« gésir », définition dans le dictionnaire Littré

gésir

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

gésir

(je-zir) v. n. défectif

usité seulement aux formes suivantes : il gît, nous gisons, vous gisez, ils gisent ; je gisais, tu gisais, il gisait, nous gisions, vous gisiez, ils gisaient ; gisant ; quelques-uns doublent l's.

  • 1Être couché, être étendu par terre. Je gisais de la même sorte Que fait une personne morte, Scarron, Virg. II. Comment ? ces enragés Gisent-ils déjà morts, l'un par l'autre égorgés ? Rotrou, Antig. I, 2. C'est là que du lutrin gît la machine énorme, Boileau, Lutr. III.

    Terme de marine. La côte gît nord et sud, est et ouest, etc. elle s'étend du nord au sud, de l'est à l'ouest, etc. Cette côte occidentale de l'Amérique est bien connue au delà du cap Blanc, qui gît environ sous le 43e degré de latitude, Buffon, Explic. cart. géogr. Œuvres, t. XIII, p. 365, dans POUGENS.

  • 2Ci-gît, formule des épitaphes. Ci-gît, oui gît, par la morbleu, Le cardinal de Richelieu ; Et ce qui cause mon ennui, Ma pension gît avec lui, Benserade, dans le Dict. de RICHELET. Sous ce tombeau gisent Plaute et Térence ; Et cependant le seul Molière y gît, La Fontaine, Épit. de Molière. Au pied de cet autel de structure grossière, Gît sans pompe, enfermé dans une vile bière, Le plus savant mortel qui jamais ait écrit [Antoine Arnauld], Boileau, Poés. div. XXII. Je ne sais quel Anglais fit mettre sur son tombeau : Ci-gît l'ami de Philippe Sidney ; je veux qu'on grave sur le mien : Ci-gît l'ami de M. et de Mme d'Argental, Voltaire, Lett. d'Argental, 9 avr. 1763. Ci-gît Vert-vert, ci-gisent tous les cœurs, Gresset, V, vert, IV.

    Fig. Peuples, rois, vous mourrez et vous villes aussi, Là gît Lacédémone, Athènes fut ici, Racine L. la Relig. I.

  • 3Être caché, se trouver. A l'endroit où gisait cette somme enterrée, La Fontaine, Fabl. IV, 20. N'ayant autre œuvre, autre emploi, penser autre, Que de chercher où gisaient les bons vins, La Fontaine, Fer. Les mines d'étain de Saxe, de Misnie, de Bohême et de Hongrie gissent, comme celles d'Angleterre, dans les montagnes à couches et d'une médiocre profondeur, Buffon, Min. t. v, p. 194, dans POUGENS.

    Fig. C'est là que gît le lièvre, c'est là le nœud de l'affaire, le point le plus difficile.

    En un sens contraire, ce n'est pas là que gît le lièvre.

  • 4Consister. Et que son plus grand jeu ne gît rien qu'en sa troigne, Régnier, Sat. VI. Et toute leur beauté ne gît qu'en l'ornement, Régnier, Sat. IX. La difficulté Ne gissait pas à plaire à cette belle, La Fontaine, Berc. … [les bombes] qui, tombant sur vos toits, font sauter en l'air, avec vos maisons, vos femmes qui sont en couche, l'enfant et la nourrice ; c'est là encore où gît la gloire, elle aime le remue-ménage et est personne d'un grand fracas, La Bruyère, XII. La fable gît dans la moralité, Lamotte, Fabl. III, 13.

HISTORIQUE

XIe s. Gesir [nous] porrons au bourc de St Denise, Ch. de Rol. LXXV. L'un gist sur l'autre et envers et adanz, ib. CXXIII. Charles se gist, mais duel [deuil] a de Rolant, ib. CLXXX.

XIIe s. Li bon chamel gisent en sa contrie, Ronc. p. 45. Qui desor l'herbe gisoit mort et sanglant, ib. p. 101. Sur l'erbe vert jut à terre estendu, ib. p. 103. En amer [aimer] gist hardemenz et paors [peur], Couci, VII. Ci gist la bele Blancheflor, Que Floires ama par amor, Romancero, p. 59.

XIIIe s. Li quens Hues de Saint Pol, qui longuement avoit geü malades de goute, morut, Villehardouin, CXXXVI. Venue [elle] est à la serve, qui git au lit paré, Berte, X. À nuit [elle] a jut au bois mout perilleusement, ib. XLVII. En nuit me sui au bois toute seule geüe, ib. LII. Ne mais en une vile qu'une nuit [elle] ne gisra, ib. CXXII. Si but et manga tant come lui plot, et jut à femme, Chr. de Rains, p. 80. Et que il lor face bien et largement aveir ce que mestier lor est de mangier et de beivre et de bien gesir, se il ne l'ont dou leur, ou s'il le requierent, Ass. de J. I, 143. Et si parlerons de cix [ceux] qui s'entremettent de plus grans services qu'à eus n'apartient et du peril qui y gist, Beaumanoir, XXIX, 1. Deffense est fete que por dete on ne voist penre [on n'aille prendre, saisir] en cambre à dame, ne de damoisele, ne de feme qui gise d'enfant, Beaumanoir, LIV, 7. La royne, qui nouvelement estoit relevée de dame Blanche, dont elle avait geu à Jaffe, arriva à Sayete, Joinville, 279. Se je pri Dieu et ge gis en pechié, Dieux ne m'orra mie, Psautier, f° 76.

XVe s. Et girent à l'ancre cette premiere marée devant les digues de Hollande, Froissart, I, I, 18. Et lui montrerent qu'ils gissoient là à grands frais, et rien n'y faisoient, Froissart, I, I, 118. Le cœur ne me gist pas bien de cette vision, Louis XI, Nouv. LXXII. Tant gratte chevre que mal gist, Villon, Ball. Tant crie l'on noel.

XVIe s. Ne sçai où gist Heleine En qui beauté gisoit, Mais ici gist Heleine Où bonté reluisoit, Marot, III, 259. Icy gerra, s'il n'est pendu, Ou si en la mer il ne tombe…, Marot, II, 135. Il gist en vostre volonté, non au nombre des ans, que…, Montaigne, I, 88. La force de tout conseil gist au temps, Montaigne, III, 269. Ces deux enfans donques estans là ainsi gisans, il y survint une louve, laquelle leur donna à tetter, Amyot, Rom. 6. Le plus grief de noz malheurs nous est de veoir nostre païs reduit à telz termes, que toute son esperance gise et consiste en nous, Amyot, Cor. 54. Les Albaniens gisent devers le soleil levant et la mer Caspiene, Amyot, Pomp. 52.

ÉTYMOLOGIE

Wallon, jaire ; ital. giacere ; du lat. jacēre, être étendu. Selon Curtius, jacēre est l'intransitif de jacĕre, jeter, comme pendēre l'est de pendĕre.