« soupe », définition dans le dictionnaire Littré

soupe

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

soupe

(sou-p') s. f.
  • 1Sorte d'aliment fait de potage et de tranches de pain, ou même de pâtes, de riz, etc. et qui se sert avant tout autre mets. Une soupe au vermicelle. Une soupe à la semoule. Soupe grasse. Soupe maigre. Soupe aux herbes. Soupe à la purée. Soupe au lait. Et lui qui pour la soupe avait l'esprit subtil, Régnier, Sat. VIII. Ils s'ennuyaient particulièrement de ne point manger la soupe, Pellisson, Lett. hist. t. III, p. 202. Quoi ! je mettrais, dit-il, un tel chanteur [un cygne] en soupe ! La Fontaine, Fabl. III, 12. Une soupe à bouillon perlé, soutenue d'un jeune gros dindon, cantonnée de pigeonneaux, et couronnée d'oignons blancs mariés avec la chicorée, Molière, Bourg. gent. IV, 1. Je vis de bonne soupe et non de beau langage ; Vaugelas n'apprend point à bien faire un potage, Molière, Femmes sav. II, 7. L'Allemagne s'est illustrée par sa soupe à la bière, qui, soit dit entre nous, ne vaut pas le diable, Scribe Et Mazères, Vatel, sc. 4.

    Dès qu'on a mangé la soupe, dès le matin, à cause de l'habitude, très répandue, de manger le matin de la soupe. Pour les avertir que demain Leurs envoyés soient en chemin, Dès qu'ils auront mangé la soupe, Courrier burlesque, p. 22.

    Dès la soupe, dès le commencement du repas.

    Par dénigrement, marchand de soupe, maître de pension.

    Soupe économique, sorte de soupe faite non avec de la viande, mais avec des os. Il a poussé si loin l'ardeur philanthropique, Qu'il nourrit tous ses gens de soupe économique, Étienne, les Deux gendres, I, 1.

    Soupe jacobine, voy. JACOBIN.

    Fig. S'emporter comme une soupe au lait [le lait chauffé se gonfle et déborde], s'irriter facilement et promptement. Ce mot-là fit élever le mari comme une soupe au lait, Comte de Caylus, Hist. de M. Guill. Œuvr. t. x, p. 30, dans POUGENS.

    Fig. La soupe à l'oignon, se dit, dans l'argot des artistes, de tous ceux qui ont passé par l'École des beaux-arts et qui sont arrivés, de façon ou d'autre, par la filière administrative.

    Soupe au lait, soupe de lait, se dit adjectivement des chevaux qui sont d'un blanc tirant sur l'isabelle, et des pigeons de la même couleur. Chevaux soupe de lait. Jument soupe au lait. Pigeons soupe de lait.

  • 2 Par extension, dîner en général. Allons, venez manger ma soupe, vous me donnerez à souper ce soir, Marivaux, Pays. parv. 3e part. Bonjour, ma nièce ; venez-vous manger la soupe avec nous ? Genlis, Théât. d'éduc. la Lingère, I, 6.

    Venez manger ma soupe, locution blâmée par Mme de Genlis, Mém. t. v, p. 92, dans POUGENS, mais sans fondement.

    Soupe des rentiers, s'est dit jadis pour un ordinaire peu succulent. Mais surtout évitons la soupe des rentiers, Et tendons nos filets chez de gros financiers, Colnet, l'Art de dîner en ville, I.

  • 3 Par antonomase, tranche de pain coupée mince, qu'on met dans la soupe. Mettez deux ou trois soupes dans ce bouillon. Une soupe de pain.

    Tailler la soupe, couper du pain par tranches pour le mettre dans le potage.

    Tremper la soupe, mettre les tranches de pain dans le potage quelque temps avant de le servir, afin qu'elles s'humectent. Les bedeaux, distributeurs discrets de ces fragments consacrés [pain bénit offert par un riche personnage], auront de quoi tremper leurs soupes pendant huit jours, et pourront manger leurs potages au pain bénit, Mercier, Tabl. de Par. ch. 133.

    Populairement et fig. Tremper une soupe, rosser. Je vais te tremper une soupe.

    Trempé, mouillé comme une soupe, très mouillé.

  • 4Soupe au vin, soupe au perroquet, soupe à perroquet, tranches de pain dans du vin.

    Ivre comme une soupe, se dit d'un homme qui a beaucoup bu et s'est enivré. Tantale est ivre comme une soupe, Boileau, Héros de rom.

    Soupe en vin, sorte de couleur rouge. Les draps et autres étoffes qu'ils teindront et feront teindre en grandes et hautes couleurs, comme écarlate, cramoisi, soupe en vin, et autres couleurs parfaites, Règl. des manuf. 22 oct. 1697. On y compte quatre variétés, qui sont les gris de fer, les chamois, les soupes en vin et les gris doux, Buffon, Ois. t. IV, p. 338.

  • 5Préparation alimentaire consistant en fourrages verts ou secs que l'on a fait infuser dans l'eau chaude (thé de foin), ou que l'on fait cuire. Les soupes se donnent à tous les animaux, mais principalement au bétail à l'engrais, aux élèves et aux femelles laitières ; on y fait entrer du foin, du regain, des racines et tubercules, des feuilles, des débris de jardin.
  • 6Soupe crottée, ancien potage ou ragoût.
  • 7Tabac frisé roulé dans une demi-feuille de choix.

PROVERBES

La soupe fait le soldat, une nourriture simple rend propre aux fatigues de la guerre. Elle me ferait de mauvaise soupe, et, comme dit l'autre, c'est la soupe qui nourrit le soldat, Carmontelle, Proverbes, le Grand chemin, sc. 8.

Quelqu'un lui a mangé le dessus de sa soupe, se dit d'une personne qui est de mauvaise humeur.

Sa soupe est maigre, se dit d'un homme qui fait mauvaise chère.

REMARQUE

1. On dit soupe aux choux, soupe aux herbes, soupe au lait, etc. et non soupe de choux, d'herbes, de lait, etc.

2. De Caillières, en 1600, observe que soupe pour potage est un mot bourgeois.

HISTORIQUE

XIIIe s. Brouet de gelines et soupes en vin bien trempé, Alebrand, f° 19. Et quant la messe fu faite, si fist li rois aporter pain et vin, et fist tailler des soupes et en manga une, Chron. de Rains, 147. C'est une taverne planiere Dont Fortune la taverniere Trait aluine et piment en coupes Por faire à tout le monde soupes, la Rose, 6848. Puisque vous m'avés faite coupe [faute], Je vous ferai d'autel pain soupe, ib. 14420.

XIVe s. Souvent il mengeoit des naviaux… D'un harenc, d'une soupe à l'oile, Par deffaut de bonne viande, Machaut, p. 104. Là ont nos bons François prins les meilleurs hostelz ; Prindrent la soupe en vin nos signeurs naturelz, Guesclin. 20774. Il dit à Thomas qu'il n'estoit mie en sa puissance ne d'un tel fagoteur mengeur de soupes…, Du Cange, sopa.

XVe s. Quand le jour fut tout venu… et que les chrestiens eurent bu un coup et mangé une soupe en vin grec, malvoisie ou grenache, Froissart, III, IV, 15. Et il lui dist que son pere et ses freres vouloient lui donner ses soupes dorées, comme il est accoustumé faire ou païs en tel temps [carêmeprenant], Du Cange, sopa. On luy [à Jeanne d'Arc] avoit faict appareiller à souper bien et honorablement ; mais elle fist seulement mettre du vin dans une tasse d'argent, où elle mist la moitié d'eau et cinq ou six soupes dedans, qu'elle mangea, et ne print autre chose, Viriville, Chron. de la Pucelle, ch. 44. Plusieurs qui ne se sont pas feins d'y faire leurs souppes [d'y faire des profits, leurs orges], Monstrelet, t. I, ch. 99, p. 161, dans LACURNE. Tu es plus yvre que une soupe, Mir. de Ste Geneviève. Item aux freres mendiants, Aux devotes et aux béguines… De grasses soupes jacobines, Villon, Testam.

XVIe s. L'evesque [de Genève] Jehan Louis, lequel, jà soit qu'il fust de la maison de Savoye, si ne vouloit il toutesfois que le duc ny ses aultres freres missent le museau dedans sa soupe, Bonivard, Chron. de Genève, III, 1. Perrin se y opposoit [à ce que les étrangers fussent reçus bourgeois de Genève]… disant que les François chasseroient encore les anciens de la ville dehors, et, comme dist le commun proverbe, que la derniere soupe [tranche de pain] gecteroit la premiere hors de l'escuelle, Bonivard, Anc. et nouv. polit. de Genève, p. 129. Beaulx jambons, et force souppes de prime [tranches de pain et de fromage trempées dans du bouillon, qu'on mangeait le matin dans les monastères], Rabelais, Garg. I, 21. Le plus entendu de touts [les Romains, festoyés par les empereurs] n'eust pas quité son escuelle de soupe, pour recouvrer la liberté de la republique de Platon, La Boétie, Servit. volont. De la main à la bouche se perd souvent la soupe, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 217. Cervelles chaudes les unes avec les autres ne font jamais bonne soupe, ib. Soupe dorée [pain dans des œufs battus et frits], Oudin, Dict.

ÉTYMOLOGIE

Bourguig. sôpe ; wallon, sop ; provenç. espagn. et ital. sopa ; du germanique : allem. Suppe ; isl. sup ; suéd. soppa ; holl. sop, mots qui signifient bouillon, potage, ragoût. L'étymologie montre que le sens primitif de soupe est potage ; mais l'antonomase qui a donné à ce mot le sens de tranche de pain est très ancienne.