« frère », définition dans le dictionnaire Littré

frère

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

frère

(frê-r' ; d'après Chifflet, Gramm. p. 190, on prononçait frére) s. m.
  • 1Celui qui est né du même père et de la même mère, ou seulement de l'un des deux. Frère aîné. Frère cadet. Frère puîné. Chacun y chérit l'autre et le seconde en frère, Corneille, Poly. IV, 6. Ô frère plus aimé que la clarté du jour, Corneille, Rodog. V, 4. Non, un frère incommode et n'est pas de mon goût ; Et je veux être fils unique, Molière, Amph. III, 7. Le frère aidé de son frère est comme une ville forte, Bossuet, Polit. I, I, 6. On hait avec fureur lorsque l'on hait un frère, Racine, Théb. III, 6. Tu sais de nos sultans les rigueurs ordinaires : Le frère rarement laisse jouir ses frères De l'honneur dangereux d'être sorti d'un sang Qui les a de trop près approchés de son rang, Racine, Baj. I, 1. J'ai perdu dans la fleur de leur jeune saison Six frères ; quel espoir d'une illustre maison ! Racine, Phèdre, II, 1. Du temps que j'étais écolier, Je restais un soir à veiller Dans notre salle solitaire ; Devant ma table vint s'asseoir Un pauvre enfant vêtu de noir Qui me ressemblait comme un frère, Musset, Poésies nouv. Nuit de décembre.

    Fig. Celui qui a les sentiments d'un frère. De mon frère, il est vrai, les écrits sont vantés… En lui je trouve un excellent auteur, Un poëte agréable, un très bon orateur, Mais je n'y trouve point de frère, Boileau, Épigr. IV.

    Dans le droit romain, par le mot frère au pluriel, on entendait aussi les sœurs : les deux frères Lucius et Titia.

    Frères jumeaux, ceux qui sont nés d'un même accouchement.

    Frère de père et de mère ou frère germain, celui qui est né du même père et de la même mère qu'une autre personne.

    Frère de père ou frère consanguin, celui qui n'est frère d'une autre personne que du côté paternel.

    Frère de mère ou frère utérin, celui qui n'est frère d'une autre personne que du côté maternel.

    Demi-frère, frère qui ne l'est que de père ou de mère, et non de père et de mère.

    Frère naturel, frère bâtard, celui qui est frère, mais n'est pas né en légitime mariage. On dit dans le même sens familièrement : frère du côté gauche.

    Frère par adoption ou frère adoptif, celui qui a été adopté par le père naturel ou légitime d'une autre personne.

    Frère de lait, le fils de la nourrice par rapport au nourrisson, et réciproquement.

    Beau-frère, voy. BEAU-FRÈRE.

    Titre que les rois, les empereurs de la chrétienté se donnent entre eux en s'écrivant, et en parlant l'un de l'autre. Mon frère Charles XII fait l'Alexandre, mais il ne trouvera pas en moi un Darius [paroles du czar Pierre], Voltaire, Russie, I, 16.

  • 2 Par extension. Terme d'amitié. Esther, que craignez-vous ? suis-je pas votre frère ? Racine, Esth. II, 7.
  • 3Se dit de tous les hommes comme liés par des sentiments de bienveillance, de fraternité, en tant que fils d'Adam, et qu'appartenant tous au genre humain. Un roi sage… D'injustes fardeaux n'accable point ses frères, Racine, Athal. IV, 2. Dans nos jours passagers de peines, de misères, Enfants du même Dieu, vivons du moins en frères, Voltaire, Loi nat. part. 3. Ces lois qui, de la terre écartant les misères, Des humains attendris font un peuple de frères, Voltaire, Zaïre, I, 1.

    Voltaire l'a dit des animaux, dans le système de la métempsycose. Il redemanda à son compagnon… si on mangeait du bon roast-beef dans le pays des Gangarides ; le voyageur lui répondit avec sa politesse ordinaire qu'on ne mangeait point ses frères sur les bords du Gange ; il lui expliqua le système qui fut, après tant de siècles, celui de Pythagore, Voltaire, Princ. de Babyl. 8.

  • 4Se dit plus particulièrement des chrétiens, considérés comme tous enfants de Dieu par le baptême. Tous les chrétiens sont frères en Jésus-Christ. Mes frères, dit un prédicateur qui commence un sermon. Soulager nos frères, les revêtir, Massillon, Myst. Misér. Insensible à sa chute et grand dans ses misères, Il n'était attendri que des maux de ses frères, Voltaire, Zaïre, II, 1.
  • 5Frère d'armes, camarade de guerre. Si nous devions un jour devenir frères d'armes, Tristan, Panthée, I, 4.

    Frères d'armes se disait spécialement de deux chevaliers qui, ayant contracté une alliance d'armes, se promettaient de se secourir réciproquement, et se donnaient le nom de frères.

  • 6Dans le style familier. Un bon frère, un homme qui n'abandonne pas ses compagnons. Mais où l'esprit n'est pas tout à fait nécessaire, Monsieur, sans vanité, je suis assez bon frère, Hauteroche, le Deuil, sc. 4. Allons donc nous masquer avec quelques bons frères, Molière, l'Ét. III, 7. Vous savez de tout temps que je suis un bon frère, Molière, le Dép. V, 3.

    En un autre sens. C'est un bon frère, se dit d'un bon compagnon, d'un homme qui a des aventures, galantes ou autres. Bons bourgeois, du temps de nos pères, S'avisaient tard d'être bons frères ; Ils n'apprenaient cette leçon Qu'ayant de la barbe au menton, La Fontaine, Nic.

  • 7 Fig. Il se dit des choses qui ont une certaine communauté. Le droit et le devoir sont frères. Les anciens poëtes disaient le sommeil frère de la mort. Les vertus devraient être sœurs, Ainsi que les vices sont frères, La Fontaine, Fabl. VIII, 25.

    Il se dit de ce qui a le même auteur, la même origine. Allez, partez, mes vers, derniers fruits de ma veine… Montrez-vous, j'y consens ; mais du moins dans mon livre, Commencez par vous joindre à mes premiers écrits ; C'est là qu'à la faveur de vos frères chéris, Peut-être enfin soufferts comme enfants de ma plume, Vous pourrez vous sauver, épars dans le volume, Boileau, Ép. X.

  • 8Titre que se donnent les religieux. Le frère Pacôme. Frère Antoine. Frappé de cette idée, il se fit capucin sous le nom de frère Ange, Voltaire, Henr. IV, Note.

    Au plur. Titre qui se joint au nom de certains ordres. Les frères de la doctrine chrétienne.

    Frères mineurs, les religieux de l'ordre de Saint-François ; frères prêcheurs, ceux de l'ordre de Saint-Dominique.

    Frères de la charité, religieux qui ont été établis par Jean Devora, Portugais, qui sont habillés de gris et qui se consacrent au service des pauvres.

    Frère lai, frère convers, religieux qui n'est point dans la cléricature et qui n'est dans les couvents que pour y vaquer aux œuvres serviles. On dit aussi dans le même sens frère servant.

    Dans l'ordre de Malte, frère servant ou chevalier servant, celui qui, entrant dans l'ordre sans faire preuve de noblesse, était d'un rang inférieur à celui des autres chevaliers.

  • 9Les membres d'une même société. Trahir ses frères.

    Un faux frère, celui qui trahit ses associés. Je dirai bien à Mme de Montespan qu'il y a de faux frères, Maintenon, Lett. à Mme de Coulanges, 5 fév. 1675. L'on ne s'aperçut point que pendant tout ce temps-là il y eut parmi elles de fausses sœurs, comme il y a souvent de faux frères dans les corps les plus respectables, Saint-Foix, Ess. Paris, Œuv. t. IV, p. 273, dans POUGENS.

    Membre de l'association des francs-maçons.

    Les frères, nom que se donnaient les philosophes du XVIIIe siècle, les encyclopédistes, pour signifier les communautés d'opinion qui les unissaient. Mille respects à Mme du Deffant ; comptez qu'il y a peu de femmes qui aient autant d'esprit qu'elle ; il faut qu'elle aime les frères de tout son cœur, et comme je vous aime, Voltaire, Lett. à d'Alembert, 17 nov. 1760.

    Frère est aussi un titre que se donnaient les Jacobins pendant la Révolution.

    On a dit aussi quelquefois en un sens analogue, en raison de la communauté de guerres et de fortunes : Les Français et les Polonais sont frères.

  • 10Les frères de Bohême, secte chrétienne, qui se prétend descendue des thaborites, et qui se sépara des calixtins.

    Frères polonais, les sociniens de Pologne.

    Frères moraves, voy. HERNUTES.

  • 11 Terme de pêche. Frères, les pieux qui forment le corps ou le tour de la paradière.
  • 12 Terme d'alchimie. Frères estropiés, les métaux imparfaits.

HISTORIQUE

IXe s. Si salvarai eo [je] cist meon fradre Karlo, Serment.

XIe s. Icil ert [était] frere al rei Marsilion, Ch. de Rol. XCII.

XIIe s. Olivier frere, tant fustes mes amis [mon ami], Ronc. p. 92. Guiteclins de Sassoigne o [avec] son frere Gozon, Sax. XI.

XIIIe s. Et orent une fille biele et avenant qui fu mariée au comte Simon, qui fu freres giermains au comte de Bouloigne, Chr. de Rains, p. 15. Et lors vint frere Henri de Ronnay à li, qui avoit passé la riviere, et li besa la main tout armée, Joinville, 228.

XIVe s. Jehan, frere de bast [frère bâtard] à la dame de Glisy, Du Cange, frater.

XVe s. On dist que jadis, par mistere, Les roix si s'appelloient frere, Jà ne fuissent nés d'une mere, Froissart, Poésies mss. p. 206, dans LACURNE. Le roi de Castille frere d'armes et allié du roy [Charles VII], Monstrelet, t. III, p. 3, dans LACURNE. Charles d'Anjou, frere du roy en loy [beau-frère du roi], et son cousin après germain, Du Cange, frater. Philippe de Valois, fils de Charìes, comte de Valois, fils de Philippe, fils de saint Louis et demi-frere de la dite royne d'Angleterre, De la Marche, Mém. p. 37, dans LACURNE. La pucelle, qui estoit jeune et tendre, dist à son amy : cher frere, j'ai bon appetit, se nous avions que manger ; par ma foy, chere sœur, dist-il, vous en aurez, Perceforest, t. v, f° 35. Or dist le capitaine : je vouldroye faire service au roy, au royaulme et à tous vous autres seigneurs, se je povoye, et aussi croy je que si feroient tous mes freres [compagnons] qui sont en ceste bataille, le Jouvencel, f° 27, dans LACURNE. …à grant peine sont gens de court loyaulx, Et je vous puis assez monstrer comment ; Car où li uns appelle l'autre frere, Il le traïst par derrier feintement, Deschamps, Poésies mss. f° 289.

XVIe s. Demi-freres et sœurs ne succedent à leurs frere ou sœur avec ceux qui sont conjoints des deux costez ; bien succedent es immeubles et heritages qui viennent du costé dont ils sont conjoints, Coutume de St-Quentin, t. I, p. 536, dans LACURNE. Tous deux mettent la plume au vent, comme bons freres jurez de ne s'abandonner jamais et vivre et mourir ensemble, Brantôme, Cap. fr. t. IV, p. 159, dans LACURNE. Deux soldats freres d'alliance ne se portoient moins grande amitié que s'ils eussent tourné en un mesme ventre, Nuits de Straparole, t. II, p. 138, dans LACURNE. Courroux de freres, courroux de diables d'enfer, Leroux de Lincy, Prov. t. I, p. 245. Deux à deux, comme les freres mineurs, Oudin, Curios. fr.

ÉTYMOLOGIE

Berry, mon frée, mon frère ; provenç. fraire, fratre ; anc. catal. frare ; espagn. mod. fraile ; ital. frate ; du lat. frater ; grec, φράτωρ ; allem. Bruder ; angl. brother ; bas-bret. breûr ; sanscr. bhrâtar, frère, proprement celui qui porte, qui soutient la sœur, du radical bhar, porter.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

FRÈRE. Ajoutez :
13 En Normandie, membre d'une frairie ou charité, c'est-à-dire d'une confrérie établie pour rendre les derniers devoirs aux morts, H. Moisy, Noms de famille normands, p. 144.

HISTORIQUE

XIIIe s. Ajoutez : Si les freres [testicules] el malade enfreidissent, Ms. 503, Bibl. de Montpellier.