« indifférent », définition dans le dictionnaire Littré

indifférent

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

indifférent, ente

(in-di-fé-ran, ran-t') adj.
  • 1Qui ne présente en soi pas de différence, et, par conséquent, pas de cause de détermination ou de préférence, en parlant des choses. Lorsqu'on a quelque bon dessein, ou même quelque dessein qui n'est qu'indifférent, Descartes, Méth. III, 2. Ils tenaient la religion pour fort indifférente, Bossuet, Hist. II, 12. Par où ont-ils deviné [les incrédules] que tout ce qu'on pense de ce premier être soit indifférent, et que toutes les religions qu'on voit sur la terre lui soient également bonnes ? Bossuet, Anne de Gonz. Ceux-là sont vrais ennemis de la divinité du Fils de Dieu, puisqu'ils en tiennent le dogme pour indifférent, Bossuet, Var. XIV, § 91. La maladie ou la santé lui devinrent indifférentes, Fléchier, Dauphine. Il avait fait plusieurs métiers, comme ceux qui ne cherchent que la fortune et à qui toutes les voies pour y parvenir sont indifférentes, Duclos, Hist. Louis XI, Œuv. t. III, p. 275, dans POUGENS. Il est indifférent que ce soient les chrétiens ou les musulmans qui souffrent, il n'y a que l'homme qui soit digne d'intéresser l'homme, Raynal, Hist. phil. XI, 9.

    Actions indifférentes, les actions qui, d'elles-mêmes, ne sont ni bonnes ni mauvaises.

  • 2Qui touche peu, dont on se soucie peu. Il n'est rien de si indifférent qu'on ne tâche de ressaisir au moment qu'il nous échappe, Staal, Mém. t. III, p. 93. Tout m'est indifférent, Voltaire, Scyth. II, 1.

    Il se dit des personnes, en un sens analogue. Cette femme lui est indifférente. Cet homme-là m'est indifférent.

  • 3Qui est de peu d'importance, de conséquence. Nous ne parlons que de choses indifférentes. Cette magnificence est bien ruineuse : ce n'est pas une chose indifférente pour la dépense que le bel air et le bon air dans une maison comme la vôtre, Sévigné, 31 août 1689. Il ne rapporta de ses voyages que beaucoup de fausses notions et quelques vérités indifférentes, Voltaire, Mœurs, 60. Le roi demanda à la reine après quelques discours indifférents où était Mlle de Hautefort, Genlis, Mlle de la Fayette, p. 254, dans POUGENS.

    Conversation indifférente, entretien indifférent, conversation, entretien qui roulent sur des choses indifférentes. Peut-être, mais enfin, vois-tu qu'elle me fuie ? Qu'indifférent qu'il est, mon entretien l'ennuie ? Corneille, Veuve, I, 1.

    Cela n'est pas indifférent, se dit de choses qui ne sont pas sans importance. Est-ce une chose indifférente de dire ?…, Pascal, Prov. II. Il avait tout l'esprit du monde, et il était roi : ces qualités ne sont pas indifférentes, Hamilton, Gramm. 9. Ce livre, qui, dans le temps où il parut n'avait pas dû être indifférent, était tombé dans l'oubli, Fontenelle, Leibnitz. Non, non, monsieur, lui répondis-je, ceci n'est pas aussi indifférent que vous le croyez, Marivaux, Marianne, 6e part.

    Être indifférent à une chose, n'y pas importer, n'avoir pas d'influence sur cette chose. Combien il est indifférent à la valeur des denrées qu'elles doivent leur naissance à des mains orthodoxes ou à des mains hérétiques, à des mains espagnoles ou à des mains hollandaises ! Raynal, Hist. phil. VIII, 34.

  • 4Visage indifférent, tournure indifférente, visage, tournure qui ne se fait remarquer par rien. [Femme] Qui n'était ni brune ni blonde, et qui portait un de ces visages indifférents qu'on voit à tout le monde et qu'on ne remarque à personne, Marivaux, Pays. parv. 1re part.
  • 5Qui n'a pas plus de penchant d'un côté que d'un autre, qui ne fait pas de différence en parlant des personnes. Il demeura indifférent au milieu des partis.

    Terme de philosophie. La matière est d'elle-même indifférente au repos et au mouvement, elle n'a d'elle-même ni l'une ni l'autre de ces qualités, et elle est également susceptible de l'une ou de l'autre. Autrement [c'est-à-dire si tout ne dépendait pas de Dieu], il n'aurait pas été tout à fait indifférent à créer les chose qu'il a créées, Descartes, Rép. aux 6es obj. 13.

  • 6Qui ne prend point d'intérêt à…, qui n'est pas touché de… Je définis la cour un pays où les gens, Tristes, gais, prêts à tout, à tout indifférents, Sont ce qu'il plaît au maître, La Fontaine, Fabl. VIII, 14. Il faudrait que je fusse bien indifférente pour ce qui vous touche, Sévigné, 62. Je ne suis pas indifférente à cet enfant et à vos affaires, Sévigné, 580. Monsieur de Reims ne fut pas indifférent à faire des honnêtetés à un homme [M. de Chaulnes] qui s'en va à Rome, Sévigné, 28 août 1689. Vous voyez de quel œil et comme indifférente J'ai reçu de ma mort la nouvelle sanglante, Racine, Iphig. III, 6. Pleure, tonne, gémis, j'y suis indifférente, Voltaire, Oreste, II, 5. Il y a peu d'hommes assez sûrs et assez satisfais de l'opinion qu'ils ont d'eux-mêmes pour être indifférents sur celle des autres, Duclos, Consid. sur les mœurs, 5.

    Absolument. Qui n'est touché de rien. Il est d'une humeur indifférente. Rien n'émeut cet homme indifférent. Ses yeux indifférents ont déjà la constance D'un tyran dans le crime endurci dès l'enfance, Racine, Brit. V, 7. Anaxarque, son maître [de Pyrrhon], étant tombé dans un fossé, il [Pyrrhon] passa outre sans daigner lui tendre la main ; loin qu'Anaxarque lui en sût mauvais gré, il loua son disciple de cet esprit indifférent et qui n'aimait rien, Rollin, Hist. anc. liv. XXVI, 1re part. 3e art. § 2.

    Qui n'est point sensible à l'amour. Un cœur indifférent, Rotrou, Bélis. IV, 2. L'amour n'a bien souvent qu'une douceur trompeuse ; Mais vivre indifférent est-ce une vie heureuse ? Th. Corneille, Ariane, II, 1. Phèdre seule charmait tes impudiques yeux ; Et pour tout autre objet ton âme indifférente Dédaignait de brûler d'une flamme innocente, Racine, Phèdre, IV, 2. D'un œil indifférent j'ai regardé ses charmes, Voltaire, Adel. du Guesclin. II, 7.

    S. m. et f. Celui, celle qui demeure sans penchant pour ceci ou cela. Il fait l'indifférent. Les indifférents jugent au moins avec impartialité.

    Les indifférents, ceux qui ne nous touchent en rien. Je n'aime point votre Alexandre qui s'en va de la Grèce en Cilicie, en Égypte, au mont Caucase, et de là jusqu'au Gange, toujours tuant tout ce qu'il rencontre, ennemis, indifférents et amis, Voltaire, Dial. 29.

    Celui, celle qui est insensible à l'amour. Qu'un indifférent est heureux ! Il jouit d'un destin paisible ; Le ciel fait un présent bien cher, bien dangereux, Lorsqu'il donne un cœur trop sensible, Quinault, Atys, II, 1.

    On dit en plaisantant, une aimable, une belle indifférente ; et, ironiquement, un bel indifférent.

  • 7 Terme de chimie. Corps indifférents, corps composés qui n'exercent plus de réactions électro-chimiques, et qui ne se combinent point avec d'autres corps.

HISTORIQUE

XVe s. Quant le chevalier eut ouy les parlers de la damoiselle, il fut si indifferent [indécis] qu'il ne sceut le quel faire, ou suyr [suivre] sa voie, ou aller avec la damoiselle, Perceforest, t. V, f° 80.

XVIe s. Actions indifferentes, Montaigne, I, 13. Le vivre et le mourir est indifferent, Montaigne, I, 89.

ÉTYMOLOGIE

Berry, indifférent, médiocre, de peu de valeur ; du lat. indifferentem, de in… 1, et differens, différent. Dans la scolastique, indifferens, indifferentia indique l'élément non-différent qui se trouve dans les diverses espèces, et qui fait qu'elles appartiennent à un genre ; le propre de cet indifférent, de l'indifférence étant d'être également susceptible de toutes les formes constitutives des diverses espèces, l'expression même de cette manière d'être, de cette neutralité entre toutes ces espèces possibles, est exprimée par le sens actuel du mot indifférent, CH. DE RÉMUSAT.