« fils », définition dans le dictionnaire Littré

fils

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

fils

(fi ; l's se lie : le fi-z aîné. Beaucoup de gens ont pris depuis quelque temps l'habitude de faire entendre l's quand le mot est isolé ou devant une consonne, un fiss' ; c'est une très mauvaise prononciation) s. m.
  • 1Un enfant mâle, par rapport à son père ou à sa mère. Un bon fils. Il a trois fils. Durand père et Durand fils. Et sous le nom d'un fils toute faute est légère, Corneille, Nicom. II, 2. Judith veuve, qui était fille de Merari, fils d'Idox, fils de Joseph, fils d'Ozias…, Sacy, Bible, Judith, VIII, 1. Ai-je donc élevé si haut votre fortune Pour mettre une barrière entre mon fils et moi ? Racine, Brit. I, 2. Ce n'est plus votre fils, c'est le maître du monde, Racine, ib. Hélas ! un fils n'a rien qui ne soit à son père, Racine, Athal. IV, 1. Scipion, le destructeur de Carthage, était propre fils du fameux Paul-Émile qui vainquit Persée, dernier roi de Macédoine, et par conséquent petit-fils de cet autre Paul-Émile qui fut tué à la bataille de Cannes, Rollin, Hist. anc. Œuvr. t. I, p. 565, dans POUGENS.

    On dit, pour désigner une maison de commerce tenue par un père et son fils conjointement : un tel et fils, négociants.

    Fils au singulier ou au pluriel se construit souvent avec le nom du père sans préposition : le fils ou les fils Guérin. Les quatre fils Aymon, nom de quatre chevaliers, fils du duc Aymon, dans les romans de Charlemagne ; c'étaient Renaud l'aîné de tous, Guidon le sauvage, Maugis et Richardet ; on les représente souvent tous les quatre sur un seul cheval. Ils étaient à cheval comme les fils Aymon, Collin D'Harleville, M. de Crac, sc. 16.

    C'est un archaïsme, alors que l'ancienne langue, ayant un cas pour le régime, marquait le rapport entre deux substantifs par ce cas sans préposition.

    Le fils de la maison, le fils du maître de la maison.

    Fils de famille, celui qui vit sous l'autorité d'un tuteur. Il n'est de sa mère, ou sous l'autorité d'un tuteur. Il n'est pas prudent de prêter au fils de famille. Mon amant dans l'état où l'on voit très souvent les fils de famille [sans argent], Molière, Scapin, III, 3.

    Voy. aussi FAMILLE, pour un autre sens,

    Fils de France, enfant mâle du roi de France.

    Fils naturel, fils né hors du mariage. François Pizarre, le plus connu de tous, était fils naturel d'un gentilhomme d'Estramadure, Raynal, Hist. phil. VII, 4.

    Autrefois, fils de maître, celui qui, étant fils de maître dans quelque art ou métier, avait, quant à la maîtrise, certains droits et priviléges.

    Fig. Être fils de maître, avoir les mêmes talents que son père.

    Petit-fils, voy. PETIT.

    Arrière-petit-fils, voy. ce mot à son rang.

    Beau-fils, l'enfant mâle d'un premier mariage, par rapport, dans un second mariage, soit au mari, soit à la femme.

    Se dit aussi, abusivement, du gendre.

    Il n'est fils de bonne mère qui… il n'est aucun homme honnête qui… Il n'est fils de bonne mère qui ne voulût s'être conduit ainsi. D'un tel combat le prince est spectateur ; Chacun y court ; n'est fils de bonne mère Qui, pour le voir, ne quitte toute affaire, La Fontaine, Belph. Il n'est fils de bonne mère qui n'abandonne tout pour être présenté, faire sa révérence, avec l'espoir fondé, si elle est agréée, d'emporter pied ou aile, comme on dit, du budget, Courier, Lett. VIII.

    Il est fils de son père, il ressemble à son père tant pour le visage que pour les inclinations.

  • 2Fils en Jésus-Christ, se dit des fidèles par rapport à leurs pères spirituels.

    Particulièrement, fils en Jésus-Christ, terme dont se sert le pape en parlant du souverain de la France. Notre fils en Jésus-Christ, Louis quatorzième, roi de France.

    Le Fils aîné de l'Église, titre des rois de France (Fils prend ici une majuscule).

    Terme de l'Écriture. Le fils de l'homme, Jésus-Christ. Il faut que le fils de l'homme souffre beaucoup, qu'il soit rejeté par les sénateurs, par les princes des prêtres, Sacy, Bible, Év. St Luc, IX, 22. Alors on verra le fils de l'homme venir sur une nuée avec une grande puissance et une grande majesté, Bourdaloue, Myst. Pass de Jésus-Christ, t. I, p. 229.

    Le fils de Dieu, Jésus-Christ. Il a fallu qu'il [Jésus] ait passé par les souffrances pour entrer en sa gloire, et, quoiqu'il fût fils de Dieu, il a fallu qu'il ait appris l'obéissance, Pascal, Lett. à Mme Perier, 17 oct. 1651.

    Fils de Dieu, chez les Hébreux, a aussi signifié homme de bien. Fils de Satan, fils de Bélial, méchant homme.

  • 3Celui qu'on regarde ou qu'on aime comme son fils. Vous retrouverez en lui le fils que vous avez perdu.

    Mon fils, manière amicale dont les personnes d'un certain âge ou d'un caractère vénérable adressent la parole à un jeune homme ou à un homme qui n'est pas leur fils. Mon fils, lui dit-elle, ne dédaignez pas mes avis. Mon disciple, mon fils, Viens réparer ma honte, Chapelain décoiffé, sc. 3 (dans les Œuvres de BOILEAU)

    Mon fils, n'est quelquefois qu'un terme d'amitié ou de prière. Mascarille : Je vous baise les mains, je n'ai pas le loisir. - Lélie : Mascarille, mon fils. - Mascarille : Point. - Lélie : Faismoi ce plaisir, Molière, l'Ét. II, 7.

    Mon fils, dans le langage familier, se dit quelquefois en parlant à soi-même. Figaro : Allons, Figaro, vole à la fortune, mon fils, Beaumarchais, Barb. de Sév. I, 6.

    V. Hugo (Légende des siècles, Bivar) a employé fils au sens de jeune homme, ou valet, comme on disait au moyen âge : Aucun sommet n'était trop haut pour votre taille, Et vous étiez un fils d'une telle fierté, Que les aigles volaient tous de votre côté.

  • 4 Poétiquement. Les fils de Mars, les guerriers.

    Les fils de la victoire, les guerriers que la victoire favorise. Honneur au fils de la victoire ! à la beauté rendons honneur ! Delavigne, Paria, III, 7.

    Les fils d'Apollon, les poëtes.

    Les fils de l'harmonie, les musiciens, et même les poëtes.

  • 5Se dit aussi pour désigner simplement le sexe masculin, un enfant mâle, un garçon. De ce mariage naquirent deux fils et une fille.
  • 6Un beau fils, un jeune homme élégant et recherché dans sa toilette. Il fait le beau fils. Là, là, n'en riez point ; autrefois, en mon temps, D'aussi beaux fils que vous étaient assez contents, Et croyaient de leur peine avoir trop de salaire, Quand je quittais un peu mon dédain ordinaire, Corneille, Mélite, V. 7. Bien disant et beau fils, La Fontaine, Tabl. Le voilà, le beau fils, le mignon de couchette, Molière, Sgan. 6. Et quel est ce beau fils qui cause tant de flamme ? Montfleury, le Mari sans f. III, 7.
  • 7Dans le style élevé, celui qui est de tel ou tel pays. Les fils d'Albion, les Anglais. Mais moi fils du désert, moi fils de la nature, Qui dois tout à moi-même et rien à l'imposture, Ducis, Othello, II, 7.

    Descendant, issu de telle ou telle race. Et tu pourras connaître Qui de nous deux, perfide, est l'esclave ou le maître… Et si le fils des rois punit les assassins, Voltaire, Mérope, V, 2. Fils des rois et des dieux, mon fils, il faut servir, Voltaire, ib. V, 4.

  • 8Dans la mythologie, les fils de la terre, les géants qui voulurent escalader le ciel.

    Fig. Un fils de la terre, un homme obscur qui s'est élevé à un haut rang. Quoi donc ! je l'aurai vu citoyen mercenaire, Du travail de ses mains nourrissant sa misère ; Et la guerre civile aura dans ses horreurs Mis ce fils de la terre au faîte des grandeurs, Voltaire, Agathocle, I, 1.

    S'emploie dans le style biblique avec un nom de qualité bonne ou mauvaise pour désigner celui qui possède cette qualité. Fils de rébellion, rebelle.

  • 9 Fig. Fils de… se dit de celui qui est produit par…, qui doit à… Et cet homme inconnu, ce fils heureux du sort Condamne insolemment ses maîtres à la mort, Voltaire, Catilina, V, 1.

    Il est fils de ses œuvres, se dit d'un homme qui ne doit qu'à lui-même la position à laquelle il est arrivé. Mes fils, du sort jaloux bravant le long outrage, Seront avec le temps les fils de leur courage, Chénier M. J. Œdipe roi, V, 3.

  • 10 Fig. Il se dit de ce qui est produit par. Le luxe est fils de la vanité. Ma main donne au papier, sans travail, sans étude, Des vers, fils de l'amour et de la solitude, Chénier, Élég. XVI.

HISTORIQUE

XIe s. Enveions i les filz de nos moillers [femmes], Ch. de Rol. III.

XIIe s. Mais onc [il] n'ot fil ne fille de sa franche moillier, Sax. IV. E ses fiz est morz, Rois, p. 236. En ces jors se leva Mathathie li fiz de Joan, fil de Simon, Machab. I, 2. E li fil d'els desque en secle serrunt sur le tuen siege, Liber psalm. p. 208.

XIIIe s. Biaus très dous fils, fait-elle, comment osas penser… ? Berte, III. Quant mi fil seront grant, [je] ferai les marier, ib. XCVII. Cil roys Loeys ot de femme deus fius, Chr. de Rains, p. 2. Tuit li enfant jusqu'au tiers nevoz sont apelez fiz, et li autre sont apelé deçadant, Liv. de just. 225. Et li fix du fil au fil mon fil [le fils du fils du fils de mon fils] m'est el quart degré en avalant, Beaumanoir, XIV, 4.

XIVe s. Filz de lisce [fils de femme publique], Du Cange, filius.

XVe s. Si n'estoit pas fils de bonne mere qui ne disoit de grans maulx et vilenies d'icelui duc, Monstrelet, t. II, p. 121, dans LACURNE. Guillaume dist au suppliant : Tu es un très mauvais filz, qui vaut aultant selon la coustume du pays : tu es un très mauvais filz de putain, Du Cange, filius.

XVIe s. Laides et laids, visages deifiques, Filles et fils [garçons] en la fleur de jeunesse, Marot, I, 159. Non moins regardé, prisé et estimé de tout le monde pour estre honeste et bien appris, que pour estre beau filz, Amyot, Marcell. 2. Estre fils de prestre [répéter ce qu'on dit], Oudin, Dict. À pere amasseur fils gaspilleur, Cotgrave, Dict. Qui n'a qu'un seul fils le fait fol ; qui n'a qu'un porceau le fait gras, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 397. Il n'y a fils de bonne mere qui ne mette là son denier [à acheter des offices], Pasquier, Lettres, t. I, p. 642.

ÉTYMOLOGIE

Bourguig. fi ; picard, fieu, fiu ; provenç. fils ; catal. fill ; espagn. hijo ; portug. filho ; ital. figlio ; du latin filius. À cause de la forme ombrienne felius, des étymologistes ont rattaché filius à fellare, teter, sanscrit dhê, teter. Dans l'ancien français, fils ou fis ou fius, au nominatif singulier ; fil, au régime singulier ; fil, au nominatif pluriel ; fils ou fis, au régime pluriel. La forme actuelle fils est le nominatif singulier de l'ancienne langue.