« appeler », définition dans le dictionnaire Littré

appeler

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

appeler

(a-pe-lé) v. a.

j'appelle, tu appelles, il appelle, nous appelons, vous appelez, ils appellent ; j'appelais, nous appelions ; j'appelai, nous appelâmes ; j'appellerai, nous appellerons ; j'appellerais, nous appellerions ; appelle, appelons, appelez ; que j'appelle, que tu appelles, qu'il appelle, que nous appelions, que vous appeliez, qu'ils appellent ; que j'appelasse ; appelant, (l'Académie exprime ici par ell le passage de l'e muet à l'e ouvert ; ailleurs elle rend ce passage par èle, comme dans je gèle ; il serait bien utile d'adopter pour tous les cas une orthographe uniforme).

Résumé

  • 1° Crier pour faire venir quelqu'un ; prononcer à haute voix une suite de noms ; faire signe de venir.
  • 2° Mander, inviter, au propre et au figuré ; admettre, attirer.
  • 3° Provoquer, défier.
  • 4° Citer quelqu'un en justice ; procéder au jugement d'une cause.
  • 5° Convoquer sous les drapeaux.
  • 6° Invoquer.
  • 7° Choisir pour une fonction, désigner.
  • 8° Réclamer, exiger, nécessiter.
  • 9° Donner un nom, désigner par un nom, nommer.
  • 10° V. n. Recourir à un tribunal supérieur.
  • 11° En appeler, ne pas se soumettre ; en appeler à, avoir recours à.
  • 12° En termes de marine, une manœuvre appelle.
  • 13° V. réfl. s'appeler, avoir pour nom.
  • 1Appeler quelqu'un à haute voix. Appeler chacun par son nom. Qui m'appelle ?

    Appeler les lettres de l'alphabet, les nommer successivement l'une après l'autre.

    En termes de palais, appeler une cause, dire à haute voix le nom des parties.

    Appeler son chien, l'appeler de la voix ou en sifflant.

    Il se dit des animaux. La brebis appelle son agneau ; la poule appelle ses poussins.

    Absolument. Il appelle, et personne ne vient.

    Fig. Appeler à son aide sa vertu. Celui qui sent sa faiblesse, appelle à son secours le manége et l'intrigue. Il appelle les idolâtres à la connaissance de Dieu, Bossuet, Hist. II, 7. Quelquefois elle appelle Oreste à son secours, Racine, Andr. I, 1. Par les dieux qu'en pleurant tes serments appelèrent, Régnier, Élég. II. Il appelait à témoin les dieux et les hommes que la république était trahie, Vertot, Révol. rom. III, 274.

    Appeler des oiseaux, les attirer en se servant d'un appeau.

    Absolument, en termes de chasse. Quelque terrier, dit-il, a sauvé mon galant ; Mes chiens n'appellent point au delà des colonnes, La Fontaine, Fab. XII, 23.

    Ce chien appelle en faux, il aboie dans l'endroit où les perdrix ont été, ou à la rencontre du frai des perdrix.

  • 2Louis XIV appela Colbert dans ses conseils. Si tu appelles le médecin. Les destinées nous appellent. Appeler la bienveillance par ses bons offices. La corneille appelle la pluie. Le coq appelle le jour. Une fourberie en appelle une autre. N'est-ce pas vous enfin de qui la voix pressante Nous a tous appelés aux campagnes du Xanthe ? Racine, Iphig. I, 3. Les cloches dans les airs de leurs voix argentines Appelaient à grand bruit les chantres à matines, Boileau, Lutr. II. Nos vaisseaux sont tout prêts et le vent nous appelle, Racine, Andr. III, 1. Et nos champs, malheureux par leur fécondité, Appellent l'avarice et la férocité Des brigands du midi, du nord et de l'aurore, Voltaire, Tancr, I, 1. Au pied de ses remparts quel intérêt m'appelle ? Racine, Iphig. IV, 11. L'infidèle en nos murs appelle l'étranger, Voltaire, Tancr. II, 4. Enfin, las d'appeler un sommeil qui le fuit…, Racine, Esth. II, 1. Argos nous tend les bras, et Sparte nous appelle, Racine, Phèdr. V, 1.

    Par extension. Dieu vient de l'appeler à lui, il vient de mourir. Je sens que Dieu m'appelle à lui, je sens que ma fin approche.

  • 3Appeler un adversaire au combat. Appeler à une lutte de talents.

    Appeler en duel ou simplement appeler, provoquer à un combat singulier. Je l'irais appeler comme mon adversaire, Régnier, Sat. VI. Il fit appeler le duc de Buckingham, Hamilton, Gramm. 11. Je sais de bonne part qu'on t'a fait appeler, Molière, Fâch. III, 4.

  • 4Appeler quelqu'un en justice. Les uns sont condamnés, les autres ne sont pas même appelés.

    Appeler quelqu'un en témoignage ou comme témoin.

    Appeler quelqu'un en garantie.

  • 5Appeler des soldats sous les drapeaux. Appeler les vétérans. On appelle le contingent de cette année.
  • 6Tous les vœux l'appellent. Appeler le malheur, la vengeance du ciel sur quelqu'un. Armée qui appelle le combat de tous ses vœux. Appeler sur quelqu'un les bénédictions du ciel. Il appelait sur vous la haine et le mépris.
  • 7Appeler quelqu'un à une charge. Il fut appelé au trône. Être appelé au consulat. Appeler quelqu'un à siéger dans le sénat. Appeler à une chaire un professeur habile. Il ne faut pas résister quand Dieu nous appelle. Le génie de Turenne l'appelait au commandement des armées. Quoi ! vous à qui Néron doit le jour qu'il respire. Qui l'avez appelé de si loin à l'empire…, Racine, Brit. I, 1.
  • 8Cette conduite appelle votre sévérité. Les affaires intérieures appelèrent son attention. Ce crime appelle la vengeance des lois. Ton audace à la fin appelle ma vengeance, Lamartine, Médit. II, 18.
  • 9Appeler une chose de plusieurs manières. Appeler quelqu'un le sauveur de la patrie. Je n'appellerai jamais libre un homme… J'appelle un chat un chat et Rollet un fripon, Boileau, Sat. I. Il n'y a point de particulier qui ne se voie autorisé par cette doctrine à adorer ses inventions, à consacrer ses erreurs, à appeler Dieu tout ce qu'il pense, Bossuet, Reine d'Anglet.

    Familièrement. Appeler les choses par leur nom, ne pas affaiblir par des mots ce que certaines vérités peuvent avoir de dur.

  • 10 V. n. Appeler de, recourir à un tribunal supérieur. Appeler d'un jugement. Loi qui permit d'appeler au peuple des consuls, Bossuet, Hist. I, 8. Et nous faire désirer au moins que Dieu existât, à qui nous pussions appeler du jugement des hommes, La Bruyère, 16. Il lui remontra qu'encore qu'il n'y ait point de juge à qui l'on puisse appeler de lui, il faut qu'il en appelle lui-même au tribunal de sa conscience, Fléchier, Panég. II, p. 91.

    Appeler comme d'abus, appeler d'un tribunal ecclésiastique à l'autorité laïque.

    Fig. Appeler de, ne pas se soumettre. J'appelle de votre décision. Jupin, de ton arrêt j'appelle ; Ta balance et tes poids sont faux, Béranger, Bluets. Avec le sens actif, en droit féodal, appeler son seigneur de faux jugement, c'était dire que son jugement avait été faussement rendu, Montesquieu, Esp. XXVIII, 27.

  • 11En appeler. Celui qui n'a pas fait sa fortune à la cour, est censé ne l'avoir pas dû faire ; on n'en appelle pas, La Bruyère, 8. Vauban est infaillible ; on n'en appelle point, La Bruyère, 12.

    En appeler à, s'en référer à, recourir. Souffrez, mes frères, que j'en appelle à votre conscience, Massillon, Évid. Charles I était brave ; il pouvait en appeler à l'épée, Chateaubriand, Stuarts, 197.

    Familièrement. Il en a appelé, se dit d'un homme qui a échappé à une maladie dangereuse.

  • 12 En termes de marine, une manœuvre appelle droit, si elle arrive directement au point où la force est appliquée ; elle appelle de loin, quand le lieu où elle est amarrée est éloigné.
  • 13 V. réfl. Avoir pour nom. Comment t'appelles-tu ? Parce que je m'appelle lion. Cette maladie s'appelle avarice. La mort ne peut s'appeler un mal.

    Voilà qui s'appelle un témoignage de véritable amitié ; c'est là un témoignage de véritable amitié. D'après de Caillières, voilà qui s'appelle, était une locution de la cour.

    Voilà qui s'appelle parler, voilà un langage ferme et franc. Nous disons aujourd'hui de préférence : Voilà ce qui s'appelle. Je vais, victime de mon zèle, M'envelopper dans ma vertu. - Voilà, voilà ce qui s'appelle être légèrement vêtu, Méry, Et Barthélemy, le Congrès des ministres.

    Se donner un titre. Le monarque de la Perse s'appelle dans ses inscriptions le roi des rois.

    S'appeler, s'inviter l'un l'autre a venir. Pour ne pas se séparer dans le bois, ils s'appelaient de temps en temps.

    PROVERBE

    Il est comme le chien de Jean de Nivelle, il s'enfuit quand on l'appelle, se dit en parlant d'un homme qui ne fait rien de ce que l'on souhaite.

REMARQUE

Il y a des personnes qui confondent appeler, terme de justice, et rappeler. On dit appeler et non rappeler d'un jugement.

HISTORIQUE

XIe s. Se alquens [aucun] est apeled de larecin u de roberie…, L. de Guill. 4. Que est forfeng en angleis apeled, ib. 6. Dist Blancandrins : apelez le franceis, Ch. de Rol. XXXVII. À sei [il] apele son fil et les deus reis, ib. CCXXXVIII.

XIIe s. Veez mei ici, kar tu m'apelas, Rois, p. 12. La fist Joyeuse Charles maine apeler [son épée], Ronc. p. 111. Tel chose [le comte Tibaut] a faite en sa vie Dont [il] deüst estre apelés [en champ clos], Hues de la Ferté, Romancero, p. 187. Salomons les apele devant le duc Richart, Sax. XXIX. Quant veit li arcevesques, prist sei à purpenser, La curt à l'apostolie li estut apeler, Saveir s'il se purreit par issi delivrer, Th. le mart. 41.

XIIIe s. Et après i envoia un cardonnal qui est appelés maistre Pieron de Capes, Villehardouin, I. Constance à ce conseil fu mout tost apelée, Berte, CXV. De la moie part le desfie ; Si l'apele de felonie, Ren. 18116. Pintain [il] apele, où moult se croit ; à une part l'a apelée, ib. 1422. Nus ne doit fere enqueste seus [seul], qu'il n'apiat bone gent avec li por fere l'enqueste, Beaumanoir, XL, 17. S'on apele du jugement et li jugemens est trovés malvès, Beaumanoir, XL, 29. S'il apeloit son home de murdre ou de traïson, Beaumanoir, XL, 36. Le capitre qui parole des deffenses à l'apelé, Beaumanoir, VI, 19.

XIVe s. Du dittateur ne pooit on apeler au peuple, Bercheure, f° 2, verso.

XVIe s. Ilz en appelloyent à Rome, Calvin, Inst. 900. Faisant requeste à Dieu de l'appeller à lui, Montaigne, I, 252. Il l'appella deux ou trois fois par son nom pour l'esveiller, Montaigne, I, 339. Appellant sur eulx la vengeance divine, Montaigne, II, 33. Nations moins barbares en cela que la grecque qui les en appelle, Montaigne, II, 48. Il se feit porter où le besoing l'appeloit, Montaigne, III, 94. J'ay ma chevance mieulx logée qu'en des coffres appelant sur moy la haine, Montaigne, IV, 11. Cela est ce vivre heureusement ? cela s'appelle il vivre ? La Boétie, 67. Aux provinces où il y a un satrape qu'ils appellent, celuy là a le soin et superintendance de l'un et de l'autre, La Boétie, 137. Pourtant t'appelle je mon pere, ne trouvant autre appellation plus venerable, Amyot, Fab. 28. Il s'alla camper près du bourg qui s'appelle Cannes, Amyot, ib. 31. La vieille injure appelle la nouvelle, Ronsard, 607.

ÉTYMOLOGIE

Bourguig. aipelai ; provenç. appellar ; espagn. apelar ; ital. apellare ; du latin appellare, de ad, à (voy. À), et pellare, inusité et signifiant parler.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

APPELER.
4Ajoutez : Il [saint Paul] montrera que, bien loin que les dignités soient capables de soustraire les hommes au jugement de Dieu, c'est cela même qui les y appelle et qui aggrave leur compte, J. Saurin, Disc. de saint Paul à Félix et à Drusille.
14S'appeler, se donner un titre à soi-même. On n'eut égard aux sollicitations que pour exclure ceux qui étaient assez téméraires pour solliciter et s'appeler eux-mêmes, Massillon, Panégyr. saint Louis.

REMARQUE

Écrivez : appelé-je, et non appellé-je, par la même raison qui fait qu'on écrit appelai et non appellai. Cette remarque s'applique à tous les verbes en eler et en eter : jeté-je et non jetté-je.