« tapis », définition dans le dictionnaire Littré

tapis

Définition dans d'autres dictionnaires :

Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

tapis

(ta-pi ; l's ne se prononce pas, même devant une voyelle, dit Chifflet, Gramm. p. 216) s. m.
  • 1Pièce d'étoffe dont on couvre une table, des murs ou un parquet. Un tapis de pourpre, de velours. Tapis de table. Tapis de pied. Tapis de Turquie. Tapis de Perse. Conservation, battage, remise à neuf et pose des tapis. Sur un tapis de Turquie, Le couvert se trouva mis, La Fontaine, Fabl. I, 9. On a beau faire tirer le canon des sept tours de Topana pour de prétendues victoires ; la vérité perce à travers la fumée du canon, et vient effrayer Moustapha sur ses tapis de zibeline, Voltaire, Lett. Catherine II, 28 nov. 1769. M. de Montigni s'occupa d'établir à Aubusson une fabrique de tapis de pied supérieurs aux tapis de Perse et de Turquie, non pour la durée ou la solidité des couleurs, mais pour l'agrément et le bon goût des dessins, Condorcet, Montigni. On me dira peut-être que rien ne prouve que les tapis dont il est question dans Pline, étaient des étoffes à poils, comme les tapis de pied de la Savonnerie, Desmarets, Instit. Mém. scienc. 1806, 2° sem. p. 162.

    Tapis de haute lisse, tapisserie qu'on tendait sur les murs des appartements, véritables tableaux tissés sur une chaîne de chanvre avec des laines nuancées qui produisent, par la juxtaposition des couleurs, tous les effets et toutes les difficultés de la grande peinture ; les fils de la chaîne sont perpendiculaires, l'ouvrier travaille à l'envers ; la manufacture des Gobelins exécute exclusivement les tapisseries de haute lisse, De Laborde, Émaux, p. 511.

    Tapis de basse lisse, tapisseries dont on faisait les tentures, les coussins, et généralement tout l'ameublement d'une chambre ou salle de tapisserie ; c'est le même travail que la haute lisse ; seulement les dimensions en étant moins grandes permettent d'étendre horizontalement sur un métier les fils de la chaîne, et l'ouvrier travaille à l'endroit, son modèle devant lui ; la manufacture de Beauvais s'est conservé cette spécialité, De Laborde, ib. p. 511.

    Les tapis velus, appelez plus tard tapis de Turquie et façon de Turquie, sont formés, de même que le velours, de fils de laine, qui, après s'être noués autour de la chaîne, la dépassent en longues mèches juxtaposées ; ces mèches, coupées également à l'extrémité, offrent à l'œil l'intérieur et le velu de la laine, De Laborde, ib.

    Tapis de muraille ; lorsqu'on cessa de joncher les salles, lorsque les tapis velus, presque tous de Turquie, eurent remplacé les herbes et les feuilles, on appela tapis de murailles les tapisseries à personnages qui les couvraient et qu'il fallait distinguer des autres tapis étendus sur le sol, De Laborde, ib.

  • 2Tapis d'un bureau.

    Fig. Mettre une affaire, une question sur le tapis, la proposer pour l'examiner. Aussitôt que les conseils furent en exercice, la première affaire qu'ils mirent sur le tapis fut le département des provinces, Malherbe, Le XXXIIIe liv. de Tite-Live, ch. 25. On a mis sur le tapis d'établir un conseil, Patin, Nouv. lett. t. I, p. 237, dans POUGENS. Un édit pour légitimer vos mariages [des protestants] a été mis trois fois sur le tapis devant le roi à Versailles : il est vrai qu'il n'a point passé, Voltaire, Lett. des Monts, 25 déc. 1767.

    Amuser le tapis, décider de petites affaires. Ces petites affaires particulières dont on ne fait qu'amuser le tapis dans les conseils royaux des finances, voy. D'ARGENSON, Mém. p. 175, dans POUGENS.

    Amuser le tapis, signifie aussi entretenir la compagnie de choses vaines. Noirmoutier veut amuser le tapis, mais je le ferai parler français, Retz, IV, 294. Beretti conseillait de rendre des réponses plausibles, d'amuser le tapis et de gagner du temps, Saint-Simon, 496, 253.

    Amuser le tapis se dit aussi d'actions qui tendent à atermoyer. Et tout cela pour donner des jalousies, et tenir les confédérés dans l'incertitude, et seulement afin de les empêcher de faire un gros d'armée d'une partie de leurs garnisons, et amuser le tapis, Sévigné, 266.

  • 3Tapis d'une table de salon. C'est un bruit commun qui court maintenant le tapis de toutes les compagnies…, Naudé, Rosecroix, III, 4.

    Tapis à housse, tapis servant de housse. Il [la Fontaine] se glissa dans la chambre à coucher de la dame, et se cacha sous une table couverte d'un tapis à housse, Walkenaer, Hist. de la Font. p. 7.

    Fig. Tenir quelqu'un sur le tapis, mettre quelqu'un sur le tapis, s'en entretenir avec détail, soit en bien, soit en mal. Il faut, à quelque prix et de quelque façon que ce soit, qu'ils satisfassent à leur malice, et que, pour avoir l'applaudissement de ceux qui leur ressemblent, puisqu'ils n'ont rien à dire contre votre vie, ils trouvent en votre prospérité de quoi vous mettre sur le tapis, Malherbe, à M. de Luynes, trad. du XXXIIIe liv. de TITE LIVE. Les mauvais moines étaient mis sur le tapis, Bossuet, Var. 11.

    Être sur le tapis, se dit aussi d'une personne dont on s'occupe pour quelque affaire. Il n'est plus question de cette comtesse ; il en a maintenant une autre sur le tapis, Legrand, Galant coureur, sc. 5.

    Fig. Être sur le tapis, être l'objet de l'entretien. Le pauvre Destin, qui avait été si bien sur le tapis, Scarron, Rom. com. I, 5. De l'air dont elle parle en ma propre présence, Dieu sait comme en secret je suis sur le tapis, Boursault, Fabl. d'Ésope, II, 3.

    Mettre sur le tapis, être sur le tapis, se dit aussi d'une affaire, d'une question dont on s'occupe. On a encore remis sur le tapis le mariage de sa nièce l'aînée [de Mazarin] avec le duc de Mercœur, Patin, Nouv. lett t. I, p. 230, dans POUGENS. Plusieurs visites, où l'on ne manque jamais de mettre sur le tapis une question galante, qui exerce les esprits de l'assemblée, Molière, Préc. 5. Il y a assez de nouvelles ici sur le tapis pour faire parler le salon, Maintenon, Lett. au duc de Noailles, 12 janv. 1711.

    Revenir sur le tapis, se dit d'une chose dont on s'occupe de nouveau. Je crois… que je m'en trouverai bien [du bain de vendange pour les mains] ; si je suis trompée, Vichy reviendra sur le tapis, Sévigné, 21 sept. 1676.

  • 4Tapis vert, ou, simplement, tapis, table de jeu. J'entends ; autour d'un tapis vert, Dans un maudit brelan, ton maître joue et perd, Regnard, le Joueur, I, 2. Que l'aube au tapis vert surprend à son retour, Veillant toute la nuit, se plaignant tout le jour, Delille, Trois règnes, III.

    Le tapis brûle, se dit, au jeu, lorsque quelqu'un a oublié de déposer sa mise.

    Au vingt et un, le banquier dit : le tapis compte pour dix, quand il donne une carte au lieu de deux à chacun des joueurs qui sont censés alors avoir chacun dix en main.

  • 5Tapis vert se dit aussi quelquefois du lieu où s'assemblent des administrateurs, etc. On a discuté cette affaire au tapis vert.
  • 6Tapis de billard, le drap vert qui recouvre la table d'un billard.
  • 7 Fig. Tapis vert, ou, simplement, tapis, nom donné en horticulture à des étendues couvertes de plantes basses et gazonnantes. Le tapis vert de Versailles.

    On dit de même : un tapis de verdure, de gazon, de mousse, de fleurs. Et les pasteurs, couchés sur de riants tapis, Réveillent par leurs chants les échos assoupis, Roucher, les Mois, II. Que mon bras arrondi t'entoure et te soutienne Sur ces tapis de fleurs, Lamartine, Méd. II, 24. Vénus se lève à l'horizon ; à mes pieds l'étoile amoureuse De sa lueur mystérieuse Blanchit les tapis de gazon, Lamartine, Médit. le Soir.

  • 8 Terme de manége. Cheval qui rase le tapis, cheval qui, aux diverses allures, n'élève pas assez les pieds au-dessus du sol.
  • 9 Terme d'anatomie. Portion de la choroïde qui n'est pas noire mais brillante, à reflets métalliques changeants selon les incidences de la lumière.
  • 10Se dit des couleurs qu'on fait flotter sur l'eau, pour marbrer le papier.
  • 11Tapis franc, cabaret, auberge où se réunissent les voleurs.
  • 12Tapis de Perse, une coquille bivalve.

HISTORIQUE

XIIe s. Il fiert Gerart l'espanois au fier vis, De sor son elme qui est à flor de lis ; Li cercles d'or ne li vaut un tapis, Raoul de C. 135. Juste un pilier s'asist en la terre entaiez ; N'i fu suz lui tapiz ne oreiller culchiez, Th. le mart. 162.

XIIIe s. Je ne sui pas de ces povres prescheurs ne de ces povres herbiers… qui portent boites et sachez, et si estendent un tapiz, Rutebeuf, 256.

XIVe s. Pour douze tappis veluz du païs de Turquie, dont il y en a dix petits et deux moyens, De Laborde, Émaux, p. 513.

XVe s. Les murs de la ville et les tours estoient pavoisés de tapis mouillés pour resister contre le trait, Froissart, III, IV, 15. À Pasquier Grenier, marchant tapissier, demourant à Tournay, pour plusieurs pieces de tapisserie, ouvrées de fil, de laine et de soye, garnies de toile, franges, cordes et rubans, contenant en tout vij cent aulnes ou environ ; c'est assavoir : six tapis de muraille, pour parer une salle, faiz et ouvrés de l'istoire du roy Assuere, De Laborde, Émaux, p. 512. Un tappis velu blanc, de l'ouvrage d'Espaigne, De Laborde, ib. p. 511.

XVIe s. Le roi, devenu plus soigneux par son aage et par les defaux essuiez, monstra qu'il n'estoit point seulement capitaine le cul sur la selle, mais aussi sur le tapis, D'Aubigné, Hist. III, 338. Quand, voyant un homme au-dessous de toutes affaires, nous le disons estre reduit au tapis, maniere de parler que nous empruntasmes des joueurs, lesquels jouans sur un tapis verd, quand ils n'ont plus d'argent devant eux pour mestier mener, ils sont contraints desemparer la table, on les dit estre reduits au tapis verd, Pasquier, Rech. VII, p. 728, dans LACURNE. Nostre roi Charles, qui avoit tant de debtes, et qui devoit à Dieu et au monde, estoit au tapis et au saffran sans ceste bonne guerre, Brantôme, Capit franç. t. III, p. 200, dans LACURNE.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. tapit, tapi ; anc. cat. tapis ; espagn. et portug. tapiz ; ital. tappeto ; du lat. tapetem, tapetum, qui vient du grec τάπης. Le prov. tapit représente tapetem ; mais le franç. tapis ou tapiz représente le bas-lat. tapecius.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

TAPIS. Ajoutez :
13Tapis de racines, disposition des racines d'un végétal en forme de tapis. [En Bourgogne] on s'aperçoit de l'ancienneté de la culture au tapis de racines ; ainsi les ceps de l'an 904 ont un tapis bien plus épais que les ceps de 1234, De Parville, Journ. offic. 11 nov. 1875, p. 9208, 1re col.