« orage », définition dans le dictionnaire Littré

orage

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orage

(o-ra-j') s. m.
  • 1Agitation violente de l'atmosphère avec vent, éclair et tonnerre. Il me semble qu'elle est votre Iris, et que c'est comme un arc-en-ciel qui paraît après l'orage, Voiture, Lett. 63. Comme un sage pilote, sans s'étonner ni des vagues, ni des orages, ni de son propre péril, Bossuet, le Tellier. Les orages, les vents, les cieux te sont soumis, Racine, Esth. I, 4. Il est certain que les orages sont beaucoup plus violents et plus dangereux sur les hautes montagnes que dans les plaines, Saussure, Voy. Alpes, t. III, p. 249, dans POUGENS. Le jour s'obscurcit, le vent s'éleva et nous apporta les sinistres roulements du tonnerre ; ce ciel menaçant, cette terre sans abri nous attrista… il est vrai que cet orage fut grand comme l'entreprise [l'expédition de Moscou] ; pendant plusieurs heures, ses lourds et noirs nuages s'épaissirent et pesèrent sur toute l'armée ; de la droite à la gauche et sur cinquante lieues d'espace, elle fut tout entière menacée de ses feux et accablée de ses torrents, Ségur, Hist. de Nap. IV, 2.

    Fig. Et vous, ma chère fille… vous que j'ai toujours aimé et souhaité d'avoir près de moi, voyez quel orage vous jette au bout du monde, Sévigné, 11 déc. 1675.

  • 2 Fig. Revers, malheurs, embarras, disgrâces. Le ciel, en qui votre âme a borné ses amours, Était bien obligé de vous donner des jours Qui fussent sans orage, et qui n'eussent point d'ombre, Malherbe, VI, 12. Si près de voir sur soi fondre de tels orages, L'ébranlement sied bien aux plus fermes courages, Corneille, Hor. I, 1. Adieu, mais, quand l'orage éclatera sur vous, Ne doutez point du bras dont partiront les coups, Corneille, Poly. V, 6. L'estime où l'on vous tient a dissipé l'orage, Molière, Tart. IV, 5. Il y a quinze jours que nous sommes sur le rivage… nous serons ravis de vous voir aborder comme nous, et tous également sauvés de l'orage [les embarras d'un procès], Sévigné, 28 mars 1689. Aller me mettre à couvert pour quelque temps, jusqu'à ce que l'orage qui nous accable ici de toutes parts [une disette cruelle] soit un peu passé, Sévigné, à Mme de Guitaut, 25 avr. 1694. Sans succomber pourtant tu soutins cet orage, Boileau, Sat. XI. Ou j'aime à me flatter, Ou sur eux quelque orage est tout prêt d'éclater, Racine, Iphig. II, 8. Regarde quel orage est tout prêt à tomber, Racine, ib. V, 1. Tous les jours de ma vie ont été des orages, Voltaire, Tancr. I, 4. Quel changement affreux a formé cet orage ? Voltaire, ib. IV, 5. Il se forme un orage ; je le vois ; je le sens, Diderot, Père de famille, V, 2.

    Conjurer l'orage, voy. CONJURER.

  • 3 Fig. Guerre, révolte, désordre. Les orages d'une longue révolution. Il apaisa l'orage dont le royaume était agité, Fléchier, Tur. Et, tandis que la guerre occupait son courage, [le roi] M'envoya dans ces lieux éloignés de l'orage, Racine, Mithr. I, 3.
  • 4 Fig. Tumulte de sentiments, agitations du cœur, tumulte de la société. Se dérober aux orages du monde. Et ses trois frères morts par la main d'un époux Lui donneront des pleurs bien plus justes qu'à vous ; Mais j'espère aisément en dissiper l'orage, Corneille, Hor. IV, 3. Il pense voir en pleurs dissiper cet orage, Racine, Andr. V, 1. Vos passions plus violentes et plus furieuses… vous feront éprouver des agitations et des orages que vous n'aviez jamais éprouvés, même dans le crime, Massillon, Car. Pécher. Ah ! qu'il se passe d'orages au fond du cœur ! Staël, Corinne, XVIII, 5. Son cœur cacherait-il quelque orage terrible ? Ducis, Othello, IV, 7. Troublée par les orages du cœur, si la virginité résiste, elle devient céleste, Chateaubriand, Génie, I, I, 9. Les passions font gronder leurs premiers orages dans le cœur du couple malheureux [Adam et Ève], Chateaubriand, II, I, 3. Espères-tu, livrée aux orages des sens, Offrir un encens pur et des vœux innocents ? Delavigne, Vêpr. sicil. sc. supprimée. Bon vieillard, plaignez ma jeunesse, En butte aux orages des cours, Béranger, Voyag.
  • 5 Fig. Opposition, colère soulevée contre quelqu'un ou quelque chose. J'ai eu un terrible orage à essuyer ; je ne me mêlerai plus d'aucune affaire, Maintenon, Lett. à Mme de St Géran, 27 août 1704. Vous ne sauriez avoir l'idée de l'orage qu'excite contre moi la publication des Lettres écrites de la montagne ; c'est une défense que je devais à mes anciens concitoyens et que je me devais à moi-même, Rousseau, Lett. à M. de Leyre, Corresp. t. VI, p. 201, dans LACURNE.

    Familièrement. Reproches d'un supérieur. Tout l'orage tombera sur vous. Je vais voir fondre sur moi un orage soudain d'impétueuses réprimandes, Molière, Scapin, I, 1.

    Correction manuelle. Quels orages de coups vont fondre sur ton dos ! Molière, Amph. III, 2.

REMARQUE

1. Corneille a dit : Cependant allons voir si nous vaincrons l'orage, Rod. III, 6. Sur quoi Voltaire observe que vaincre est impropre, qu'on dissipe, calme, détourne, brave un orage, mais qu'on ne le vainc pas. Cette remarque est trop sévère ; l'idée de victoire peut s'appliquer à un orage.

2. Au XVIIe siècle, les femmes, d'après Thomas Corneille, mettaient orage au féminin. On le trouve ainsi employé dans Mme de Sévigné : Devinez où s'en alla cette diablesse d'orage : après m'avoir ravagé… Lett. à Mme de Guitaut, 24 juill. 1694. Dans les environs de Paris et en Normandie, les paysans font encore orage du féminin.

SYNONYME

ORAGE, TEMPÈTE. L'orage produit le tonnerre, la pluie, la grêle, la tempête. La tempête est un vent violent, accompagné ordinairement de pluie ou de grêle, et qui s'élève quelquefois pendant l'orage, quelquefois sans orage. Les orages de mer portent ordinairement le nom de tempêtes. Il y a des orages sans tempête quand la pluie et le tonnerre ne sont pas accompagnés de vent, F. GUIZOT.

HISTORIQUE

XIIe s. Viengnent tout à seür quant il auront orage [temps favorable], Rou, ms. p. 127, dans LACURNE. Et granz orages et merveilleuz tempiez, Ronc. p. 112. Amont par mi le Rin li orages [le temps, le vent] les guie [guide], Sax. VII. Aprendre lui convient [il faut] vie d'home sauvage, Et gesir mainte nuit au vent et à l'orage, ib. XXVI.

XIIIe s. Et li orages venoit devers nos gens, Villehardouin, LXXX. Sor eles tonoit et negoit, Et si grant orage faisoit, Que nus [nul] ne le puist endurer, Lai du trot. Et le prist un grans orages, si grans que il sanbloit que la nef montast as nues…, Chr. de Rains, p. 46.

XIVe s. Grans dons donna aux poures chevaliers qui leurs choses avoient perdues en mer pour l'oraige de la tempeste, Chron. de St Denis, t. II, f° 18, dans LACURNE. Uns orages leva, onkes ne fu si grans, Qui le drommon emmaine, chi nous dist li rommans, Plus tost que nul oisiaus n'est parmi l'air volans, Baud. de Seb. X, 1081.

XVe s. Et se mirent au danger de Dieu et du vent, si eurent orage bel et moult agreable, et vindrent en bien briefs jour ferir au havre de Bayonne, Froissart, liv. III, p. 293, dans LACURNE.

XVIe s. Ces paroles jettées comme un orage de vent impetueux sur la mer d'une infinie multitude de peuple, mirent la ville en grand trouble, Amyot, Fab. 8. Toujours ne dure orage ne guerre, Cotgrave, au mot guerre. De la pauvre vertu l'orage n'a de port Qu'un havre tout vaseux d'une honteuse mort, D'Aubigné, Tragiques, Princes.

ÉTYMOLOGIE

Dauphiné, orage, le vent, le souffle du vent ; bourguig. oraige ; provenç. auratge, vent, orage ; catal. oretj ; espagn. orage ; d'une forme fictive auraticum, du lat. aura, vent, air ; grec αὔρα, souffle. L'ancien français avait aussi oré ; provenç. aurey, qui était un autre dérivé du même mot aura.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

ORAGE. - HIST.

XVIe s. Ajoutez : Tout va bien ; l'orage est passée, Rabelais, Pant. IV, 23.