« couronner », définition dans le dictionnaire Littré

couronner

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couronner

(kou-ro-né) v. a.
  • 1Orner d'une couronne. Les anciens couronnaient les victimes. Alexandre couronna le tombeau d'Achille. Leurs fronts sont couronnés de ces fleurs que la Grèce Aux champs de Marathon prodiguait aux vainqueurs, Voltaire, Épît.LXVI.

    Fig. Ô Dieu que la gloire couronne, Dieu que la lumière environne, Qui voles sur l'aile des vents, Racine, Esth. I, 5.

  • 2Mettre solennellement la couronne sur la tête d'un souverain. Couronner un pape, un roi. Charlemagne se fit couronner roi d'Italie, Bossuet, Hist. I, 11.

    Donner le titre de roi, de reine. Ce monarque avant de mourir voulut couronner son fils. Qu'il règne avec éclat sur sa propre conquête, Et que de sa victoire il couronne sa tête, Corneille, Nicom. II, 3. Mais vous voyez, seigneur, le prince son aîné Dont le bras généreux trois fois m'a couronné [m'a conquis trois royaumes], Corneille, ib. Maintenant que je puis couronner tant d'attraits, Racine, Bérén. II, 2. Il va sur tant d'États couronner Bérénice, Racine, ib. I, 4. Pour couronner ma tête et ma flamme en ce jour, Racine, Théb. V, 4. Quelque horreur que d'abord un attentat nous donne, L'horreur en diminue alors qu'il nous couronne, Ducis, Macbeth, III, 1.

    Être couronné, recevoir ou avoir le titre de roi, de reine. Jamais tant de vertu fut-elle couronnée ? Racine, Esth. III, 9.

    Absolument. Faire roi. Achève… C'est le dieu qui règne et qui couronne ; C'est le dieu qui punit, c'est le dieu qui pardonne, Lamartine, Méd. II, 7.

  • 3Décerner une couronne, un prix soit dans les jeux gymnastiques, soit dans un concours littéraire. Couronner le vainqueur à la course, à la lutte, au ceste. Couronner l'auteur du meilleur ouvrage. Ce discours a été couronné par l'Académie.
  • 4Honorer, récompenser. Le ciel va couronner aussi votre vertu, Corneille, Perthar. IV, 5. Oui, je veux couronner une flamme si belle, Corneille, Rodog. IV, 3. Digne de venger les crimes et de couronner la vertu, Bossuet, Hist. II, 1. L'Église vit couronner une infinité de martyrs, Bossuet, ib. I, 11. Ils l'avaient mis sur le trône pour couronner ses vertus et mettre fin aux désordres que l'anarchie causait parmi eux, Bossuet, Hist. I, 7. Je louerais en vain des vertus que Dieu n'aurait pas couronnées, Fléchier, Tur. C'est ainsi que le roi Honore le mérite et couronne la foi, Racine, Esth. II, 5. Quand il veut couronner l'innocence, Massillon, Panég. St J. Bapt. Pourquoi du saint bonheur sitôt me couronner ? Hugo, Odes, II, 9.
  • 5 Terme d'architecture. Former le couronnement. Un entablement couronne l'édifice.
  • 6Dominer, surmonter. La ville de Rhodes est couronnée de divers petits coteaux, Bouhours, Hist. d'Aubusson, liv. III. Ces bois semblaient couronner ces belles prairies, Fénelon, Tél. I. L'immortelle forêt qui couronne l'Ida, Delille, Énéide, X.
  • 7 Terme militaire. Garnir de troupes quelque point élevé. Le régiment, chassant devant lui l'ennemi, couronna la hauteur. Les généraux d'artillerie, qui s'étonnaient aussi de leur stagnation, profitèrent promptement de la permission de combattre qu'on venait de leur donner ; ils couronnèrent bientôt les crêtes, Ségur, Hist. de Nap. VII, 10.
  • 8 Terme d'horticulture. Couronner un arbre, en tailler les branches à une même hauteur, de manière à former une surface plane.
  • 9 Terme de vétérinaire. Couronner un cheval, le laisser tomber de façon qu'il se couronne.
  • 10 Fig. Combler, accomplir. La victoire s'avançait à grands pas pour couronner ses triomphes, Vaugelas, Q. C. liv. III, ch. 6. Lorsque après de longues années il se vit élevé à cette grande charge… le modeste ministre disait que le roi, pour couronner plutôt la longueur que l'utilité de ses services, voulait donner un titre à son tombeau et un ornement à sa famille, Bossuet, le Tellier. Et par un beau trépas couronne un beau dessein, Corneille, Cinna, I, 4. Loin de t'excuser tu couronnes ton crime, Corneille, ib. V, 1. Et que demain l'hymen couronne leur amour, Corneille, ib. V, 3. Il faut ou condamner ou couronner sa haine, Corneille, Rodog. V, 1. Et ce qui couronne tout cela est la prédiction, Pascal, Proph. 16. Il a voulu couronner son entreprise, Sévigné, 565. Ces morts précieuses qui couronnent une belle vie, Fléchier, Dauph. Ce qui couronne la vie de cette princesse, c'est qu'elle fut toujours égale, Fléchier, Mar. Th. Mais ce même Amurat ne me promit jamais Que l'hymen dût un jour couronner ses bienfaits, Racine, Baj. I, 3. Et Pâris, couronnant son insolente flamme, Retiendra sans péril la sœur de votre femme ! Racine, Iphig. I, 2. Quoi ! de mes ennemis couronnant l'insolence J'irais attendre ailleurs une lente vengeance, Racine, Andr. IV, 3. Jamais aucun succès n'a couronné mes vœux, Voltaire, Tanc. I, 4. Ceux dont une honorable vieillesse couronne une vie sans reproche, Rousseau, Lett. de la mont. IX. De toutes les opérations que nous avons décrites, il en résulte une qui, pour ainsi dire, couronne l'entendement, c'est la raison, Condillac, Conn. hum. sect. II, ch. 11.
  • 11Se couronner, v. réfl. Se mettre une couronne. Se couronner de fleurs.

    Se faire roi. Voilà par quels exploits il sut se couronner, Racine, Andr. III, 8. Par d'illustres exploits couronnez-vous vous-même, Racine, Théb. IV, 3.

  • 12 Terme d'horticulture. Cet arbre se couronne, il vieillit et la tête s'en dessèche.

    Terme de vétérinaire. Ce cheval s'est couronné, en s'abattant, il s'est fait la lésion dite couronnement.

    La fin couronne l'œuvre, se dit pour exprimer que l'on doit persévérer jusqu'à la fin, que la vertu ne doit pas se décourager, etc. ou simplement pour exprimer qu'une œuvre est enfin achevée.

HISTORIQUE

XIe s. Tel coronet [tel prêtre couronné, tonsuré, l'archevêque Turpin] ne chantat onques messe, Ch. de Rol. CXIX.

XIIe s. De Tortolose estoit rois coronez, Ronc. p. 41. Sur toute joie est cele couronnée Que j'ai d'amor : Dieu ! i faudrai-je donc ? Couci, VI. Le premier roi de France fist Diex par son commant Coroner à ses anges dignement en chantant, Sax. I. En cel contemple ad fait li reis Henris jurer Henri sun fil à rei, e sil fist coruner, Th. le mart. 68. Li clers est corunez : Deus deit en lui seeir ; Aprendre deit tuz dis ; mult li covient saveir, ib. 30. E tuit le firent coronier après sa mort, Machabées, I, 1. Il et ele [Thibaut et la reine Blanche] lez à lez La [France] tiennent de compagnie ; Cil n'en est fors rois clamés [que roi de nom] Qui pieça est coronés, Hues de la Ferté, Romancero, p. 189.

XIIIe s. Sire, que la vostre ame soit de Dieu couronnée, Berte, XLVI. Dont pristrent li baron conseil de s'aler en Constantinoble, pour coroner le bailli à empereour, Villehardouin, CLXIV. Dist Renart : se Diex bien me face, Se je puis un rasoir trover, Je vos vodré bien coroner [tonsurer], Ren. 3240. Li fust li roiaumes donnés, Dont il fu puis reis couronnés, Et vicaires de tout l'empire, la Rose, 6760. Quand le patriarche corone le roi, la procession lui vient à l'encontre à la porte du mostier, Ass. de J. I, 29.

XIVe s. Es olimpiades les tres bons et les tres fors ne sont pas coronnés, mes ceulx qui bien besoignent, Oresme, Eth. 18. Et doit l'en aviser que le cheval ait maigres jambes, larges et plates, qu'il n'ait pas les genoulx couronnés, Ménagier, II, 3.

XVe s. [Rob. Bruce recommande en mourant, aux barons, que quand son fils] seroit venu en aage, qu'ils luy obeyssent, et qu'ils le couronnassent à roy, Froissart, I, I, 47. Liberalité est es cueurs des hommes effacée et estaincte, et en lieu de ceste couronnée vertu regne avarice et convoytise, Hist. de la Toison d'Or, t. II, f° 200.

XVIe s. L'on vous donnera la louange d'avoir glorieusement couronné et achevé l'œuvre, que vostre feu pere avoit heureusement fondé, Amyot, Ép. Ilz le voulurent couronner de chappeaux de fleurs, pour leur avoir apporté de si bonnes nouvelles, Amyot, Thésée, 26. D'un tel logis le seigneur redouté Va couronné d'honneur et de jeunesse, Ronsard, 705. Caril est, quant au reste, aussi noble qu'un ange, Tant je l'ay couronné de gloire et de louange, Ronsard, 87.

ÉTYMOLOGIE

Voy. COURONNE ; provenç. et espagn. coronar ; ital. coronare ; du latin coronare.