« fléchir », définition dans le dictionnaire Littré

fléchir

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

fléchir

(flé-chir) v. a.
  • 1Donner une inflexion, ployer. Fléchir la tige d'un arbre. On ne doit pas être surpris que le cuivre jaune ou laiton soit quelquefois sensiblement attirable à l'aimant, surtout après avoir été frappé ou fléchi et tordu avec force, Buffon, Min. t. VIII, p. 83, dans POUGENS.

    Donner une direction courbe. Ils [les canards sauvages] fléchissent leur vol, et se lancent obliquement sur la surface de l'eau, qu'ils effleurent et sillonnent, Buffon, Ois. t. XVII, p. 176, dans POUGENS.

  • 2Il se dit de l'action des muscles qui font faire aux membres une inflexion, un angle. Les muscles qui fléchissent le pied sur la jambe, la jambe sur la cuisse.

    Fléchir le genou, s'agenouiller. Il n'a devant Aman pu fléchir les genoux, Racine, Esth. III, 4. On vient fléchir le genou pour s'attirer les regards du prince, Massillon, Carême, Temples.

    Fig. Fléchir le genou, se soumettre. Tout fléchissait le genou et était rampant devant eux [Cambyse et Smerdis], Rollin, Hist. anc. Œuv. t. II, p. 471.

    Fléchir les genoux devant les idoles, adorer les idoles.

    On dit en ce sens : Fléchir le genou devant Baal.

  • 3 Fig. Toucher, attendrir, faire céder. Faites qu'à mes désirs je la puisse fléchir, Corneille, Cinna, III, 3. Il aura peu de peine à fléchir son dédain, Corneille, Sertor. IV, 1. A-t-elle rien fléchir de son humeur altière ? Corneille, Médée, II, 3. L'argent sut donc fléchir ce cœur inexorable, La Fontaine, Coupe. La grâce fléchit les cœurs les plus endurcis, Bossuet, Lett. 249. Dieu veut être fléchi, et il nous en fournit lui-même le moyen le plus efficace, Bourdaloue, Ouvert. du jubilé, Myst. t. II, p. 551. Cette férocité que tu croyais fléchir, De tes faibles liens est prête à s'affranchir, Racine, Brit. III, 2. Je vous crains pour vous-même ; et je viens à genoux Vous prier, ma princesse, et vous fléchir pour vous, Racine, Mithrid. IV, 2. Je fléchis mon orgueil, j'allai trouver Pallas, Racine, Brit. IV, 2. Laissez-vous fléchir à mes vœux, Massillon, Carême, Motifs de conv. Dans la suite, ayant fléchi la colère de Dieu par un sincère et vif repentir, il obtint sa liberté et retourna à Jérusalem, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. II, p. 65, dans POUGENS. Votre sagesse et votre autorité Ont d'Alzire en effet fléchi la volonté, Voltaire, Alz. I, 2.
  • 4 V. n. Avoir une courbure. M. Edwards observe que le bec de cette barge fléchit en haut, comme celui de l'alouette, caractère dont la plupart des barges portent quelque légère trace, Buffon, Ois. t. XIV, dans POUGENS.
  • 5Plier, céder sous la charge. Cette poutre fléchit. Cette barre de fer rompra plutôt que de fléchir. Les pièces de cette porcelaine ont toujours en dessous trois ou quatre traces de supports, qui ont été mis pour l'empêcher de fléchir dans la cuisson, Raynal, Hist. phil. t. III, liv. 5, ch. 27.

    Le genou fléchit, on s'agenouille ; et fig. on se soumet. Tout genou fléchira devant lui [Jésus-Christ], Bossuet, Hist. II, 4. Et fais à son aspect que tout genou fléchisse, Racine, Esth. II, 5.

  • 6 Fig. Se soumettre, céder. Tout a fléchi sous leur menace, Malherbe, III, 2. Tout fléchit sur la terre et tout tremble sur l'onde, Corneille, Nicom. III, 2. Tout fléchit sous un si grand capitaine, Bossuet, Hist. I, 10. [L'ode] Mène Achille sanglant au bord du Simoïs, Ou fait fléchir l'Escaut sous le joug de Louis, Boileau, Art p. II. Au joug de la raison sans peine elle [la rime] fléchit, Boileau, ib. I. Tout l'univers fléchit à vos genoux, Racine, Bérén. IV, 5. Fléchissons sous un dieu qui veut nous éprouver, Voltaire, Œdipe, I, 2.

    Fléchir sous le joug, s'y soumettre. J'aime, je l'avouerai, cet orgueil généreux Qui n'a jamais fléchi sous le joug amoureux, Racine, Phèd. II, 1.

  • 7Se relâcher de sa sévérité ou de sa fermeté. C'est un homme doux et qui fléchit aisément. S'il se voit en prison, il sera contraint de fléchir, Patru, Plaidoyer 11, dans RICHELET. Il faut fléchir au temps sans obstination, Molière, Mis. I, 1. Le concile si ferme fléchit par violence, Bossuet, Hist. I, 11. Mais de faire fléchir un courage inflexible, Racine, Phèd. II, 1.
  • 8Diminuer, devenir moindre. Depuis quarante ans qu'elle [une liaison] dure, je puis la citer pour exemple d'une amitié que ni les années ni les événements n'ont fait varier ni fléchir, Marmontel, Mém. V.
  • 9Ne plus combattre avec la même vigueur, commencer à céder. L'aile droite commençait à fléchir.
  • 10Se fléchir, v. réfl. Être ployé. Tout genou se fléchit devant lui [Jésus-Christ] dans le ciel, sur la terre et dans les enfers, Bossuet, Sermons, Ascens. Préambule.

    Fig. Comme si c'était à la règle à se fléchir pour convenir au sujet, Pascal, Prov. 5.

  • 11S'accommoder à, se prêter à. D'autres fois, moins sublime, mais non moins estimable, l'homme s'occupe des arts qui peuvent pourvoir à ses besoins ou augmenter ses commodités ; sa raison se fléchit à tout, Bonnet, Contempl. IV, 7.
  • 12Être touché, apaisé. Qui l'eût cru que pour moi le ciel dût se fléchir ? Boileau, Ép. V.

HISTORIQUE

XIIe s. Cum l'eve [de la Seine] est bloie et arzillose, E pleinteïve et abundose, Cum ele est suvent flechisantz Que la terre en seit plus vaillantz, Benoit de Sainte-Maure, II, 3015. Li prelat sunt serf Deu, li reis les deit cherir ; E il sunt chief des reis, li reis lur deit flechir, Deus est chiés [chef] des prelaz, Th. le mart. 70. Fait li dunc sainz Thumaz : tuz nus estuet murir, Ne pur mort de justise ne me verrez flechir ; E pur l'amur de Deu voil la mort sustenir, ib. 143.

XIIIe s. Dist Renart : dont vos abessiez, Et vos agenoilliez ici : Puis ambedeus ses piez flechi, Et mist sor le piege sa main, Ren. 4798.

XIVe s. Afin que par dons ne par prieres il ne se peust flechir de son propos, Bercheure, f° 28, recto. Ainsi veez vous que le sage homme fleschi son courage pour saulver l'onneur de sa femme, Ménagier, I, 8. Devant le roi Henri le varlet se fleschi, Et puis le salua de Dieu qui mort soufri, Guesclin. 15719.

XVe s. Guillaume de Fermiton flechit, et lui glissa un petit le pied, Froissart, II, II, 81. Vous sçavez que d'armes et d'amours ne doit on pas flechir de dire verité ; or je vous demande, par la foy que vous devez à amors et à chevalerie, lequel des chevaliers de dedans doit avoir le prix, Perceforest, t. I, f° 110.

XVIe s. Ce Genevois parlant au general, Genoux flescis troys fois baisa la terre, Marot, J. V, 33. Je sens mes facultez flechir soubs la charge, Montaigne, I, 155. Il [l'idiome français] succombe ordinairement à une puissante conception ; si vous allez tendu, vous sentez souvent qu'il languit soubs vous et flechit, Montaigne, III, 354. Les muscles qui flechissent et estendent le coulde, Paré, I, 8. On peult flechir une gaulle nouvellement cueillie, Palsgrave, p. 448.

ÉTYMOLOGIE

Pic. flékir, provenç. flechir ; anc. ital. fiettere ; du latin flectere, d'après Diez, par le changement, rare en français, de ct en ch, et par le changement plus fréquent de la 3e conjugaison en 4e. Mais en même temps il faut admettre pour le français que flechissant (XIIe s.), flechissable et flechissement (XIIIe et XIVe s.) indiquent une dérivation non de la conjugaison latine en ire, car alors on aurait flechant, flechable, flechement, mais une forme allongée par iscere (flexisco, comme florisco, pour je fleuris, fleurissant, etc.). Il faut noter l'analogie de flectere avec falx, la faux.