« confondre », définition dans le dictionnaire Littré

confondre

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

confondre

(kon-fon-dr'), je confonds, nous confondons ; je confondais ; je confondis ; je confondrai ; confonds, confondons ; qu'il confonde ; que je confondisse ; confondant ; confondu v. a.
  • 1Réunir pêle-mêle, effacer les séparations. La Seine et la Marne confondent leurs eaux. La victoire et la nuit, plus cruelles que nous, Nous excitaient au meurtre et confondaient nos coups, Racine, Andr. I, 2. Les inondations du Nil qui confondaient les bornes des champs, furent cause que chacun voulut des mesures exactes, Fontenelle, Les mondes, 1er soir.
  • 2Ne pas faire de distinction entre des personnes et des choses. Ils se ressemblent tellement qu'il m'arrive de les confondre. Va, je ne confonds point ses vertus et ton crime, Corneille, Héracl. I, 2. Et confondant ces mots de trésor et d'époux, Je crus les bien entendre, expliquant tout de vous, Corneille, ib. III, 1. Vous avais-je sans choix Confondu jusqu'ici dans la foule des rois ? Racine, Bérén. III, 1. Soit que ma haine en lui Confonde les Romains dont il cherche l'appui, Racine, Mithr. I, 2. On m'accuse de vouloir confondre la charité avec l'espérance, Bossuet, Avert. Ils rompaient ces bornes sacrées qui avaient été plantées par nos pères, et confondaient la philosophie avec la religion, Fléchier, Panég. II, p. 69.

    Absolument. Il est possible que je confonde.

  • 3Unir, identifier. Dans vos intérêts n'en confondez point d'autres, Corneille, Pomp. II, 3. En adoptant Néron, Claudius par son choix De son fils et du vôtre a confondu les droits, Racine, Brit. III, 3. Qu'ils confondent leur haine et ne distinguent plus Le sang qui les fit vaincre et le sang des vaincus, Racine, Andr. I, 2.

    Concentrer. Tous ces yeux qu'on voyait venir de toutes parts Confondre sur lui seul leurs avides regards, Racine, Bérén. I, 5.

  • 4Faire échouer, réduire à l'impuissance. Elle eût sans doute confondu leur orgueil, Pascal, dans COUSIN. Ô Dieu, confonds l'audace et l'imposture ! Racine, Esth. III, 4. Le ciel punit ma feinte et confond votre adresse, Racine, Baj. II, 5. Sa mort peut vous confondre, Racine, Brit. V, 6. Un regard confondrait Hermione et la Grèce, Racine, Andr. III, 5. Je voulais que ton zèle achevât en secret De confondre un amour qui se tait à regret, Racine, Bérén. II, 2. Et de quel œil Ma mère a-t-elle vu confondre son orgueil ? Racine, Brit. III, 1. Quel malheur imprévu vient encor me confondre ? Racine, Baj. III, 8. Je ne m'arrêterais pas à vous rapporter les passages de vos pères, si cela n'était nécessaire pour confondre l'assurance que vous avez eue de dire…, Pascal, Prov. 13. C'est Dieu lui-même qui confond les conseils et la prudence de nos chefs, Massillon, Carême, Mot. de conv.

    Par imprécation. Te confonde le ciel de me parler ainsi ! Molière, Amph. II, 1. Diable, conclus ; ou bien que le ciel te confonde ! Racine, Plaid. III, 3.

    Gâter, ruiner. Un orage violent a confondu toutes nos récoltes.

  • 5Mettre dans l'impossibilité de répondre, atterrer. Ce serait bien, seigneur, de tout point me confondre, Corneille, Nicom. IV, 5. St Augustin confondit ces hérétiques, Bossuet, Hist. I, 11. Il est facile de les confondre, Pascal, dans COUSIN. Pour les confondre par la vue de leur folie, Pascal, ib. La nature confond les Pyrrhoniens, et la raison confond les dogmatistes, Pascal, ib. Il n'est pas condamné puisqu'on veut le confondre, Racine, Baj. IV, 7. Achille en veut connaître et confondre l'auteur, Racine, Iphig. III, 1. Je veux confondre le monde par ceux que le monde révère le plus, par ceux qui le connaissent le mieux, et ne lui veux donner pour le convaincre que des docteurs assis sur le trône, Bossuet, Duch. d'Orl. Sitôt que par un vice ils pensent me confondre, C'est en me corrigeant que je sais leur répondre, Boileau, Épît. VII. Il pensait que, pour éviter ou confondre ces reproches, il fallait remplir le devoir que…, Condorcet, Bucquet. Témoignons pour le Christ, mais surtout par nos vies ; Notre moindre vertu confondra plus d'impies Que le sang d'un martyr, Lamartine, Harm. I, 6.
  • 6Étonner, stupéfier. Ce que vous dites là me confond. La Trinité confond notre petitesse, accable nos sens, Chateaubriand, Génie, I, 4. Ce qui me confond, c'est la légèreté avec laquelle des hommes frivoles prescrivent des règles de conduite à des personnages d'une expérience consommée, Diderot, Ess. s. Claude.

    Absolument. Il y a de quoi confondre.

  • 7Causer un sentiment excessif de modestie, d'humilité ; se dit par civilité. Vous me confondez par vos louanges. Seigneur, tant de bontés ont lieu de me confondre, Racine, Mithr. I, 3.
  • 8Se confondre, v. réfl. Être mêlé. Ils se sont confondus avec d'autres peuples, Bossuet, Hist. II, 7. De peur que ces histoires ne se confondent dans votre esprit, Bossuet, Hist. préf. Parterres d'un dessin agréable et nouveau, Amphithéâtres, jets, tous au palais répondent Sans que de tant d'objets les beautés se confondent, La Fontaine, Psyché, I, p. 104. Leurs années se poussent successivement comme des flots ; ils ne cessent de s'écouler, tant qu'enfin, après avoir fait un peu plus de bruit et traversé un peu plus de pays les uns que les autres, ils vont tous ensemble se confondre en un abîme où l'on ne reconnaît plus ni princes, ni rois, Bossuet, Duch. d'Orl. Du vainqueur, du vaincu les clameurs se confondent, Delavigne, Vêpres sicil. V, 2.
  • 9Tomber dans le désordre. Turenne meurt, tout se confond, Fléchier, Tur.
  • 10Devenir incapable de distinguer. Mon amour… mais adieu, mon esprit se confond, Corneille, Rodog. IV, 1. Une langue qui s'épaissit, une mémoire qui se confond, Massillon, Car. Impén. Cet abîme où son esprit se confond, Massillon, Car. Mort. De loin l'œil se confond avec l'objet, Bossuet, Char. frat. 2. Plus j'y pense, plus je me confonds, Rousseau, Ém. IV.

    Ne pouvoir plus être distingué. Les contours s'effacent, les nuances se confondent. Toutes mes idées se confondent.

  • 11S'humilier. C'est de vous confondre de vos faiblesses devant le saint Époux, Bossuet, Lett. Corn. 129. Confondez-vous qu'après des excès… on vous demande si peu, Massillon, Car. Jeûne. Nous devrions nous confondre qu'avec bien moins d'innocence nous ayons besoin de plus d'indulgence, Massillon, ib.
  • 12Se tromper. Il a compris qu'il est très possible que je me confonde, Sévigné, 141.
  • 13Demeurer interdit. Dès vos premiers regards je l'ai vu se confondre, Racine, Phèd. II, 1. Vous détournez les yeux et semblez vous confondre, Racine, Bérén. II, 4.
  • 14 Familièrement. Se confondre en excuses, en respects, etc. multiplier les excuses, les respects, etc.

HISTORIQUE

XIe s. En cest païs [il] nous est venuz cunfundre, Ch. de Rol. II. Deus me confonde, se la geste [j'] en desment, ib. LXI.

XIIe s. Et qu'il confunde tout vostre parenté, Ronc. p. 22. Et tant vassaus ocis et confondus, ib. p. 80. Marsile est confunduz, ib. p. 11. Dex les confonde qui fist ciel et rosée, ib. p. 70. Normendie ert bien prof destruite e confondue, E jà l'ost de France ert tresqu'à Ruem venue ; Tute Engleterre esteit à sun duel esmeüe, Th. le mart. 163. Dunc vint Joab devant le rei, si li dist : Cunfundu as ui tuz tes humes ki unt ta vie gardée, Rois, 190.

XIIIe s. La roïne racourt, de duel [se] confont et d'ire, Audefroi le Bastard, Romancero, p. 16. Dame Dieu la confonde, l'orde serve pullente ! Berte, X. Mesaise j'ai eüe, toute en sui confondue, ib. LII. Une forche tint en ses mains, Si le feri parmi les rains, Par un pou ne l'a abatu, Moult l'a blecié et confondu, Ren. 10391. Dist Ysengrin : Biaus niés, qu'as tu ? Moult te voi ore confondu, Ren. 244. Mès or seroit fort à respondre, Por tous les argumens confondre Que l'en puet encontre amener, la Rose, 17470. Ains que [avant que] Virginius parlast, Qui tout estoit prest de respondre Por ses adversaires confondre…, ib. 5544. Tant les hé [je les hais] que se ges [je les] poïsse Confondre, tuit les confondisse, ib. 16050. Envie destruit gentillece, Envie grieve, Envie blece, Envie confont charité, Et si destruit humilité, Rutebeuf, II, 36. Se le conte de Poitiers feust avant venu, et il et sa gent eussent esté tous confoundus, Joinville, 219. Tant de gens mors et confondus, Joinville, 262. Confus est cui proiere ne vaut, Psautier, f° 28.

XVe s. Et fit garder le havre et le port de Calais, si près que rien n'y pouvoit entrer ni issir, que tout ne fust confondu, Froissart, I, I, 315.

XVIe s. À quoy respondit Panurge : Dieu confonde qui vous laissera, Rabelais, Pant. II, 26. Les pieces empruntées d'aultruy, il les transformera et confondra pour en faire un ouvrage tout sien, Montaigne, I, 162. Je ne conseille pas qu'on confonde leurs regles ; on s'y tromperoit, Montaigne, I, 214.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. confondre, cofondre ; espagn. confundir ; ital. confondere ; du latin confundere, de cum, et fundere, fondre.