« conseiller », définition dans le dictionnaire Littré

conseiller

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

conseiller [1]

(kon-sè-llé, ll mouillées, et non kon-sè-yé) v. a.
  • 1Donner un conseil. Bien, mal conseiller quelqu'un. Aimez qu'on vous conseille et non pas qu'on vous loue, Boileau, Art p. I. Un prince que la sagesse conseille, que la valeur anime, et que la justice accompagne dans toutes ses actions, Bossuet, Reine d'Anglet.

    Absolument. Quand l'arrêt est porté, qui conseille est coupable, Voltaire, Orphel. V, 2.

    On a dit conseiller quelqu'un de faire quelque chose. Nous l'avons conseillé de bâtir, Pascal, Lett. à Mme Périer, 5 novembre 1648. Le vieil Ozius conseilla l'empereur [Constantin] d'assembler un concile, Voltaire, Phil. II, 388. Cette tournure est peu usitée.

  • 2Suggérer par conseil quelque chose à quelqu'un. Voyons les beaux discours qu'un flatteur lui conseille, Rotrou, Vencesl. I, 1. Vous a-t-il conseillé beaucoup de lâchetés ? Corneille, Nicom. III, 2. Je vous prie de me conseiller tout ce que je dois faire, Molière, l'Am. méd. I, 1.

    Conseiller de, avec l'infinitif. Je lui conseillerais de s'assurer d'un autre, Corneille, Nicom. III, 2. Je veux lui conseiller de ne m'épouser pas, Corneille, Sertor. V, 4. Que me conseillez-vous ? - Je vous conseille, moi, de prendre cet époux. - Vous me le conseillez ? Molière, Tart. II, 4. Je vous conseillerais de ne l'apprendre pas, Th. Corneille, Ariane, II, 4. Ne me conseille pas de me faire haïr, Voltaire, Mort de Cés. I, 4.

    On l'emploie quelquefois avec que et le subjonctif. Il conseilla que cela fût fait.

  • 3Se conseiller, v. réfl. Prendre conseil. Conseillez-vous-en donc avec des gens de bien, Tristan, M. de Chrispe, III, 2. J'en avais toutes les envies du monde, et je me suis même encore aujourd'hui conseillé au ciel pour cela, Molière, Festin de Pierre, V, 3. Si vous conseilliez à moi, je serais fort embarrassé, Molière, Amants magnifiques, II, 4. Ce qui est véritable quoique très surprenant, Mme de Maintenon s'en appuyait [de la duchesse de Bourgogne] et quelquefois se conseillait à elle, Saint-Simon, 321, 202.

    Prendre conseil de soi-même. Il est vrai que chacun volontiers se conseille, Qu'il aime que son sens règle ses actions, Corneille, Imitation, I, 9. Et ses mânes… se conseillent dans le silence et l'obscurité du tombeau, Vauvenargues, Éloge de Louis XI.

    Être conseillé. Une pareille chose ne se conseille pas.

HISTORIQUE

XIe s. Conseilez moi come mi home saive, Ch. de Rol. II.

XIIe s. Vostre emperere fut mout mal consiliez, Ronc. p. 89. Fiere destrucion je vous sai conseillier, ib. p. 200. Sire, dit Escorfaus, bien [je] vous sai consoillier, Sax. VI. Li dus Bueves… à Gilemer l'Escot commence à consoillier, ib. XVI. À mon pooir [je] vous ai consoillé mainte fie [fois], Et encor vous consoil, ib. X. Li reis en saisireit les rentes et les fiez, Tresque li lius sereit de pastur conseilliez [aurait un prêtre pour le diriger], Th. le mart. 61.

XIIIe s. En l'oreille [elle] lui prent tantost à conseiller, Berte, X. [Que] Dame Dieu la consaut et ses saintismes noms, ib. XXIII. Il en ont mout entre eux conseillié et parlé, ib. LXXXI. Et cil respondirent qu'il s'en conseilleroient, et leur en respondroient l'endemain, Villehardouin, CXLVII. De ce se conseilla li marchis à ses homes, Villehardouin, CXXIV. Si baron li loerent que il alast à Salenyque por conseillier la terre, et por sejorner illuec, H. de Valenciennes, XIII. Il est droit que je me conseille, Rutebeuf, Testam. de l'ame. Quant aucuns benefices de sainte esglise escheoit au roy, avant que il le donnast, il se conseilloit à bones persones de religion et d'autres, Joinville, 293. Il leur requist que il li aidassent à conseiller comment l'en departiroit ce que l'en avoit gaaingné en la ville, Joinville, 216.

XIVe s. Elettion est de chose devant conseillie, Oresme, Eth. 64. Nous disons que bien conseillier est la principal operacion de prudence, Oresme, ib. 178.

XVe s. Là furent parlementés et conseillés plusieurs avis et statuts entre les seigneurs et leurs pays, Froissart, I, I, 125. Le roi ne lui eust jamais conseillé à ce faire, Froissart, I, I, 326. Sur les lettres et requestes du roi de France, les barons d'Escosse se conseillerent ; quand ils furent bien conseillés, et ils eurent bien consideré parfaitement toutes leurs besognes…, Froissart, I, I, 75.

XVIe s. Quiconque donc estimera le tout avec bon jugement, cognoistra qu'ils ont esté mal conseillez [inspirés], Calvin, Instit. 991. Comment Panurge conseille [demande conseil] à Pantagruel, pour sçavoir s'il se doibt marier, Rabelais, Pant. III, 9. J'en suys, respondist Pantagruel, d'adviz, et le vous conseille, Rabelais, ib. Conseillé de se retirer de la meslée, Montaigne, I, 16. Je ne conseille qu'on confonde leurs regles, on s'y tromperoit, Montaigne, I, 214. Je n'aime ni à conseiller ny à suyvre une vertu si sauvage, Montaigne, I, 224. Il conseille de ne s'y enfoncer oultre les bornes du profict, Montaigne, I, 224. Conseillant à Lucilius de changer cette vie voluptueuse, Montaigne, I, 251. Cette belle victoire gaignée, les amis de Hannibal luy conseilloient qu'il suivist sa fortune, Amyot, Fab. 34. Ce que tout le monde estimoit estre grande temerité à luy et le jugeoient en cela fort mal conseillé [avisé], Amyot, Lucull. 43. Ciceron ne le luy vouloit point ottroyer sur le champ, ains s'en vouloit conseiller à loisir, Amyot, Cicéron, 11. Après avoir un peu mieulx pensé, il fut conseillé de n'y aller point en personne pour la crainte et le danger des Grecs, Amyot, Artax. 15. … à sçavoir conseiller ta face à ton mirouer, Ronsard, 894.

ÉTYMOLOGIE

Conseil ; provenç. cosselhar, cosseillar, anc. espagn. consejar ; ital. consigliare.