« grossir », définition dans le dictionnaire Littré

grossir

Définition dans d'autres dictionnaires :

Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

grossir

(grô-sir) v. n.
  • 1Devenir plus gros. Vous savez mieux que moi, que les parties qui agissent le plus, grossissent davantage, Bonnet, Lett. div. Œuv. t. XII, p. 480, dans POUGENS. Ce torrent qui grossit me ferme le chemin, Delavigne, Vêpr. sicil. V, 2.

    Fig. Afin que, grossissant sous un peu de contrainte, Ce torrent de colère et de ressentiment Fût plus impétueux…, Corneille, Rodog. IV, 3.

    Recevoir surcroît, augmentation. L'impérieuse aigreur de l'âpre jalousie Dont en secret dès lors mon âme fut saisie Grossit de jour en jour, Corneille, Sertor. I, 1. Nous verrons notre camp grossir à chaque pas, Racine, Mithr. III, 1. La merveille grossirait infiniment par les détails que nous supprimerons, Fontenelle, Littre. Ils voient grossir annuellement leur numéraire par la vente des riches productions de ces contrées, Raynal, Hist. phil. XI, 33.

    Paraître plus gros. M. de Barbézieux s'abandonna à cette passion [la jalousie], tout lui grossit, il crut voir ce qu'il ne voyait point, Saint-Simon, 63, 53.

    Terme de marine. Se dit de l'état de la mer, lorsque les lames s'accroissent à chaque instant. Depuis une heure la mer grossit.

    Se rapprocher. Ce bâtiment grossissait à vue d'œil.

  • 2 V. a. Rendre gros, plus gros, apporter de l'augmentation. Les pluies ont grossi la rivière. La vapeur de mon sang ira grossir la foudre Que Dieu tient déjà prête à le réduire en poudre, Corneille, Héracl. I, 3. Ses troupes malgré lui grossirent votre armée, Corneille, Sertor. III, 4. Ces messieurs [les premiers académiciens] grossirent leur compagnie de plusieurs personnes considérables par leur mérite, Pellisson, Hist. Acad. I. Voici une nouvelle doctrine et de quoi grossir les Variations, si on enseigne que le mariage contracté entre les fidèles après le baptême peut se rompre par le refus de l'une des deux parties, Bossuet, 4e avert. 6. De leur dépouille enfin grossissez vos trésors, Racine, Esth. II, 1. J'ai mon mari à la vérité, mais il ne sert qu'à grossir ma famille, sans m'aider à l'entretenir, Lesage, Turcaret, IV, 12. On le présenta à un vieux lettré qui n'était point venu grossir le nombre de ses parasites, Voltaire, Babouc. Voilà ce qui m'irrite et grossit mon injure, Ducis, Othello, III, 5.

    Fig. La pensée ainsi épurée, autant qu'il se peut, de tout ce qui la grossit, des images, des expressions, du langage humain…, Bossuet, Ét. d'orais. V, 20.

    Grossir sa voix, faire la grosse voix, prendre une voix plus forte et plus grave.

  • 3Faire paraître gros. Certains verres qui grossissent les objets, Fénelon, Tél. XI.

    Fig. Notre imagination nous grossit si fort le temps présent, à force d'y faire des réflexions continuelles, et amoindrit tellement l'éternité, manque d'y faire réflexion, que nous faisons de l'éternité un néant, et du néant une éternité, Pascal, Pensées, art. III, 6, éd. LAHURE, 1860. Prenez garde que l'éloignement ne vous grossisse les objets ; c'est un effet assez ordinaire, Sévigné, III. L'antiquité est un objet d'une espèce particulière, l'éloignement le grossit, Fontenelle, Socrate, Montaigne.

    Terme de photographie. Reproduire en plus grand.

  • 4 Fig. Exagérer. Que vous prenez de peine à grossir vos ennuis ! Corneille, Illus. com. V, 2. Pourquoi toi-même, en proie à tes vives douleurs, Cherches-tu sans raison à grossir tes malheurs ? Boileau, Lutr. VI. [Pharnace, qui]…, me troublant par des fables, Grossit, pour se sauver, le nombre des coupables, Racine, Mithr. III, 4. Ce qui nous regarde, nous le grossissons toujours, Massillon, A vent, Afflict. Quelques imperfections légères que sa piété lui grossit, Massillon, Carême, Confess. Défiez-vous de ceux qui, pour autoriser les profusions immenses des rois, leur grossissent sans cesse l'opulence de leurs peuples, Massillon, Pet. carême, Tentat.
  • 5Se grossir, v. réfl. Devenir plus gros. La rivière s'est grossie. Leur troupe se grossit peu à peu, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. VIII, p. 667. La cour va se grossir… On vient, et je vous quitte, Lanoue, Coquette corr. I, 1.

    Se faire plus gros. L'orgueil est une enflure de cœur par laquelle l'homme s'étend et se grossit dans son imagination, Nicole, Ess. mor. 1er traité, ch. 1. Tel qui se grossit à sa vue, Se croit quelque chose, et n'est rien, Lamotte, Fables, I, 13.

    Paraître plus gros. Les verres, selon qu'ils sont colorés ou taillés, changent les couleurs, les grandeurs et les figures : l'objet ou se grossit, ou s'apetisse, ou se renverse, ou se redresse, ou se multiplie, Bossuet, Conn. III, 4.

    Fig. Être exagéré. Tout se grossit dans les propos de la ville.

PROVERBES

La peur grossit les objets, on s'exagère ce qu'on craint.

La pelote grossit, se grossit, c'est-à-dire le nombre grossit, le trouble, la sédition augmente, les profits s'accumulent.

HISTORIQUE

XVe s. Le cueur luy encommença à grossir au ventre ; car, si ce ne fust pour l'amour du roy, tantost leur courust sus, Percefor. t. VI, f° 106.

XVIe s. Et quant à mon ventre, il ne fault point de grossir, et ne vous puis celer que je ne sente souvent bouger chouse qui a vie, Marguerite de Navarre, Lett. CXIX. Par imagination je grossis ces incommoditez de la moitié, Montaigne, I, 82. Ces fureurs grossissent leur courage au dessus de la raison, Montaigne, I, 132. Leur ame s'estoit merveilleusement grossie et enrichie par l'intelligence des choses, Montaigne, I, 141. Ceulx qui ont le corps graile, le grossissent d'embourrures, Montaigne, I, 170. La saison commenceoit fort à se passer, et l'air à se grossir et refroidir après l'equinoxe automnal, Amyot, Anton. 50. Caesar, grossissant sa parole, le menaça qu'il le tueroit tout roide, s'il le faschoit d'avantage, Amyot, César, 46.

ÉTYMOLOGIE

Gros.