« humain », définition dans le dictionnaire Littré

humain

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

humain, aine

(u-min, mè-n') adj.
  • 1Qui concerne l'homme, qui appartient à l'homme en général, qui a le caractère de l'humanité. La vie humaine. C'est ici une véritable variation dans leur doctrine [des protestants], et un effet de la perpétuelle instabilité qui doit faire considérer leur réforme comme un ouvrage de la nature de ceux qui, n'ayant rien que d'humain, doivent être dissipés, selon la maxime de Gamaliel, Bossuet, Var. X, § 52. En un mot, ils ont pu facilement ou se tromper, ou tromper les autres ; car il n'y a rien de plus humain, Bossuet, Hist. II, 13. Ce n'est pas un ouvrage humain que je médite ; je ne suis pas ici un historien qui doit vous développer le secret des cabinets, ni l'ordre des batailles, Bossuet, Reine d'Anglet. Encore que la sagesse, après l'avoir gouverné dès son enfance, l'ait porté aux plus grands honneurs et au comble des félicités humaines, Bossuet, le Tellier. La grandeur et la gloire ?… je ne puis plus soutenir ces grandes paroles, par lesquelles l'arrogance humaine tâche de s'étourdir elle-même pour ne pas apercevoir son néant, Bossuet, Duch. d'Orl. Notre corps [dans la tombe] prend un autre nom ; celui même de cadavre, dit Tertullien, parce qu'il nous montre encore quelque forme humaine, ne lui demeure pas longtemps, Bossuet, ib. Il [Théodose] jugea que ceux-là ne seraient pas fermes dans la foi qui s'y engageaient par des motifs si faibles et si humains, Fléchier, Hist. de Théodose, IV, 27. Une considération toute humaine les a retenus, Bourdaloue, Serm. 20e dim. après la Pentec. Domin. t. IV, p. 229. Prenez garde seulement de ne rien mêler de faible et d'humain à la piété, Massillon, Carême, Resp. hum. Il saura bien vous dédommager par des consolations secrètes de toutes ces amertumes humaines, Massillon, ib. Les attentions, les respects, les offrandes les flattent sans les corrompre [les éléphants] ; ils n'ont donc pas une âme humaine ; cela seul devrait suffire pour le démontrer aux Indiens, Buffon, Quadrup. t. IV, p. 198. Tous les arts sont unis : les sciences humaines N'ont pu de leur empire étendre les domaines Sans agrandir aussi la carrière des vers, Chénier, l'Invention. Ah ! périssent plutôt ces princes orgueilleux, Ainsi qu'un vil bétail traitant la race humaine ! Masson, Helvét. II.

    Le genre humain, l'ensemble des êtres humains. Que servirait à Louis d'avoir étendu sa gloire partout où s'étend le genre humain ?… tout le genre humain demeure d'accord qu'il n'y a rien de plus grand que ce qu'il fait, si ce n'est qu'on veuille compter pour plus grand encore tout ce qu'il n'a pas voulu faire, et les bornes qu'il a données à sa puissance, Bossuet, Mar.-Thér. Du genre humain saluons la famille, Mais qu'ai-je dit ? pourquoi ce chant d'amour ? Aux feux des camps le glaive encor scintille ; Dans l'ombre à peine on voit poindre le jour, Béranger, les Quatre âges.

    L'ami du genre humain, un homme qui prodigue à tout le monde une amitié banale. Je veux qu'on me distingue, et, pour le trancher net, L'ami du genre humain n'est point du tout mon fait, Molière, Mis. I, 1.

    Les choses humaines, toutes les choses auxquelles l'homme prend part. L'inconstance des choses humaines. On n'en dit plus qu'un mot [d'un poisson renommé dans la cuisine] ; jugez par là ce que c'est que de la gloire des choses humaines, et quel cas on en doit faire après cela, Voiture, Lett. 126. Vous verrez dans une seule vie toutes les extrémités des choses humaines, Bossuet, Reine d'Anglet.

    Moyens humains, voies humaines, moyens, voies dont l'homme peut se servir. Il n'est moyen humain qui puisse la sauver, Corneille, Héracl. IV, 1. Ménagements qu'une prudence humaine m'aurait inspirés, Bossuet, Lett. abb. 155.

    Faits humains, les faits qui appartiennent à l'ordre naturel. Comme je n'écris pas une histoire ecclésiastique, mais celle des hommes de mon temps, je ne rapporterai que des faits purement humains, Duclos, Règne de Louis XIV, Œuvres, t. V, p. 132, dans POUGENS.

    Lettres humaines, par opposition à théologie, connaissance de la littérature, grammaire, poésie, rhétorique, histoire, etc. Les lettres humaines sont devenues très inhumaines ; on injurie, on cabale, on calomnie, on fait des couplets, Voltaire, Œdipe, Lett. au P. Porée.

    Fig. et familièrement. N'avoir pas figure humaine, forme humaine, être difforme ou défiguré, excessivement laid.

    Dans le langage des moralistes, les actes humains. On distingue les actes humains et les actes de l'homme : les premiers sont les actions qui se font avec connaissance et liberté, telles que de rendre un service par générosité, etc. ; les actes de l'homme sont les actions indélibérées, telles que de se soutenir dans une chute dangereuse, de crier dans la douleur, etc.

    Respect humain, voy. RESPECT.

  • 2Plus qu'humain, qui excède la portée ordinaire des forces humaines. Une intelligence plus qu'humaine. Il fallait une vertu plus qu'humaine, Bossuet, Hist. II, 7.
  • 3Dans l'orgue, voix humaine, voy. VOIX.
  • 4Sensible à la pitié, bienfaisant, doux. Cet homme est humain. Un vainqueur humain. Et tu crois que, pour moi plus humain que son père, Hippolyte rendra ma chaîne plus légère ? Racine, Phèdre, II, 1. Le ciel les fit [les Français] humains, hospitaliers et bons, Amis des doux plaisirs, des festins, des chansons, Chénier, Hymne à la France.

    Il se dit aussi des choses. Et leur dévotion est humaine et traitable, Molière, Tart. I, 6. Hazael, me regardant avec un visage doux et humain, me tendit la main et me releva, Fénelon, Télém. IV.

    Avoir, montrer des sentiments humains, montrer de la sensibilité, de la bienveillance.

    Ironiquement. Et je verrais mourir frère, enfants, mère et femme, Que je m'en soucierais autant que de cela. - Les sentiments humains, mon frère, que voilà ! Molière, Tart. I, 6.

    N'avoir rien d'humain, être dur, impitoyable. Je rends grâces aux dieux de n'être pas Romain, Pour conserver encor quelque chose d'humain, Corneille, Hor. II, 2. Si l'on doit le nom d'homme à qui n'a rien d'humain, Corneille, Cinna, I, 3. Rien d'humain ne battait sous son épaisse armure, Lamartine, Méd. II, 7, Bonaparte.

    Familièrement. Une femme humaine, une femme qui a peu de rigueurs pour ses adorateurs. Cette belle est fort humaine.

  • 5 Terme d'astrologie. Signes humains, constellations qui représentent quelque figure humaine, comme la Vierge, Orion, etc.
  • 6 S. m. L'humain, la nature humaine, les forces humaines. Sans doute vos chrétiens qu'on persécute en vain Ont quelque chose en eux qui surpasse l'humain, Corneille, Poly. V, 6.
  • 7 S. m. pl. Dans le langage élevé et poétique, les humains, les hommes. La chasteté déjà, la rougeur sur le front, Avait chez les humains reçu plus d'un affront, Boileau, Sat. X. Vous verriez à regret marcher à votre suite Un indigne empereur, sans empire, sans cour, Vil spectacle aux humains des faiblesses d'amour, Racine, Bérén. V, 6. On ne voit plus pour nous ses redoutables mains De merveilles sans nombre effrayer les humains, Racine, Athal. I, 1. Minos juge aux enfers tous les pâles humains, Racine, Phèdre, IV, 6. Faut-il toujours combattre ou tromper les humains ! Voltaire, Fanat. V, 1. Je sais que les humains sont nés égaux et frères, Voltaire, Scythes, I, 3. Les fortes âmes de ceux-ci [les Romains et les Grecs] paraissent aux autres [les modernes] des exagérations de l'histoire… ils existèrent pourtant, et c'étaient des humains comme nous ; qu'est-ce qui nous empêche d'être des hommes comme eux ? Rousseau, Pologne, 2. Vivre comme jadis, aux champs de Babylone, Ont vécu, nous dit-on, ces pères des humains Dont le nom aux autels remplit nos fastes saints, Chénier, Élégies, 14. Mais plaignons les humains, et laissons les tyrans S'environner d'acier, s'entourer de méchants, Masson, Helv. II.

    Familièrement, au singulier. C'est un bon humain. Le meilleur humain du monde. Gaîment avec la grisette D'un président, bon humain, Cette folle, à la buvette, Répétait le verre en main…, Béranger, Muse en fuite.

    Quelquefois il se dit en ce sens au pluriel. C'était un de ces humains débonnaires qui aiment tous ceux à qui le sang les lie, Lesage, Est. Gonz. ch. 55.

    Il se dit aussi au singulier, dans le style élevé. Ces fleuves, ces bergers, Éden aimé des cieux, Et du premier humain berceau délicieux, Chénier, Élégies, 14.

REMARQUE

Dans le sens de sensible, bienveillant, humain ne se met qu'après son substantif.

HISTORIQUE

XIIe s. De sun gré le suffri Deus pur l'umain peschié, Th. le mart. 46.

XIIIe s. Congié [je] demant tout premerain à celui qui plus m'est umain Et dont je miex louer me doi, Fabliaux, 2e éd. 135. Cors et ame, membre, heritage Y pert [à boire] souvent l'umain lignage, Guersai. Si bon signor ni si humain N'auront jamais si com il dient, l'Escoufle. Che sont humaines passions [souffrances], Quant la matere est corrompue, Ki del cors d'omme est dissolue, Gui de Cambrai, p. 26.

XVe s. Si est que pour le sang humain Eviter et garder d'espandre…, Myst. du siége d'Orl. p. 737.

XVIe s. La plus commune des humaines erreurs, Montaigne, I, 11. La race humaine, Montaigne, I, 70. Les lettres humaines et les sciences liberales, Amyot, Lucull. 2. Si quelqu'ennuy ne vient ramentevoir Le povre humain d'invoquer Dieu qui l'ame [l'aime]…, Marot, II, 266. Les anges, voyans les humains hors les troubles et sollicitudes terriennes, les saluent…, Rabelais, Pant. III, 24. Ces mots [lèze majesté] s'entendent seulement de la majesté humaine et non divine, Coust. génér. t. I, p. 225.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. human, uman ; catal. humá, espagn. humano ; ital. umano ; du latin humanus, de homo, homme.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

HUMAIN. - HIST. Ajoutez :

XIVe s. Humains, bien vous doit souffire Que estes tant de Dieu amez Qu'est mort pour vous à martire, Théâtre franç. du moyen âge, Paris, 1839, p. 360.