« lâcher », définition dans le dictionnaire Littré

lâcher

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

lâcher

(là-ché) v. a.
  • 1Faire qu'une chose soit lâche, moins tendue. Cette corde est trop tendue, lâchez-la un peu.
  • 2Cet aliment lâche le ventre, il rend le ventre libre. Et le soir, de petits pruneaux pour lâcher le ventre, Molière, Mal. im. III, 14.

    Absolument. Les pruneaux lâchent.

  • 3 Terme de manége. Lâcher la bride, voy. BRIDE, nos 2 et 3.

    Lâcher la main, voy. MAIN.

    Lâcher la gourmette, l'accrocher au second maillon, quand, étant accrochée au premier, elle serre trop le menton du cheval (voy. GOURMETTE).

  • 4Lâcher pied, lâcher le pied, voy. PIED.

    Terme d'escrime. Lâcher la mesure, reculer devant son adversaire.

    Absolument. Ces misérables sur qui j'allongeais à tout instant et à bras raccourci des bottes qu'ils ne parèrent qu'en lâchant, Marivaux, Pays. parv. 5e part.

  • 5Laisser aller, en parlant des personnes ou des animaux que l'on tient, ou que l'on a près de soi, sous sa main. Donnez-nous seulement six pistoles pour boire ; Nous allons vous lâcher, Molière, Mal. im. 1er interm. sc. 8. Je ne laisserais pas de l'avoir [Pauline] auprès de moi ; elle ne saurait être mieux, et je ne vois rien qui mérite que vous la lâchiez et l'envoyiez au grenier, Sévigné, 27 déc. 1688. S'ils [les faisans] se sont multipliés en Saxe, ce n'a été que par les soins du duc Frédéric, qui en lâcha deux cents dans le pays, avec défense de les prendre ou de les tuer, Buffon, Ois. t. IV, p. 64, dans POUGENS.
  • 6Il se dit quand on laisse aller une personne ou des animaux pour qu'ils attaquent quelqu'un ou quelque chose, pour qu'ils aillent quelque part. Lâcher les chiens. Lâcher une laisse de lévriers. Un vieillard sur son âne aperçut en passant Un pré plein d'herbe et florissant, Il y lâche sa bête…, La Fontaine, Fabl. VI, 8. Si un loup avide paraît, il lâche son chien qui le met en fuite, La Bruyère, X. On me mena dans la carrière, on me lâcha un lion, Montesquieu, Lys. Il regardait le peuple comme une bête féroce, qu'il fallait lâcher sur leurs voisins, de peur qu'elle ne dévorât ses maîtres, Voltaire, Dict. phil. Parlement d'Anglet.

    Terme de fauconnerie. Lâcher l'autour, lâcher l'épervier, etc. le laisser partir. Lâcher de rebat, laisser partir l'autour, après l'avoir retenu en son premier essor.

    Fig et familièrement. Lâcher une personne après une autre, la mettre à sa poursuite, pour l'inquiéter, la tourmenter, ou l'amener à faire ce qu'on désire. Ils aiment les lettres, ils aiment et disent la vérité, ils sont courageux comme de petits lions ; lâchez-les sur les sots, Voltaire, Lett. d'Argental, 11 mars 1752.

    Lâcher les huissiers après un débiteur, leur donner charge de faire contre lui les poursuites nécessaires.

  • 7Laisser échapper un objet que l'on tient. Petit poisson deviendra grand, Pourvu que Dieu lui prête vie ; Mais le lâcher en attendant, Je tiens pour moi que c'est folie : Car de le rattraper il n'est pas trop certain, La Fontaine, Fabl. V, 3. Lâcher ce qu'on a dans la main Sous espoir de grosse aventure Est imprudence toute pure, La Fontaine, ib. IX, 10. Et l'avare Achéron ne lâche point sa proie, Racine, Phèdre, II, 5. Ces deux femmes tiennent la lettre, sans que je puisse deviner celle qui la lâchera, Diderot, Salon de 1767, Œuv. t. XIV, p. 370, dans POUGENS. Il jeta sur la table cet écu qu'il avait eu tant de peine à lâcher, Marmontel, Mém. IV.

    Lâcher prise, voy. PRISE.

    Lâchez tout ! signal pour laisser aller les cordes qui retiennent un ballon, un bateau, etc.

    À certains jeux de cartes, lâcher la main, la laisser aller à un autre, quoiqu'on ait de quoi la lever.

    Au jeu de la paume, lâcher la balle, ne la point toucher, la laisser passer.

  • 8Lâcher la bonde d'un étang, lâcher une écluse, lever la bonde d'un étang, lever la vanne d'une écluse.

    On dit aussi dans le même sens : lâcher les eaux.

    Lâcher le robinet d'une fontaine, le tourner de manière que l'eau s'échappe.

  • 9Ce malade lâche tout sous lui, il ne peut retenir ses excréments.

    Familièrement. Lâcher de l'eau, uriner.

    Lâcher un vent, laisser échapper un vent par en bas.

  • 10Lâcher un coup de fusil, un coup de pistolet, un coup de canon, faire partir ces armes, en tirer un coup. Enfin l'un des deux vaisseaux lâcha à l'autre une bordée si bas et si juste qu'il coula à fond, Voltaire, Candide, 20. Ce cavalier lâche un coup de pistolet à un autre qui a le sabre levé sur lui, Diderot, Salon de 1765, Œuv. t. XIII, p. 169, dans POUGENS.

    Dans le même sens : lâcher un trait. Venez voir, cher Hémon, si le ciel en courroux Peut lâcher quelque trait qu'il n'ait lâché sur vous, Rotrou, Antig. III, 2.

    Populairement. Lâcher un coup. donner un coup. Turnus, sitôt qu'il l'approcha, Un grand coup de poing lui lâcha, Scarron, Virg. VII. L'autre, qui s'en doutait, lui lâche une ruade, La Fontaine, Fabl. V, 8.

    Fig. Faire partir quelque chose que l'on compare à un coup de fusil, à un trait. Lâcher un pamphlet dans le public. Ensuite il fait ôter ce présent de ses yeux… Lâche deux ou trois mots contre cette insolence, Corneille, Pomp. III, 1. Avez-vous à lâcher encore quelque trait ? Molière, Femmes sav. II, 8. Et que souvent parmi des choses très bien prises, Qui sont du meilleur goût, on lâche des sottises, Hauteroche, Bourg. de qualité, II, 4. Il [Jésus-Christ] n'a pas plus tôt lâché le mot à saint Jean pour lui dire que Marie est sa mère, qu'incontinent ce disciple se sent possédé de toutes les affections d'un bon fils, Bossuet, 2e sermon, Compass. de la Ste Vierge, 2. Vous le voyez, il [Jurieu] a peine à lâcher le mot [imputation de friponnerie contre Bossuet], tant les injures lui coûtent à prononcer ; mais, après qu'il a surmonté cette répugnance, il répète plus aisément la seconde fois : la friponnerie de l'évêque de Meaux, Bossuet, 6e avert. 100. Tu es homme à lâcher quelque mauvaise plaisanterie pour l'inquiéter, Hamilton, Gramm. 3. On m'assure que la Sorbonne lâchera toujours son décret contre Bélisaire [de Marmontel], Voltaire, Lett. Damilaville, 22 juill. 1767. Mais, mes divins anges, quand un livre est lâché dans l'Europe, il n'y a plus de remède, Voltaire, Lett. d'Argental, 8 mai 1763. Ils lui envoyèrent quelques brochures qu'ils avaient lâchées charitablement contre leur ancien concitoyen, Voltaire, Quest. miracles, lett. 14. Je crois que vous me lâchez des épigrammes, l'amour, Beaumarchais, Barb. de Sév. II, 13. Sitôt qu'il lâche une parole, [il] Veut lire dans vos yeux l'effet de son discours, Delille, Convers. II.

    Lâcher une parole, lâcher un mot, dire inconsidérément quelque chose qui peut nuire ou déplaire. Vous devez la punir [Cléopatre], si vous la condamnez… Le mot en est lâché, Corneille, Rodog. III, 4. Je n'ai point sans sujet lâché cette parole, Rotrou, Vencesl. I, 1. Gardez-vous de lâcher le moindre mot qui puisse faire connaître au bon d'Hacqueville que je vous ai envoyé sa lettre, Sévigné, 242.

    Lâcher un mot, lâcher une parole signifie aussi : dire quelque chose avec dessein. Il lâcha un mot qui fit impression. Un prince si habile n'avait pas lâché cette parole sans dessein, Bossuet, Var. VI, § 5.

    Lâcher la parole, lâcher le mot, dire le dernier prix qu'on veut avoir ou donner, quand on discute un marché, ou donner son consentement après avoir fait des difficultés. Le mot est lâché, vous ne pouvez vous en dédire.

    Prononcer une parole qui coûte à dire, faire un aveu, une concession qui coûte. Tant on avait de peine à lâcher le mot, que le corps et le sang [de Jésus-Christ] ne fussent donnés que spirituellement, et d'insérer dans une confession de foi une chose si nouvelle aux chrétiens ! Bossuet, Var. III.

    Lâcher que…, dire, proférer. Voilà… sur quoi [l'aversion de Mme de Grignan] roulent toutes ses pensées [de Retz] ; sur cela je crois avoir dit et ménagé tout ce que l'amitié que j'ai pour vous… pouvait m'inspirer… ne lâchant jamais que vous eussiez de l'horreur pour lui, soutenant que vous aviez un fonds d'estime, d'amitié, Sévigné, 1678, n° 713, édit. RÉGNIER.

  • 11 V. n. Être détendu. Cette corde lâche trop.

    S'échapper, manquer. Prenez garde que ce crampon ne lâche.

  • 12Se lâcher, v. réfl. Se détendre, se débander. Un ressort qui se lâche.

    Partir, en parlant d'une arme à feu. Un pistolet qui se lâcha malheureusement, Regnard, Voy. de Fland.

    Fig. Tenir des propos indiscrets. [M. de Chaulnes] le mettait [M. de Chevreuse] à bout par ses railleries, auxquelles il se lâchait avec moins de ménagements qu'il ne l'aurait fait avec des étrangers, Saint-Simon, 19, 226. Gardez-vous bien de vous lâcher contre ce tribunal, Lesage, Diabl. boit. ch. VII, dans POUGENS. Ce secrétaire Walpole s'étant lâché très inconsidérément sur le compte de ma nation, je ne crus pas devoir le souffrir, Diderot, la Princ. Daschkoff.

  • 13Dans un langage bas, se lâcher, ne pouvoir retenir un vent. Votre Majesté, je crois, s'est lâchée, Couplet ajouté à la chanson du roi Dagobert.

HISTORIQUE

XIe s. Son cheval [il] broche, si li lasche la resne, Ch. de Rol. XCVIII.

XIIIe s. Puis laska les bras, et li rois cheï sour le pavement si rudement que à poi que li cuers ne li parti, Chr. de Rains, p. 40.

XVe s. Et ne demoura gueres que sa maladie luy lascha, tant que comme à Dieu pleust qu'il s'endormist ; si en furent ses gens moult joyeulx quand ilz le virent reposer, Lancelot du lac, t. I, f° 136, dans LACURNE.

XVIe s. En nous remettant la coulpe, il nous lasche aussi toute la punition que nous avions meritée, Calvin, Instit. 512. Il charge un pistolet et le lasche, Montaigne, I, 109. La peur trouble le ventre et le lasche, Montaigne, III, 49. Sans lascher une parole de foiblesse, Montaigne, III, 100. Lascher un oiseau, Montaigne, III, 44. L'un roidit et tendit les chordes qui estoient trop lasches à Sparte, et l'autre lascha celles qui estoient trop tendues à Rome, Amyot, Num. et Lyc. comp. 1. L'autre se sentant ainsi mordre lascha incontinent sa prise, Amyot, Alc. 3. Il faisoit lascher des levriers d'attache sur eulx qui les deschiroient en pieces, Amyot, Pélop. 53. Le regiment lascha le pied devant ces troupes, D'Aubigné, Hist. II, 160.

ÉTYMOLOGIE

Berry, lâcher, cesser ; il ne lâche pas de parler ; provenç. laxar, laschar ; espagn. et portug. laxar ; ital. lasciare ; du lat. laxare, rendre lâche, détendu, qui vient de laxus, lâche.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

LÂCHER. Ajoutez :
14 S. m. Action de lâcher, de laisser aller. Environ 100 pigeons avaient été apportés ; le lâcher a été fait dans la prairie, Journ. offic. 24 mai 1873, p. 3296, 1re col. … il arrive que des chasseurs désoeuvrés, dans les environs des gares où les lâchers ont lieu, voyant ces compagnies de pigeons étrangers voleter avant de prendre leur direction vers le nord. les tirent et les abattent, Journ. offic. 8 sept. 1874, p. 6427, 1re col.