« salut », définition dans le dictionnaire Littré

salut

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

salut

(sa-lu ; le t ne se lie pas dans la conversation ; au pluriel, l's se lie : des sa-lu-z échangés) s. m.
  • 1Mise hors de mal, hors de péril. Pendant que notre ministre travaillait à ce glorieux ouvrage où il y allait de la royauté et du salut de l'État, Bossuet, le Tellier. Quel fut [à Rocroy] l'étonnement de ces vieilles troupes [espagnoles] et de leurs braves officiers, lorsqu'ils virent qu'il n'y avait plus de salut pour eux qu'entre les bras du vainqueur [le prince de Condé] ! D. L. de Bourb. Dans de telles extrémités [après Cannes], Rome dut son salut à trois grands hommes, ID. Hist. II, 8. Un vrai roi, qui est fait pour ses peuples, et qui se doit tout entier à eux, doit préférer le salut de son royaume à sa propre réputation, Fénelon, Tél. XI. Le salut du peuple est la suprême loi, Montesquieu, Esp. XXVI, 23. À peine eurent-ils [le prince Charles-Édouard et ses compagnons] vogué deux milles qu'ils furent entourés de vaisseaux ennemis ; il n'y avait plus de salut qu'en échouant entre des rochers sur le rivage d'une petite île déserte et presque inabordable, Voltaire, Louis XV, 25.

    Il se dit, dans le style élevé, de la personne même qui est la cause du salut. Mortel chéri du ciel, mon salut et ma joie, Aux conseils des méchants ton roi n'est plus en proie, Racine, Esth. III, 7.

  • 2Félicité éternelle. Dieu a voulu racheter les hommes, et ouvrir le salut à ceux qui le chercheraient, Pascal, Pens. XX, 1, édit. HAVET. Je pourrai bien vous parler, la première fois, des douceurs et des commodités de la vie que nos pères permettent pour rendre le salut aisé et la dévotion facile, Pascal, Prov. VIII. Se retirer, et songer uniquement aux affaires de son salut, Sévigné, 109. Rien n'est si bon ni si solide que la pensée de son salut, Sévigné, 17 mai 1671. Quand il [Henri IV, protestant] pressait ses théologiens, ils avouaient de bonne foi pour la plupart qu'avec eux l'état était plus parfait, mais qu'avec nous [catholiques] il suffisait pour le salut, Bossuet, 3e avert. 16. Tout le salut vient de cette vie, dont la fuite précipitée nous trompe toujours, Bossuet, Mar.-Thér. Les hommes de tous les états, et autant les gens de bien que les autres, ont vu la reine emportée avec une telle précipitation dans la vigueur de son âge, sans être en inquiétude pour son salut, Bossuet, ib. Une famille… où les pères ont plus de soin du salut de leurs héritiers que de l'accroissement de leurs héritages, Fléchier, Lamoignon.

    Fig. Le vrai salut est la bienfaisance, Voltaire, Lett. au roi de pologne Poniatowski, 3 févr. 1767.

    Faire son salut, mériter par sa vie la félicité éternelle. Vous croyez pouvoir faire votre salut en calomniant vos ennemis ? Pascal, Prov. X. C'est une erreur intolérable, qui a préoccupé les esprits, qu'on ne peut être dévot dans le monde ; ceux qui se plaignent sans cesse que l'on n'y peut pas faire son salut, démentent Jésus-Christ et son Évangile, Bossuet, Panégyr. St Franç. de Sales, 1. Je meurs d'envie de faire mon salut ; mais l'orgueil et la paresse me donnent bien de la peine, Maintenon, Lett. à l'abbé Gobelin, 2 juin 1682.

  • 3 Fig. Point de salut sans, se dit d'une condition indispensable pour réussir en quelque chose. Il conclut qu'il n'y avait point de salut pour une jambe sans bas verts, Hamilton, Gramm. 8. Point de salut au théâtre sans la fureur des passions, Voltaire, Lett. d'Argental, 25 oct. 1777.
  • 4Démonstration extérieure et commune de civilité, d'amitié, de respect faite aux personnes qu'on rencontre, qu'on aborde, qu'on visite (ainsi dite parce que saluer c'est souhaiter le salut). Un salut gracieux. Le salut des armes. Le salut du drapeau, de l'épée. Je saluai le roi, comme vous me l'avez appris ; il me rendit mon salut, comme si j'avais été jeune et belle, Sévigné, 299. Si vous le saluez quelquefois, c'est le jeter dans l'embarras de savoir s'il doit rendre le salut ou non ; et, pendant qu'il délibère, vous êtes déjà hors de portée, La Bruyère, II. Une froideur ou une incivilité qui vient de ceux qui sont au-dessus de nous, nous les fait haïr ; mais un salut ou un sourire nous les réconcilie, La Bruyère, IX. Un salut respectueux, que j'ai appris depuis être plus fait pour flatter la vanité que pour contenter le cœur, Marivaux, Paysan parv. 6e part. ( peine j'ose vous promettre De vous rendre encor vos saluts, Béranger, Trembleur.

    Salut militaire, salut que font les soldats à leurs chefs.

    On termine quelquefois les lettres et les billets par cette formule : Salut et amitié. Pendant la Révolution les lettres se terminaient souvent par cette formule : salut et fraternité.

  • 5 Terme de marine. Échange de politesses entre navires de nations différentes ou de la même nation, entre navires et places de guerre.

    Salut de mer, coups de canon tirés par un vaisseau pour rendre honneur à un autre vaisseau, à une flotte, etc. ou pour en reconnaître la supériorité.

    Traiter du salut, s'informer, avant de saluer, des conditions du salut.

  • 6Salut se mettait quelquefois en tête d'une lettre. Quelle petitesse pour Alexandre, de retrancher de ses lettres, depuis qu'il eut défait Darius, le mot grec qui signifie salut ! Rollin, Hist. anc. Œuv. t. VI, p. 613, dans POUGENS.
  • 7Terme qu'on emploie dans le préambule des lois, dans les lettres patentes des souverains, dans les mandements des évêques, etc. envers ceux auxquels ils sont adressés. À tous ceux qui ces présentes verront, salut. N. archevêque de Paris, à tous les fidèles de notre diocèse, salut et bénédiction.
  • 8Dans le style élevé ou poétique, on l'emploie comme expression exclamative. Salut, champs que j'aimais, et vous, douce verdure, Et vous, riant exil des bois ; Ciel, pavillon de l'homme, admirable nature, Salut pour la dernière fois ! Gilbert, Ode imitée de plusieurs psaumes. Salut, s'écria-t-il, terre longtemps promise ! Salut, dieux des Troyens ! Delille, Én. VII. Salut ! bois couronnés d'un reste de verdure ! Feuillages jaunissants sur les gazons épars ! Salut ! derniers beaux jours, Lamartine, Méd. I, 29.
  • 9Dans la poésie de la langue d'oil et de la langue d'oc, salut d'amour, pièce de vers qui commençait par une salutation à la dame dont le poëte faisait l'éloge.
  • 10 Terme de liturgie. Prières chantées dans l'après-midi ou le soir dans les églises. Le 26 mars 1685 : j'appris que S. M. a fondé dans la chapelle de Versailles un salut pour les dimanches et les jeudis, et la feue reine pour les fêtes de la Vierge, la Saint-Louis et Sainte-Thérèse, Dangeau, I, 141. Négliger vêpres comme une chose antique et hors de mode, garder sa place soi-même pour le salut, La Bruyère, XIII. Qui annoncera un concert, un beau salut, un prestige de la foire ? La Bruyère, VII. Qu'on ne voudrait pas manquer à un salut, et qu'on ne compte pour rien de manquer aux choses les plus essentielles, Massillon, Carême, Pâques. Au sortir du salut, Brissac lui conta [au roi]…, Saint-Simon, 194, 90.
  • 11Salut d'or, ancienne monnaie du temps de Charles VI, ainsi dit parce qu'il portait gravée la salutation de l'ange à la sainte Vierge.
  • 12Nom vulgaire des silures.

PROVERBE

À bon entendeur salut, voy. ENTENDEUR.

SYNONYME

SALUT, SALUTATION. La salutation est l'action de saluer, et salut le souhait de salut, avec les gestes qui l'accompagnent. Cette nuance est sensible dans l'emploi que l'usage a réservé à salutation : il se dit surtout d'une action de saluer particulière : une froide salutation ; une profonde salutation. À la fin d'une lettre on présente ses salutations, ses salutations respectueuses. Salut n'est pas usité en ce cas.

HISTORIQUE

Xe s. Et ne doceiet [n'enseignait] lor salut [conservation], Fragm. de Valenc. p. 468.

XIe s. Par bele amur malvais saluz li firent, Ch. de Rol. CXCI.

XIIe s. Nulle saluz n'i est trovée, Quise, cerchée ne donée, Benoit de Sainte-Maure, II, 6055. Altrement ne puet pas li reis aveir salu Pur tute sa grant force ne pur sa grant vertu, Nis [même] se tuit li regne erent par li sul maintenu, Th. le mart. 91.

XIIIe s. Il est escrit que de grant conseil vient grant salus, Latini, Trésor, p. 600. Por la salu de nos armes [âmes] et de trestot nostre lignage, Bibl. des chartes, 3e série, t. V, p. 84. Comme sage et courtoise [à] chascun son salut [elle] rent, Berte, IX. [à] Floire et Blanchefleur [ils] font de par Pepin salus, ID. ib. XXIV. Car se tu n'en peüsses traire Fors seulement ung biau salu, la Rose, 2388. A toz chiax [ceux] qui ches [ces] presentes letres verront ou orront, li baillis de Clermont salus, Beaumanoir, IV, 4.

XIVe s. J'ai puis trois mois conquis cinquante fors ou plus, Et vous lor avez fait aussi un fier salut, Guesclin. 17349.

XVe s. … Et enfin paya pour sa rançon quatorze mille saluts d'or, un cheval de vingt queues de vin ou autre tel prix et estimation, Monstrelet, II, 164.

XVIe s. Ils continuerent à occire tous ceux à qui Marius ne rendoit point de salut, Amyot, Marius, 79. Ilz se retiroient au camp de Sylla, ne plus ne moins qu'en un port de salut, Amyot, Sylla, 47. Voyons maintenant à qui il appartient d'avoir soin du salut universel, Lanoue, 389.

ÉTYMOLOGIE

Prov. salut ; espagn. salud ; ital. salute ; du latin salutem. Comparez ὁλοὸς, qui est salvus, ὅλος, entier, sanscr. sarva ; salūtem répond au sanscrit sarvatāti, intégrité : salut, intégrité conservée. On remarquera dans l'historique que salut (salu) a été féminin conformément à l'étymologie et à l'analogie des autres dérivés des substantifs latins en tus, tutis ; il devient d'abord masculin pour l'action de saluer ; puis le féminin s'efface tout à fait.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

SALUT.
2Ajoutez :

Hors de l'Église point de salut.