« effacer », définition dans le dictionnaire Littré

effacer

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

effacer

(è-fa-sé. Le c prend une cédille devant a ou o : nous effaçons ; j'effaçais) v. a.
  • 1Faire disparaître une face, une figure ou des couleurs par le frottement, ou en biffant, en raturant. Effacer les chiffres, les figures qui sont au tableau. Il faut effacer ces mots-là. Effacer un nom d'une liste, un article d'un compte. Puisque la loi ne veut pas qu'on fasse mourir ceux qui sont du nombre des trois mille, autrement que par l'avis du sénat, j'efface Théramène de ce nombre et le condamne à mort en vertu de mon autorité et de celle de mes collègues, Rollin, Hist. anc. Œuvres, t. IV, p. 115, dans POUGENS. Ce peu de sang que ta main va verser, Quelques soins d'un moment vont bientôt l'effacer, Ducis, Macbeth, III, 3.

    Absolument. Il efface et corrige sans cesse. Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage ; Polissez-le sans cesse et le repolissez ; Ajoutez quelquefois et souvent effacez, Boileau, Art p. I.

  • 2 Par extension, faire disparaître. Le temps avait effacé plusieurs monuments que les poëtes ont célébrés, Vaugelas, Q. C. liv. III, dans RICHELET. Et que le jour paraisse, ou que la nuit l'efface, Je n'ai point de clarté que celle que sa grâce Inspire en mon esprit, Racan, Ps. LIV. Jour, qui fais la couleur, et toi, nuit, qui l'effaces, Exaltez sa grandeur, Corneille, Trad. du cant. des trois enfants. La beauté passe, Le temps l'efface ; L'âge de glace Vient à sa place, Molière, Mal. imag. Intermède 2. …Quelle étrange pâleur De son teint tout à coup efface la couleur ? Racine, Esth. II, 7. Je me souviendrai toute ma vie d'avoir vu… cet air superbe et menaçant que la mort même n'avait pu effacer, Fénelon, Tél. II.
  • 3 Fig. Faire oublier. Je t'ai fait une offense et j'ai dû m'y porter, Pour effacer ma honte et pour te mériter, Corneille, Cid, III, 4. Et c'est le dire assez qu'ordonner qu'on efface Un grand crime impuni par le sang de sa race, Corneille, Œdipe, III, 5. Quand j'aurai de ses maux effacé l'infamie, Corneille, Sertor. IV, 2. Et le triste succès de tout ce qu'il m'adresse M'efface son offense et lui rend ma tendresse, Molière, D. Garc. V, 2. La paysanne que je viens de quitter répare ce malheur, et je lui ai trouvé des charmes qui effacent de mon esprit tout le chagrin que…, Molière, le Fest. de Pierre, II, 2. La reconnaissance de l'obligation n'efface pas en moi le ressentiment de l'injure, Molière, ib. III, 6. Non il n'est rien qui puisse effacer de mon cœur les tendres témoignages…, Molière, Sicil. 13. La gloire d'un si beau nom ne fut effacée ni par la mollesse de Lucius Vérus, frère de Marc-Aurèle et son collègue dans l'empire, ni par les brutalités de Commode son fils et son successeur, Bossuet, Hist. I, 10. Dis-lui… Que ses ressentiments doivent être effacés, Racine, Andr. IV, I. Où la haine des rois avec le lait sucée, Par crainte ou par amour ne peut être effacée, Racine, Bérén. IV, 4. Entre Sénèque et vous disputez-vous la gloire à qui m'effacera plus tôt de sa mémoire, Racine, Brit. I, 2. Ses caresses n'ont point effacé cette injure, Racine, Baj. I, 1. Cet illustre assassin entouré de victimes En descendant du trône efface tous ses crimes, Voltaire, Mort de Cés. III, 4. Vos généreuses mains s'empressent d'effacer Les larmes que le ciel me condamne à verser, Voltaire, Fanat. I, 2. Tous vos respects ne pourront effacer Les téméraires vœux qui m'osaient offenser, Voltaire, Sémir. II, 2.

    Absolument. Vous me parlez de Mme d'Heudicourt, et vous voulez un raccommodement en forme ; il n'y en a point ; le temps efface ; on la revoit…, Sévigné, 306.

  • 4Éclipser, l'emporter d'une façon quelconque. Où le fameux Horace Vient d'effacer l'éclat des héros de sa race, Du Ryer, Scévole, II, 3. Léonce est effacé par le fils de Maurice, Corneille, Héracl. III, 2. C'est une belle chose que de se laisser effacer dans un lieu où l'on a affaire, Sévigné, 176. Notre cardinal vous aurait un peu effacée, Sévigné, 190. Les Mèdes étaient effacés par la grandeur des rois de Babylone, Bossuet, Hist. I, 7. Dont la blancheur effaçait celle de la neige, Fénelon, Tél. I. Il a effacé la gloire de tous les conquérants, Fénelon, ib. V. Sa beauté effaçait celle de Calypso, Fénelon, ib. VII. Tout ce qui vous efface blesse votre orgueil, Massillon, Car. Confess. Vous ne pouvez souffrir ceux qui vous effacent, Massillon, ib. Salut. Deux hommes effacèrent par leurs vertus tous les autres citoyens, Montesquieu, Rom. 11. Dans l'art des vers c'est toi qui fus mon maître ; Je t'effaçai sans te rendre jaloux, Béranger, Bonsoir. Achille était poétique, Mais morbleu nous l'effaçons, Béranger, Mirmid.
  • 5 Terme d'escrime et militaire. Effacer le corps, une épaule, se tenir bien de côté, de manière à présenter le moins de surface à l'adversaire, ou à rentrer dans l'alignement du rang.
  • 6S'effacer, v. réfl. Être effacé, enlevé par frottement ou autrement. Ce crayon s'efface facilement.

    S'ôter l'un à l'autre l'apparence, l'existence. Ils s'effaçaient l'un l'autre [il s'agit de spectres dans un songe] ; et chaque illusion Redoublait mon effroi par sa confusion, Corneille, Hor. I, 3.

    Fig. Mais hélas ! ce portrait qu'elle s'était tracé Perd beaucoup de son lustre et s'est bien effacé, Rotrou, Vencesl. I, 1. Mais tous les préjugés s'effacent à ta voix, Voltaire, Alz. I, 1. Vos premiers sentiments doivent tous s'effacer, Voltaire, Fanat. V, 2.

    Être mis de côté, négligé. Par le salut public devant qui tout s'efface, Voltaire, Zulime, II, 1.

    Être oublié. S'effacer de la mémoire.

  • 7Disparaître. De leur plus haut rang la pompe la plus vaine S'efface au seul aspect de la grandeur romaine, Corneille, Sertor. II, 2. Fuyons, l'ombre s'efface et l'aube va paraître, Delavigne, Vêpres sic. II, 7. Et la moitié du ciel pâlissait, et la brise Défaillait dans la voile, immobile et sans voix, Et les ombres couraient, et sous leur teinte grise Tout sur le ciel et l'eau s'effaçait à la fois, Lamartine, Harm. II, 2.
  • 8S'éclipser soi-même. Il s'effaçait pour faire briller son ami.

    Perdre son empreinte propre. Les caractères s'effacèrent.

  • 9 Terme d'escrime. Se présenter bien de côté, en offrant la moindre surface.

    Terme militaire. Rentrer dans l'alignement.

    Terme de marine. Un vaisseau s'efface quand, étant embossé, il présente le flanc à un bâtiment, à un fort, etc.

SYNONYME

EFFACER, RAYER, RATURER, BIFFER. Effacer est le plus général des quatre, vu qu'on efface de toutes sortes de façons. On efface un mot soit en le rayant, soit en le grattant, soit même en le lavant. On raye un mot en passant une raie dessus. Raturer, bien qu'il exprime un acte semblable à rayer, dit quelque chose de plus ; la rature efface plus complétement que la raie. On biffe un mot en le rayant aussi ; mais, quand il s'agit d'une pièce entière, d'un arrêt, etc. on dit qu'on les biffe, ce qui est les croiser avec une raie d'encre.

HISTORIQUE

XIIe s. Seient fait li fil [les fils] de lui en peril ; en une generaciun seit esfaced li nums de lui, Liber psalm. p. 169.

XIIIe s. Que qui l'orra veuille jus mettre De soi le mal, si que bien fasse, Que par bien oïr maint esfasse De son cors le mauvais usage, Dit de paresse. Roïne debonaire, Les ieux du cuer m'esclaire, Et l'obscurté m'esface, Rutebeuf, Theophile. Certes je grat hors et effas [efface] De mon cuer l'amor de mes gens, l'Escoufle. Effacié soient du livre de vie, Psautier, f° 81.

XIVe s. À po [peu] que le nom des Volques ne fut ileuc effacé et perdu, Bercheure, f° 53. Duquel la barbe longue et les cheveux avoient effacé la beauté de son viaire, Bercheure, f° 35, verso. Mais iceulx [péchés] soient à moy pardonnés et effaciés par ton benoit enfant, Ménagier, I, 1. Supposé que la renommée soit à tort, si ne peut jamais icelle renommée estre effaciée, ib. I, 4.

XVe s. Sains, très sains appeller se font ; Mais dont ceste saincteté vient ? Quant à present ne me souvient ; Je ne voy miracle qu'ilz facent, Ne maladie qu'ilz effacent, Deschamps, Poésies mss. f° 526, dans LACURNE.

XVIe s. Si tost qu'il se fut jetté aux affaires de la chose publique, il effacea incontinent tous les autres orateurs et entremetteurs du gouvernement, Amyot, Alc. 19. Antimachus fut si despit et si marry qu'il effacea ce qu'il en avoit escript, Amyot, Lysand. 34. La divination n'a que des moyens obscurs et tous effacez instrumens pour cognoistre ce qui doibt advenir, Amyot, Sylla, 16. … Ou pour sçavoir si du temps la longueur Ne m'avoit point effacé de son cœur, Ronsard, 779. On trouve, en peu de sacres, doigts gros et tendans à couleur de bleu effacé, Fouilloux, Fauconn. f° 58, dans LACURNE. Protogenes, despité contre sa besongne, print son esponge, et, comme elle estoit abruvée de diverses peinctures, la jecta contre, pour tout effacer, Montaigne, I, 254.

ÉTYMOLOGIE

É- pour es- préfixe, et face : proprement, ôter la face ; bourguig. efaicé ; provenç. esfassar.