« recouvrer », définition dans le dictionnaire Littré

recouvrer

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

recouvrer

(re-kou-vré) v. a.
  • 1Rentrer en possession de ce qu'on a perdu. Viens, suis-moi ; va combattre, et montrer à ton roi Que ce qu'il perd au comte il le recouvre en toi, Corneille, Cid, III, 6. Ainsi mon père Eson recouvra sa jeunesse, Corneille, Médée, I, 1. [Maurice] Tu recouvres deux fils pour mourir après toi, Et je n'en puis trouver pour régner après moi, Corneille, Héracl, IV, 4. Depuis qu'il [Tobie] eut recouvré la vue, il vécut quarante-deux ans, Sacy, Bible, Tobie, XIV, 1. Tu peux recouvrer mon estime, Racine, Alex. IV, 3. Par le crédit de Mécène et de Pollion, tous deux protecteurs des gens de lettres, il [Virgile] recouvra son champ, et fut remis en possession de son patrimoine, Rollin, Hist. anc. liv. XXV, ch. I, II, 2. L'attachement et les soins gagnent les cœurs ; mais ils ne les recouvrent guère, Rousseau, Ém. V. La difficulté qu'ont les aveugles à recouvrer les choses égarées, les rend amis de l'ordre, Diderot, Lett. sur les aveug. Un insolent ministre [Alberoni] fit manquer à l'Espagne l'occasion de recouvrer Gibraltar, Duclos, Œuv. t. V, p. 261. Il [un soldat français que les Anglais au Canada trouvèrent glacé de froid] recouvre assez de voix pour dire qu'une armée de dix mille Français est aux portes de la place [Québec], et il meurt, Raynal, Hist. phil. XVI, 22. Je recouvrais à la fois la raison et le courage, Genlis, Vœux téméraires, t. II, p. 210, dans POUGENS.

    Absolument. Un État n'est proprement riche que par les denrées qui se consomment pour se reproduire, et qui se reproduisent pour se consommer ; voilà l'image de notre bonheur : manquer et recouvrer, manquer et recouvrer encore, et ainsi tant que nous vivrons, Condillac, Hist. anc. III, 24.

  • 2Il se dit quelquefois de ce qui vient entre les mains. N'importe que cet auteur [Viguier] se soit trompé dans la date et dans quelques autres circonstances de l'histoire, il n'avait pas vu les actes qu'on a recouvrés depuis, Bossuet, Var. XI, 23. Enfin Aristote n'était pas connu à Rome, parce que ses ouvrages n'avaient pas encore été recouvrés, Condillac, Hist. anc. XI, 5.
  • 3Toucher une somme due, faire la levée des impôts. Recouvrer les contributions.
  • 4 Terme de marine. Recouvrer une manœuvre, la tirer dans le vaisseau.

REMARQUE

Il faut se garder de confondre recouvrer et recouvrir, c'est-à-dire d'employer recouvrir au lieu de recouvrer. Cette faute est dans Malherbe : N'y en a-t-il pas eu qui, pour être tombés en cœur de l'hiver dans une rivière, ont recouvert leur santé, que toutes les drogues des apothicaires ne leur avaient su rendre ? Malherbe, le Traité des bienf. de Sénèque, VI, 8. Cette faute était fréquente du temps de Vaugelas et au XVIe siècle.

HISTORIQUE

XIe s. De ses mellurs que il put recuvrer, Ch. de Rol. XXVI.

XIIe s. Li fiz Geofroi d'Anjou recovra sa vertu, Ronc. p. 196. E s'à sun enemi [de Dieu] vus turnez e pernez, Jà n'aureiz mais s'amur tant cum vivre porrez, Ne sa grace à nul jur jà ne recoverrez, Th. le mart. 133. Mors est li quens [le comte], n'a nul recovrier, R. de Cambrai, 6. Lez lui fist un penon porter, Où lor gent puissent recouvrer [se réunir], Roman de Rou, ms. p. 206, dans LACURNE.

XIIIe s. Mais demorez [dans la terre sainte], si ferez grant vigor, Tant que France ait jà recovré s'onor [son honneur], Quesnes, Romanc. p. 101. Par Grece ert [sera] recovrée la sainte terre d'outremer, se jamais est recovrée, Villehardouin, LII. Li bois recovrent leur verdure, Qui sunt sec tant cum yver dure, la Rose, 53. Se tu pues [peux] encore tant vivre Que d'amors te voies delivre, Le tens qu'auras perdu plorras, Mès recovrer ne le porras, ib. 4640. Et puis qu'il avoit l'une de ces voies prises, il ne les pooit pas lessier por recouvrer à une des autres voies, Beaumanoir, LX, 3. Encor y puet on bien greigneur [plus grand] amor trover ; Car il [Jésus] se volt faire homme pour homme recovrer, J. de Meung, Test. 128. Guys feri [frappa] Erart un trop merveilleus coup, et eust tantost recouvré l'autre [frappé un second coup], se il ne l'eust recongneu à la vois, Du Cange, recuperare.

XVe s. Il envoya ses lettres et ses messages partout où il cuidoit recouvrer de bons compagnons, Froissart, I, I, 29. Le roi et son conseil ne purent sitost recouvrer de tant d'argent que les chevaux montoient…, Froissart, I, I, 44. On ne trouve rien sur le pays [d'Écosse] : à grand peine y recuevre l'on du fer pour ferrer les chevaux, Froissart, II, II, 228.

XVIe s. Gentille Agnès plus d'honneur tu merites, La cause estant de France recouvrer, Que ce que peut dedans un cloistre ouvrer Close nonnain ou bien devot hermite, François Ier, Vers sur un portrait d'Agnès Sorel. De venaison, l'on ne peut tant soubdain recouvrir, fors unze sangliers…, Rabelais, Garg. I, 37. La parolle recouverte, elle parla tant et tant que son mary retourna au medicin pour remede de la faire taire, Rabelais, Pant. III, 34. Ilz faisoient couvrir leurs chiennes, et leurs juments par les plus beaux chiens et les meilleurs estalons qu'ils pouvoient recouvrer, Amyot, Lyc. 30. Si d'adventure il perdoit, il taschoit à se recouvrer et à remplir ses pertes par autres nouvelles entreprises, Amyot, Pyrrh. 69. Soigneux, à fort grande despense, de recouvrer des hommes suffisants en tout genre de sciences, qu'il tenoit continuellement autour de luy, Montaigne, I, 144.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. et espagn. recobrar ; ital. recuperare ; du lat. recuperare, qui, d'après Corssen, Ausspr. 2e édit. p. 334, vient de cuprus, mot latin indiqué par Varron comme signifiant bon : recuperare serait rendre de nouveau bon, valable, restituer ; d'où le nom des juges recuperatores, qui font recouvrer une chose contestée.