« pleuvoir », définition dans le dictionnaire Littré

pleuvoir

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pleuvoir

(pleu-voir ; Chifflet remarque, Gramm. p. 98, qu'il faut dire pleuvoir, et non plouvoir), il pleut ; il pleuvait ; il pleuvra, il pleuvrait ; il plut ; qu'il pleuve ; qu'il plût ; pleuvant ; plu, invariable v. n.
  • 1Il se dit de l'eau qui tombe du ciel ; sens auquel il est impersonnel. Il pleut à verse. Il n'a pas gelé un moment, et il a plu tous les jours comme des pluies d'orage, Sévigné, 16 janv. 1671.

    Un écoute s'il pleut, voy. ÉCOUTER, n° 2.

    Il y pleut comme dans la rue, se dit d'une maison où la pluie perce le toit.

    Fig. Il a bien plu sur sa friperie, il a eu de grands désastres, de graves maladies.

    Je n'en ai non plus qu'il en pleut, se dit pour exprimer qu'on n'a pas la moindre partie de la chose dont il s'agit.

    Comme s'il en pleuvait, beaucoup. Il dépense l'argent comme s'il en pleuvait.

    Il faut faire comme on fait à Paris, il faut laisser pleuvoir.

    Fig. Il pleut dans son escarcelle, tout lui arrive en abondance.

    Fig. Il a bien plu dans son écuelle, il lui est venu quelque bonne succession, quelque grand profit.

  • 2Il se dit de ce qui tombe ou semble tomber du ciel comme la pluie. Le peuple vautour, Au bec retors, à la tranchante serre, Pour un chien mort se fit, dit-on, la guerre : Il plut du sang ; je n'exagère point, La Fontaine, Fabl. VII, 8. Avez-vous peur qu'il ne pleuve des hommes ? et quand il en tomberait quelques-uns des nues, le grand mal ! le ciel nous devrait ce miracle, Marmontel, Cont. mor. Soliman II.

    Fig. Que le courroux du ciel allumé par mes vœux Fasse pleuvoir sur elle un déluge de feux ! Corneille, Hor. IV, 5. Le Seigneur fera pleuvoir sur vous sa fureur et sa guerre, Massillon, Carême, Aum.

    Quand il pleuvrait des hallebardes la pointe en bas, ou, simplement, quand il pleuvrait des hallebardes, c'est-à-dire quelque mauvais temps qu'il fasse.

  • 3 Par extension, il se dit de tout ce qui tombe d'en haut en grande quantité, et alors il cesse d'être impersonnel. Mais d'aller plus à ces batailles Où tonnent les foudres d'enfer, Et lutter contre des murailles D'où pleuvent la flamme et le fer, Malherbe, III, 1. Je sais que Danaé fut son indigne mère ; L'or qui plut dans son sein l'y forma d'adultère, Corneille, Androm. IV, 4. Faites pleuvoir sur eux de la flamme et du soufre, Tristan, Mariane, v, 2. Et des couvreurs grimpés au toit d'une maison En font pleuvoir l'ardoise et la tuile à foison, Boileau, Sat. Stralsund était battu en brèche ; les bombes pleuvaient sur les maisons, Voltaire, Ch. XII, 8. Ce n'est qu'une eau qui pleut sur le rocher sonore, Lamartine, Harm. II, 3.

    Impersonnellement. Il pleuvait des boulets et des balles.

    Fig. D'où cet enfant est-il plu [d'où vient-il, d'où est-il tombé] ? La Fontaine, Lun.

  • 4Avec un nom de personne pour sujet, il signifie quelquefois faire pleuvoir. Pleuvez donc, je vous en conjure, Et pleuvez à bonne mesure, Scarron, Virg. V. Notre homme Tranche du roi des airs, pleut, vente, et fait en somme Un climat pour lui seul, La Fontaine, Fabl. VI, 4. Lui [Dieu] qui fait luire son soleil sur les bons et sur les mauvais, et qui pleut sur les justes et sur les injustes, Bossuet, Serm. Néc. de la vie, 1.
  • 5 Fig. Affluer, arriver en abondance. Les avis, les conseils vous pleuvent l'un sur l'autre, Mairet, Soliman, III, 2. Sur qui pleuvaient de tous côtés les bonnes fortunes, Hamilton, Gramm. 6. Les calomnies pleuvent sur quiconque réussit, Voltaire, Lois de Minos, Épit. Il n'y a point d'ouvrage nouveau sur des matières très délicates qu'on ne m'impute ; les livres de cette espèce pleuvent de tous côtés, Voltaire, Lett. d'Argental, 20 nov. 1766. Il [Diogène] faisait pleuvoir le sel et l'ironie sur les vicieux, Diderot, Opinion des anc. philos. (cyniques). Mes lettres vous pleuvront, une page pour une ligne, et dans peu vous en aurez haut comme cela, Courier, Lett. I, 25.

    Les sarcasmes pleuvent sur lui de tous côtés, il est en butte à mille sarcasmes.

    L'argent, les biens, les dignités, les honneurs pleuvent chez lui, il reçoit coup sur coup des biens, des dignités, des honneurs. Les biens et les honneurs pleuvaient sur sa personne, La Fontaine, Petit chien. Bon, autre argent qui va pleuvoir dans notre poche, Legrand, Aveugle clairvoyant, SC. 5. Une fois de l'Académie, les places et les honneurs vous pleuvent, Courier, Lettre à l'Académie des inscr.

    Il se dit aussi impersonnellement en ce sens. Veux-tu qu'à tous moments il pleuve des pistoles ? Corneille, Suite du Ment. II, 5. Les fâcheux à la fin se sont-ils écartés ? Je pense qu'il en pleut ici de tous côtés, Molière, Fâch. II, 1. Il pleut ici de mauvais livres et de mauvais vers, Voltaire, Lett. roi de Prusse, nov. 1742. Il nous pleut ici d'Hollande des ouvrages sans nombre contre le fanatisme, D'Alembert, Lett. à Volt. 22 sept. 1767. Amis, il pleut, il pleut des lois ; L'air est malsain, j'en perds la voix, Béranger, Enrhumé.

    Il pleut des chansons, des épigrammes contre un tel, il se fait beaucoup de chansons, d'épigrammes contre lui.

  • 6 Absolument. Se dit d'argent donné en abondance. Cette pluie est fort douce, et quand j'en vois pleuvoir, J'ouvrirais jusqu'au cœur pour la mieux recevoir, Corneille, le Ment. IV, 6. Adieu, de ton côté si tu fais ton devoir, Tu dois croire du mien que je ferai pleuvoir, Corneille, ib. IV, 7. Si vous vous mariez, il ne pleuvra plus guère, Corneille, ib. v, 7.

    Il se conjugue avec l'auxiliaire avoir quand il s'agit de la pluie. Mais quand il s'agit d'autre chose et qu'on veut marquer l'état non l'action, il se conjugue avec l'auxiliaire être : Il nous est plu aujourd'hui des fâcheux.

HISTORIQUE

XIIe s. Beau tens faiseit seri e cler, Cum senz pluveir e senz venter, Benoit de Sainte-Maure, II, 7678. E il pluveit tant fort qu'il ne voleit cesser, Th. le mart. 48.

XIIIe s. Par un jour si très bel qu'il ne pleut ne ne vente, Berte, x. Il laissa le plouvoir, s'amenrit [s'amoindrit] la froidure, ib. XLII. Mès hom ne se doit jà movoir, S'il veoit tex [telles] lermes plovoir Ausinc espès cum onques plut, la Rose, 13580. [Les anges chassés du ciel] Trois jours et trois nuiz adès plurent [tombèrent comme la pluie], Qu'ainz [que onque] plus espessement ne plut Pluie qui si grevanz nous fust, Saint-Graal, v. 2097.

XIVe s. Car il plouvoit adont une pluie pesant, Guesclin. 18283.

XVe s. Ni les seigneurs… n'espargnoient or ni argent non plus que donc si il plut des nues, Froissart, II, II, 223.

XVIe s. Il n'y pluyra plus pluye, ny luyra lumiere, ny ventera vent, ny sera esté ne automne, Rabelais, Pant. III, 3. Et coupz de guanteletz de tous coustez pleuvoir sus Chicquanous, Rabelais, ib. IV, 14. C'est le Seigneur qui a commandé au ciel de pleuvoir sur la terre, afin qu'elle fructifiast, Calvin, Instit. 151. Dieu en menaçant de plouvoir sur une ville, et envoyer secheresse à l'autre, Calvin, ib. 754. Le ciel ravy, qui si belle la voit, Roses et liz et guirlandes pleuvoit Tout au rond d'elle au milieu de la place, Ronsard, 60. En hyver partout pleut, en esté là où Dieu veut, Cotgrave Tant tonne qu'il pleut, Cotgrave

ÉTYMOLOGIE

Berry, pleure, pleuve ; wallon, plour ; prov. ploure, pluoure ; catal. plourer ; espagn. llover ; portug. chover ; ital. piovere ; du lat. pluere, auquel Curtius, n° 309, compare πλύνω, laver, le rad. sanscr. plu, nager, le goth. flewin, flotter, laver. Le français vient, avec changement d'accent, et v intercalaire, de pluerē, qui donne pluoir, pleuvoir.