« estimer », définition dans le dictionnaire Littré
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estimer
- 1Déterminer la valeur, le prix de quelque chose. On estime ce cheval mille francs.
Combien estimez-vous cette maison ? En quelque contrée de l'univers que vous alliez, vous y trouverez l'homme aussi fin que vous ; et il ne vous donnera jamais que ce qu'il estime le moins pour ce qu'il estime le plus
, Raynal, Hist. phil. III, 1.Fig.
Permettez, madame, que j'estime La grandeur de l'amour par la grandeur du crime
, Corneille, Sertor. v, 4. - 2Faire cas, avoir de la considération pour.
J'honore sa vertu, j'estime sa personne
, Corneille, Héracl. I, 2.Je vous estime trop pour vouloir rien farder
, Corneille, Nicom. I, 2.… Il [Annibal] m'a surtout laissé ferme en ce point D'estimer beaucoup Rome et ne la craindre point
, Corneille, ib. II, 3.Son monsieur Trissotin me chagrine et m'assomme, Et j'enrage de voir qu'elle estime un tel homme
, Molière, F. sav. I, 3.Sur quelque préférence une estime se fonde ; Et c'est n'estimer rien qu'estimer tout le monde
, Molière, Mis. I, 1.J'estimai ces bons pères de l'excellence de leur politique
, Pascal, Prov. 5.Cet homme [Retz] si fidèle aux particuliers, si redoutable à l'État, d'un caractère si haut qu'on ne pouvait ni l'estimer, ni le craindre, ni l'aimer, ni le haïr à demi
, Bossuet, le Tellier.Il y a deux choses qu'ils [les hommes] estiment beaucoup… la vie et l'argent
, La Bruyère, XI.J'ai remis votre lettre au roi, il vous estime autant qu'il peut estimer un hérétique
, Maintenon, Lett. à M. de Villette, 10 juillet 1684. - 3Croire, réputer, présumer.
Si quelqu'un les regarde… Estime, mon ami, que c'est un grand miracle
, Régnier, Sat. IV.Ils répondirent qu'ils estimaient la place imprenable
, Vaugelas, Q. C. liv. III, dans RICHELET.Et j'estime Que ce peu que j'ai dit est l'avis de Maxime
, Corneille, Cinna, II, 1.Quoi que vous estimiez de ma civilité, Je ne me pique point d'insensibilité
, Corneille, Suiv. II, 3.Tu m'estimes bien lâche, imprudente rivale
, Corneille, Rodog. II, 1.Je n'estime pas que l'homme soit capable de former un projet…
, La Bruyère, Disc. sur Théophr.Le plus sûr, c'est d'estimer celle [la forme de gouvernement] où l'on est né la meilleure de toutes
, La Bruyère, X.Le roi Louis XIII expliqua pendant un quart d'heure l'avis qu'il estimait devoir être suivi
, Saint-Simon, 6, 87. - 4 Terme de marine. Faire une estime.
- 5S'estimer, v. réfl. Avoir de l'estime pour soi-même.
Je m'estimais trop peu pour un honneur si grand
, Corneille, Hor. II, 2.À l'égard de ceux qui s'estiment à propos de rien, qui sont glorieux de leur rang ou de leurs richesses, gens insupportables et qui fâchent tout le monde…
, Marivaux, Marianne, 4e part.Ces peuples s'estimaient sans mépriser les autres nations
, Raynal, Hist. phil. XVIII, 16.Qui ne s'estime pas perd ses droits à l'estime
, Delille, Parad. perdu, VIII.S'estimer son prix, avoir de soi la juste opinion qu'on doit en avoir.
Avoir une estime réciproque. Nous nous estimons l'un et l'autre.
- 6Déterminer sa propre valeur.
Glocester : Moi, je paie ; à présent tu ne t'appartiens plus. - Tyrrel : Jamais on n'eut sur moi de droit si légitime ; Vous m'avez acheté plus que je ne m'estime
, Delavigne, Enf. d'Éd. II, 3. - 7Se croire, se réputer.
Leur brutale vertu veut qu'on s'estime heureux
, Corneille, Hor. IV, 4.Avant que de combattre, ils s'estiment perdus
, Corneille, Cid, IV, 3.Roxane s'estimait assez récompensée
, Racine, Baj. III, 4.
HISTORIQUE
XIIe s. Et tant des autres que nus [nul] nel peut esmer
, Ronc. p. 32.
XIIIe s. Vingt ans avoit Pepins, ainsi [je] l'oï esmer
, Berte, III. Sans les autres richesses que je ne sai conter, Qu'à peine les peut-on ne dire ne esmer
, ib. XCVIII.
XIVe s. Non obstant que la valeur des choses et dons dessus diz ne soit extimée et declairée en ces presentes
, Bibl. des Chartes, 5e série, t. I, p. 80. Ils furent si surprins et orent si grant joie que nul ne le pourroit extimer
, Ménagier, I, 9.
XVe s. Adonc je regarday l'entrée Du jardin qui estoit fermée ; Mais comme ma vue estima, Zephirus tost la defferma
, La Fontaine, 15. Le conte de Dunoys fort estimé en toutes choses
, Commines, I, 3. Il estima peu leurs requestes et demandes
, Commines, V, 16.
XVIe s. Il ne faut point estimer d'un homme par un seul fait
, Calvin, Instit. 826. Il se pourmena un tour ou deux par la salle, pensant bien profundement comme l'on pouvoit estimer
, Rabelais, Pant. II, 13. Estimant que cela ayderoit à…
, Montaigne, I, 15. Je ne l'honore ny ne l'estime [la pratique de la médecine]
, Montaigne, III, 207. Il fut seul estimé cause et autheur de la guerre peloponesiaque
, Amyot, Péric. 57. Plusieurs estiment que cette deesse Euclia soit Diane, et la nomment ainsi
, Amyot, Arist. 50.
ÉTYMOLOGIE
Wallon, astimer, évaluer, estimer ; provenç. esmar, estimar ; espagn. et portug. estimar ; ital. stimare ; du latin æstimare, que des étymologistes latins dérivent de æs, argent, et le suffixe tim (comme dans legi-timare) : évaluer en argent. Æstimare avait donné, dans l'ancienne langue, d'après la suppression des voyelles brèves, esmer (d'où l'anglais to aim, viser à, ce qui nous indique qu'on prononçait êmer) ; estimer a été refait sur le latin dans le XIVe siècle.