne pas et le subjonctif, quand on désire que la chose arrive : Je tremble qu'il ne réussisse pas.

2. Quelquefois au lieu de de, on emploie à ; mais alors le sens est un peu différent. Je tremble de le voir veut dire : je crains de le voir ; et je tremble à le voir, j'éprouve de la crainte en le voyant. " Je tremble de, dit M. Géruzez, ainsi que le veulent aujourd'hui les grammairiens, n'aurait ni la même vivacité, ni la même énergie, ni tout à fait le même sens. Il faut se hâter de reprendre dans nos grands écrivains tout ce que la tyrannie des puristes ne nous a pas définitivement enlevé. "

HISTORIQUE

XIIe s. Li cors li tranble, Ronc. p. 21.

XIIIe s. Et que pourront dire si ennemi [de Dieu] Là où li saint trembleront de doutance ? Quesnes, Romancero, p. 96. Là ot si grand bruit et si grant noise, qu'il sembloit vraiement que toute terre tremblast, Villehardouin, XVII. Qar messire Coart li lievres, Qui de peor trembloit les fievres, Deus jors les avoit jà eües, Ren. 10150. Li lechierres fremist et tranble, De lecherie esprent et art, ib. 1005. Les povres dehors [les avares] regardent De froit trembler, de fain perir, la Rose, 5141. Pris fu sire Coars li lievres, Mais li roncins en ont les fievres, Et sachiez que mès ne les tramble, Escorchiez en fu, ce me semble, Rutebeuf, 290.

XVe s. Le dieu en tremblant [agitant] une espée lui dit…, Perceforest, t. IV, f° 154. Trembloit comme la feuille en l'arbre, Aresta amorum, p. 220, dans LACURNE.

XVIe s. Uses hardiment des verbes et participes qui, de leur nature, n'ont point d'infinitifs après eux, avec des infinitifs, comme tremblant de mourir, etc. pour craignant de mourir…, Du Bellay, J. I, 32, verso. Avec une voix tremblante entre le desir et la crainte, Marguerite de Navarre, Nouv. LXX. La douleur s'enorgueillist à nous veoir trembler soubs elle, Montaigne, I, 305. Comme un Domitian, pouiveu de telles armes, Des Romains qui trembloient espouvantoit les larmes, D'Aubigné, Tragiques, édit. LALANNE, p. 241.

ÉTYMOLOGIE

Wallon, trôné ; liégeois, tronler ; Hainaut, trianer ; picard. traner ; Berry, treminer ; provenç. tremblar ; espagn. temblar ; ital. tremolare ; d'un verbe fictif tremulare, tiré du latin tremulus, tremblant, de tremere, trembler.