« dent », définition dans le dictionnaire Littré

dent

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

dent

(dan ; le t se lie : une dan-t aiguë ; au pluriel, l's se lie : des dan-z aiguës) s. f.
  • 1Chacun des petits os recouverts d'émail, qui, enclavés dans la mâchoire, servent à mâcher. Une dent gâtée. Le mal de dent. Avoir mal aux dents. Des dents blanches et bien rangées. Je l'ai trouvée fort belle à une dent près, qui lui fait un étrange effet au devant de la bouche, Sévigné, 321. La reine disait de lui [le cardinal de Retz] qu'on n'était jamais laid quand on avait les dents belles, Diderot, Règne de Claude et Néron, I, § 47.

    Une rage de dents, une violente douleur de dents.

    On dit qu'on a les dents molles, lorsqu'elles n'ont pas leur fermeté ordinaire et qu'elles sont agacées par quelque substance.

    Dents de lait, les premières dents, qui sont au nombre de vingt, et qui, ordinairement complètes à deux ans ou deux ans et demi, sont destinées à tomber pour être remplacées ; elles portent aussi le nom de dents primitives, de dents temporaires. Dents de la seconde dentition, celles qui remplacent les dents de lait et qui sont destinées à rester. Dents de sagesse, dents de la seconde dentition qui poussent les dernières.

    Avoir la mort entre les dents, être très vieux, voisin de la tombe, ou bien être très malade.

    Tenir la mort entre les dents, même sens. Il bave comme un pulmonique. Qui tient la mort entre les dents, Régnier, Stances.

    Arracher une dent à quelqu'un, la lui ôter de la mâchoire ; et fig. tirer de lui quelque argent ou autre chose qu'il est contraint de donner malgré lui. Quand on lui demande quelque chose, il semble qu'on lui arrache une dent, se dit d'une personne qui ne donne qu'avec peine.

    Mentir comme un arracheur de dents, être fort accoutumé à mentir.

    C'est vouloir prendre la lune avec les dents, se dit d'une chose impossible.

    Il lui vient du bien, lorsqu'il n'a plus de dents, se dit de quelqu'un à qui il vient du bien sur la fin de ses jours.

    Donner des noisettes à ceux qui n'ont plus de dents, donner à quelqu'un des choses dont il n'est plus en état de se servir.

    Il y a longtemps qu'il n'a plus mal aux dents, il y a longtemps qu'il est guéri du mal de dents, il est mort depuis longtemps.

    Substantivement et au féminin, une sans dent, une femme qui n'a plus de dents. Qu'entend ce rustre, et que nous veut-il dire ? S'écria lors une de nos sans dents, La Fontaine, Lunettes.

    Être armé jusqu'aux dents, être garni d'armes défensives, qui couvrent le corps entier jusqu'aux dents, et, par extension, être pourvu de toutes les armes nécessaires à l'attaque et à la défense. Dans ce penser il s'arme jusqu'aux dents, La Fontaine, Gag. Habillés à la légère parmi des gens cuirassés jusqu'aux dents, Montesquieu, Lettr. pers. 67.

    Fig. et par plaisanterie. Être savant jusqu'aux dents, être très savant ; locution prise, a-t-on dit, de ce qu'autrefois on ne tenait personne pour savant, s'il n'était docteur, et que le doctorat amenait à sa suite de fort grands repas où l'on exerçait bien ses dents, mais qu'il semble bien plus naturel de rattacher, par extension, à la locution : armé jusqu'aux dents, la science étant comparée à une armure. N'étant point de ces rats qui, les livres rongeants, Se font savants jusques aux dents, La Fontaine, Fabl. VIII, 9. Vous en qui la sagesse abonde, Vous enfin savant jusqu'aux dents, Scarron, Virg. trav. III.

    Il ment par ses dents, sorte de formule de démenti. Quelle incongruité ! vous mentez par les dents, Régnier, Sat. X.

    Dents artificielles, fausses dents, dents d'imitation, ou, simplement, dents, nom donné aux dents que l'on substitue à celles qui ont été arrachées ou qui sont tombées. Se faire mettre une dent.

  • 2Locutions figurées ou autres dans lesquelles dent figure pour l'action de manger. Prendre l'écuelle aux dents, se mettre à manger. Au fond d'un antre sauvage Un satyre et ses enfants Allaient manger leur potage Et prendre l'écuelle aux dents, La Fontaine, Fabl. V, 7.

    N'avoir pas de quoi mettre sous la dent, n'avoir pas de quoi manger, de quoi vivre.

    Manger de toutes ses dents, manger vite et beaucoup.

    Manger du bout des dents, manger à contre-cœur.

    Il n'y en a pas pour sa dent creuse, se dit quand on sert peu de chose à un homme de grand appétit. Ici creux a un sens figuré et signifie avide par vacuité.

    Familièrement. Il n'en tâtera, n'en croquera, n'en cassera que d'une dent, il n'en aura point. Faites moins la sucrée et changez de langage, Ou vous n'en casserez, ma foi, que d'une dent, Corneille, le Ment. IV, 9. Ah ! ah ! vous n'en tâterez, ma foi, que d'une dent, Fagan, Pupille, sc. 21.

    Mordre à belles dents, mordre vigoureusement. Il mordit dans la pomme à belles dents. Et fig. Que l'usure ait trouvé… Tant elle a bonnes dents, que mordre dessus moi, Régnier, Sat. VI.

    Fig. Avoir les dents longues, bien longues, avoir grand'faim, après être resté longtemps sans manger. On a le temps d'avoir les dents longues, lorsqu'on attend, pour vivre, le trépas de quelqu'un, Molière, Méd. malgré lui, II, 2.

    Ne pas perdre un coup de dent, manger sans que rien puisse interrompre. Un domestique accourt, l'avertit qu'à la porte Deux hommes demandaient à le voir promptement ; Il sort de table, et la cohorte N'en perd pas un seul coup de dent, La Fontaine, Fabl. I, 14. Je n'ai pas perdu un coup de dent ni une partie de volant, quand j'ai trouvé des joueuses comme Mlles vos filles, Courier, Lett. II, 50.

    Fig. N'en pas perdre un coup de dent, ne pas se soucier de choses représentées comme fâcheuses, de menaces faites. Il a beau agir et parler contre moi, je n'en perdrai pas un coup de dent.

  • 3Claquer des dents, choquer incessamment les dents l'une contre l'autre, ce qui est un effet ou de froid ou de frisson ou de peur. [Il] Claque des dents, tremble et frissonne, La Fontaine, Orais.

    Grincer des dents, serrer les denis fortement, de manière qu'elles font entendre un bruit. Il grinçait des dents Les dents lui grinçaient. Malgré son aigre voix qui fait grincer les dents, Il apprend de Lambert les airs les plus touchants, Regnard, Épît. I.

    Parler entre les dents, parler peu distinctement. Je m'arrête contraint ; d'une façon confuse, Grondant entre mes dents, je marmotte une excuse, Régnier, Sat. I. …Entre tes dents, je pense, Tu murmures je ne sais quoi, Molière, Amph. I, 2. Elle n'eût dit ces mots entre ses dents, La Fontaine, Berc. Tant que le jour est long, il gronde entre ses dents : Fais ceci, fais cela ; va, viens, monte, descends, Regnard, Fol. amour. I, 1. Le cardinal Albéroni parut choqué du discours que le colonel [Stanhope] lui tenait entre ses dents, Saint-Simon, 490, 138. M. de Richelieu laissa dire M. de Luxembourg et lui répondit après quelques honnêtetés entre ses dents, Saint-Simon, 19, 225. De le frapper je suis las, Mais dans ses dents monsieur gronde, Béranger, M. d'école.

    Familièrement. Rire du bout des dents, s'efforcer de rire sans en avoir envie. Et le ciel qui des dents me rit à la pareille, Régnier, Sat. X. Ce sera donc du bout des dents qu'il y rira, Molière, Impr. 3.

    Desserrer les dents, se mettre à parler, rompre le silence. Si quelqu'un desserre les dents, C'est un sot ; j'en conviens ; mais que faut-il donc faire ? Parler de loin ou bien se taire, La Fontaine, Fabl. X, 2.

  • 4Nom des petits os qui garnissent la bouche des animaux et qui leur servent à manger, à attaquer, à se défendre. Il fallait labourer les tristes champs de Mars Et des dents d'un serpent ensemencer la terre, Corneille, Médée, II, 1. Il [le rat] fit tant de pieds et de dents Qu'en peu de jours il eut au fond de l'hermitage Le vivre et le couvert, La Fontaine, Fabl. VII, 2. Il tira un fer de son petit sac, arracha les quarante dents du lion et mit à leur place quarante diamants d'une égale grosseur, Voltaire, Princ. de Babyl. 1.

    Fig. La dent, ce qui sert à mordre et à déchirer. Le moins qu'on peut laisser de prise aux dents d'autrui, C'est le mieux…, La Fontaine, Fabl. X, 9.

    Avoir une dent contre quelqu'un, lui en vouloir. Vous avez deviné qu'on n'aura point de dent contre elle, Sévigné, 324. Je vois que Votre Majesté a toujours une dent secrète contre la géométrie, D'Alembert, Lett. au roi de Prusse, 6 mars 1771.

    Avoir une dent de lait, garder une dent de lait contre quelqu'un, avoir une vieille inimitié, une inimitié pour ainsi dire sucée avec le lait. C'est que vous avez une dent de lait contre lui, Molière, Mal. imag. III, 3.

    Déchirer à belles dents, dévorer. Sinon à belles dents Je te déchire, La Fontaine, Rich. Je le déchirerais, le traître, à belles dents, Scarron, Jodelet, II, 7. Et, figurément, médire sans aucune retenue. Palissot avait fait une comédie intitulée le Satirique, dans laquelle il se déchirait lui-même à belles dents, pour pouvoir déchirer à son aise les philosophes, D'Alembert, Lett. à Voltaire, 2 juill. 1770.

    Coup de dent, morsure ; et, figurément, mot piquant, médisant.

    Tomber sous la dent, être mordu ; et, figurément, essuyer de quelqu'un soit des propos fâcheux, soit un mauvais traitement.

    Montrer les dents, se dit d'un animal qui menace et montre les dents. Le chien montrait les dents. Et, figurément, montrer les dents à quelqu'un, lui parler sévèrement, durement. Tellement qu'il faisait le maître Parmi les autres prétendants, Qui n'osaient lui montrer les dents, Scarron, Virg. trav. liv. VII.

    Quand la gueule de l'animal menaçant va jusqu'à montrer ses grosses dents, sa colère est encore plus grande et plus dangereuse : de là, figurément, parler à quelqu'un des grosses dents, le réprimander fortement, le menacer.

    Malgré les dents, sans craindre les dents menaçantes d'un animal ; et de là, figurément, malgré ses dents, malgré lui. Et là malgré mes dents rongeant et rêvassant, Régnier, Sat. X. Ils m'ont fait médecin malgré mes dents, Molière, Méd. malgré lui, III, 1. Je veux, je veux apprendre à vivre à votre mère ; Et, pour la mieux braver, voilà, malgré ses dents, Martine que j'amène et rétablis céans, Molière, F. sav. V, 2. Mais eût-il l'humeur sombre et noire, Avec l'époux, malgré ses dents, Mettez-vous bien, Hamilton, Gramm. 4. En dépit des dents, même sens. … les autres accidents Qui nous viennent happer en dépit de nos dents, Molière, Sgan. 17. Nous l'aurons, dis-je, en dépit de vos dents, Molière, Sicil. 9.

  • 5Les dents du cheval.

    Prendre le mors aux dents se dit d'un cheval qui s'emporte sans que le cocher ou le cavalier puissent le retenir, le mors n'opérant pas plus d'effet sur les barres que si le cheval le tenait serré entre les dents.

    Fig. Prendre le mors aux dents, se livrer à ses passions, à son emportement, à sa fougue.

    En un autre sens, prendre le mors aux dents, se mettre en colère, s'emporter subitement. On lui a fait un léger reproche, il a pris le mors aux dents.

    En un autre sens encore, prendre le mors aux dents, se livrer au travail, aux affaires avec ardeur, après être resté dans l'inaction, dans l'indolence. À présent il étudie beaucoup, il a pris le mors aux dents.

    Le cheval est sur les dents, quand, fatigué, il appuie ses dents sur le mors ; et, figurément, être sur les dents, être accablé de fatigue. Mettre sur les dents, exténuer de fatigue. Qu'elle m'ait déconfit et mis dessus les dents, Régnier, Sat. XII. La pauvre Françoise est presque sur les dents, à frotter les planches que…, Molière, B. gent. III, 2. Le voilà sur les dents, La Fontaine, Fabl. II, 9. L'incommoder, la mettre sur les dents, La Fontaine, Mandr. Tout cet embarras met mon esprit sur les dents, Molière, Amph. I, 2.

  • 6Les dents, la dentition. Beaucoup d'enfants meurent aux dents. Cet enfant a beaucoup de peine à faire ses dents.
  • 7 En termes de zoologie, nom donné à tous les organes calcaires ou cornés qui servent à diviser les substances alimentaires, quelle que soit la situation de ces organes.
  • 8Dent d'éléphant, une défense de l'éléphant.

    Dent de narval, longues défenses qui arment la mâchoire supérieure des narvals.

  • 9Nom des pointes qui garnissent certains instruments. Les dents d'une scie. Les dents d'un peigne. Souffrez qu'on peigne un peu… - Sottise sans pareille ! Tu m'as d'un coup de dent presque emporté l'oreille, Molière, Fâch. I, 1. D'obstacles infinis mille ont su triompher, Cécile des tranchants, Prisque des dents de fer [instrument de torture], Rotrou, St Gen. III, 8. Il y aurait plus de crimes dans un monde où il n'y aurait ni peines ni récompenses, comme il y aurait plus de dérangements dans une montre dont les roues n'auraient point toutes leurs dents, D'Alembert, Lett. au roi de Prusse, 30 nov. 1770.

    Terme de botanique. Saillie plus ou moins aiguë, mais toujours de petite dimension, du bord des organes membraneux.

    Dent de broderie, broderie en fome de dent ronde ou pointue qui termine ordinairement la broderie tout en l'ornant ; elle se fait presque toujours au feston. Dent simple. Dent pleine. Dent en crête de coq. Dent de feston de rose, espèce de dent pleine formée de petites dents. Broderie, découpure à dents de loup, broderie, découpure formant une suite d'angles aigus.

    Dents de passement, appelées aussi engrelures, et qui sont des pointes aux bords du passement.

    Sommet prismatique et anguleux d'une montagne.

    Terme de serrurerie. Refentes sur le museau du panneton d'une clef.

  • 10Brèche qui est au tranchant d'une lame. Ce couteau a des dents.
  • 11Dent de chien, ciseau de sculpteur, formé d'un fer fendu en deux pointes.
  • 12Dent-de-loup, cheville pour arrêter la soupente d'une voiture.

    Terme d'architecture. Espèce de gros clou de 12 à 15 centimètres de longueur, servant à attacher les grosses pièces de bois.

    Terme de charpentier. Grosse broche de fer servant dans les pans de bois à arrêter les tournisses.

    Terme de serrurier. Tringle recourbée pour supporter des ustensiles de cuisine.

    Instrument de doreur qui sert à brunir l'or.

    Terme de marine. Sorte de levier employé dans les ports pour soulever de lourds morceaux de bois.

  • 13Dent de chien, nom vulgaire de l'érythrone dent de chien (liliacées), dite aussi vioulte, s. f.

    Dent de lion, nom vulgaire du pissenlit commun, ou du taraxacum dent de lion (synanthérées) appelé aussi couronne de moine.

    Double dent, espèce de mousse.

  • 14 Terme de minéralogie. Dent de cochon, variété de carbonate de chaux en cristaux hexaèdres.

    Dent de cheval, variété de topaze bleu-verdâtre.

PROVERBES

C'est Geoffroi à la grand' dent, se dit de celui qui a quelque dent qui avance plus que les autres.

Œil pour œil, dent pour dent, se dit en parlant d'une vengeance égale à l'offense.

Telle dent, telle morsure, c'est-à-dire l'effet répond à la cause.

Le vin trouble ne casse point les dents.

HISTORIQUE

XIe s. [Il] Tranche le nes et la bouche et les dens, Ch. de Rol. CXXIII. [Il] Tranche la teste d'ici qu'as denz menus, ib. CXLIV.

XIIe s. Et par la grant angoisse touz les dens rechigner, Ronc. p. 200. Le nez moult très bien fait, les danz menus et blanz, Sax. v. Es danz del peigne ot des chevos [cheveux] Celi [de celle] qui s'en estoit peigniée, la Charrette, 1354.

XIIIe s. De paour [elle] va à dens sur la terre coucher, Berte, XI. Et Berte gist à dens par dessus la bruiere, ib. X. Puis [elle] dist entre ses dens, que nuls ne l'a oït…, ib. LIII. Par les denz bieu, ce dist li uns, C'est Bruns li ors [l'ours], li chaz Tybert, Ne li aura mestier haubert Qu'autre foiz m'ont il fet damage, Ren. 9226. Tu commenceras à fremir, à tressaillir, à demener, Sor costé t'estovra torner Une heure envers, une eure adens, Cum fait hons qui a mal as dens, la Rose, 2444. Mecine [médecine] encontre dens dolur ; De petis maus est le peür [pire], Ms. St Jean.

XIVe s. Il ne scet homme ou monde en tout le firmament à qui on doie faire de l'espée present, Se ce n'est à vous, sire ; chascun y a la dent, Guesclin. 17242. Il sont touz affamez, je le sai vraiement ; Ne pueent plus durer, car chascun a long dent, ib. 11384. C'est Bertran du Guesclin qui vient si faitement ; Il nous tient à brebis, il nous monstre la dent, ib. 1163. Le Besque de Vilaines, qui m'a grevé forment, Olivier de Mauny, que je hé durement, Et ses freres aussi qui me monstrent la dent, ib. 11004.

XVe s. Là les povres gens leur chantoient une note entre leurs dents tout bas, Froissart, II, III, 44. Je meurs de soif auprès de la fontaine ; Chault comme feu, et tremble dent à dent, Orléans, Ball. 106. Et icelui respondit fellement qu'il mentoit par ses dents, Monstrelet, liv. I, ch. 107. Du jour n'avoie mengé des dents ; S'avoye grand soif et grand faim, La Fontaine, 28. Parquoi, comme le roy lui monstroit la dent, avoit bien loy aussi de monstrer son orgueil envers le roy, Chastelain, Chron. des d. de Bourg. III. ch. 200. Malgré leurs dents, s'en vindrent toujours combattant, Bouciq. I, ch. 30. Le mareschal, qui toujours y avoit la dent, encore se voult mettre en son devoir de s'essayer, avant que aux Florentins aulcune vendition en fust faite, ib. III, ch. 8. Car, dit le proverbe, où la dent deult, la langue va, et, dit l'Escriture, qui de terre est de terre parle, Hist. de J. Boucicaut, in-4°, Paris, 1620, p. 378, dans LACURNE. C'est à meshuy, j'ay beau corner, Or ça il s'en fault retourner Maulgré sez dentz en sa maison, Villon, Arch. de Bagn.

XVIe s. Maugré ses dens, Calvin, Instit. 7. Cecy est pour blanchir vos dents, Si par temps ils deviennent ords, Saint-Gelais, 121. Je vy naguere un cheval qui prenoit Son mors aux dents…, Saint-Gelais, 200. Comme ne peut s'appaiser Ta dent par ire accrochée, Saint-Gelais, 246. Ses dentelettes d'ivoyre, Du Bellay, J. VII, 37, recto. Le prince se retira en son camp, riant (mais entre les dents), Lanoue, 562. Les magistrats catholiques, remis en leurs estats, avoient bien souvent quelque dent de prendre la revanche des huguenots, Castelnau, 177. Ayant la mort entre les dents, il songe encore à la guerre contre Mithridate, Amyot, Marius et Pyrr. 14. Il ne faisoit mourir seulement ceulx contre qui il avoit particulierement quelque vieille dent, Amyot, Lysand. 35. Le beguoyement de leur parler entre leurs dents, Amyot, Sertor. 40. Celle herbe que l'on appelle dent de chien, Amyot, César, 68. Si on luy commande de parler des grosses dents à un fascheux beau pere, il est sans honte et sans mercy, Amyot, Comm. disc. le flatt. 41. Les advocats n'en meurent guere, Qui boivent avec leurs clients : Ayant une bonne matiere, Ils s'en lavent fort bien les dents, Jean le Houx, Vau de Vire, 1. Là l'infanterie demeura sur les dents, comme aians foit trois lieues plus que leurs ennemis, D'Aubigné, Hist. III, 9. L'apophyse dressée au corps superieur du second spondyle, que Hippocrates appelle dent, Paré, IV, 16. Si les dents sont corrodées, creuses et pertuisées jusques à la racine, Paré, XV, 26. Les orfevres garnissent ces dents [de lamie ou requin] d'argent, les appelans dents de serpent, Paré, Monstr. app. 1. À douleur de dent n'ayde viole n'instrument, Leroux de Lincy, Prov. t. I, p. 214. Battre le tambour avec les dents [trembler], Leroux de Lincy, ib. Bonnes sont les dents qui retiennent la langue, Leroux de Lincy, ib. Les gourmands font leurs fosses avec leurs dents, Leroux de Lincy, ib. Dent contre dent se consume, Génin, Récréations, t. II, p. 237. On met mieulx entre ses dens qu'on ne le rejette quand est dedans, Génin, ib. p. 246. Il portoit une dent à Guesclin depuis qu'il avoit enlevé le chasteau de Fougeray sur Robert de Bambroc, Mém. s. du Guesclin. ch. V.

ÉTYMOLOGIE

Picard, deint, s. m. ; wallon, den ; génev. cet enfant met ses dents, pour il fait ses dents ; provenç. dent ; espagn. diente ; ital. dente ; du latin dens ; grec, ὀδοὺς ; angl. tooth ; allem. Zahn ; island. tan ; bas-breton, dant ; sanscrit, danta, qui paraît être originairement le participe présent adanta, mangeant, du verbe sanscrit ad, manger (latin edere), dont la voyelle initiale serait conservée dans le grec ὀδοὺς. Dans l'ancien français, dent était masculin comme en latin ; il est resté tel dans quelques patois : rire des gros dents, se dit en Lorraine ; Il commence à devenir féminin au XIVe siècle.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

DENT. Ajoutez :
15Dent à brunir, instrument de relieur. Alors avec une dent à brunir d'agate ou de caillou très dur, en forme de dent-de-loup, et d'une grosseur proportionnée à la tranche, il brunit avec soin de la manière suivante…, Manuel du relieur, p. 185, Roret, 1827.
16Dent-de-chien, instrument dit aussi double pointe (voy. POINTE n° 7).
17Maïs dent de cheval, sorte de maïs. La variété qui est généralement cultivée est la variété dent de cheval, remarquable par sa tardiveté et par l'accroissement qu'elle prend en France et en Amérique, Bulletin de la Soc. centr. d'Agric. 1875, p. 638.
18Donner par les dents, donner un coup sur les dents, sur la bouche. Il [Caligula] n'eût pas pensé avoir bien foulé aux pieds la république, s'il ne lui eût encore donné du pied par les dents, Malherbe, Lexique, éd. L. Lalanne.

REMARQUE

1. On lit dans Régnier : L'une se plaint des reins… L'autre du mal des dents, Sat. XI. On dit plus ordinairement mal de dents.

2. La Grammaire générale et raisonnée, p. 11 (4e édit. Paris, 1780) dit que malgré ses dents est pour malgré ses aidants. Rien ne prouve cette assertion, contre laquelle l'historique est décisif.