« tempérer », définition dans le dictionnaire Littré

tempérer

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tempérer

(tan-pé-ré. La syllabe pé prend un accent grave quand la syllabe qui suit est muette : je tempère, excepté au futur et au conditionnel : je tempérerai) v. a.
  • 1Diminuer l'excès d'une qualité physique. Tempérer l'aigre par le doux. La mer tempère dans ces climats l'ardeur de l'air, qui d'ailleurs ne peut jamais être aussi grande que dans l'intérieur ou sur les côtes occidentales de l'Afrique, Buffon, Hist. nat. hom. Œuv. t. v, p. 222. De son céleste éclat tempérant la lumière, Il se montre couvert d'une armure guerrière, Delille, Parad. perdu, X.
  • 2Rafraîchir, en parlant des chaleurs du corps, morbides ou non. Tempérer une ardeur d'entrailles par des tisanes. On le fait baigner pour lui tempérer un peu le sang. Personne n'aura-t-il le pouvoir d'obtenir de vous quelque espèce de soin et de régime pour tempérer un peu ce sang si enragé ? Sévigné, à Mme de Grignan, 16 sept. 1677.

    Absolument. Hérille, soit qu'il parle, qu'il harangue, ou qu'il écrive, veut citer : il fait dire au Prince des philosophes, que le vin enivre ; et à l'Orateur romain, que l'eau tempère, La Bruyère, XII.

    On disait de même autrefois : Tempérer l'acrimonie des humeurs.

    Fig. Tempérer sa bile, réprimer sa colère.

  • 3Diminuer l'intensité d'une qualité morale. Elle aimait mieux tempérer la majesté et l'anéantir devant Dieu que de la faire éclater devant les hommes, Bossuet, Mar.-Thér. Pendant qu'il [Louis XIV] parle avec tant de force, une douceur surprenante lui ouvre les cœurs, et donne, je ne sais comment, un nouvel éclat à la majesté qu'elle tempère, Bossuet, ib. Le feu qui sortait de ses yeux, et la douceur qui tempérait cette vivacité, Fénelon, Tél. I. Une bonté et une affabilité qui ne se démentait en rien, et par laquelle ils savaient tempérer l'autorité du commandement, et le rendre aimable, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. III, p. 296, dans POUGENS.
  • 4Calmer, modérer. Le temps a tempéré sa douleur. Les vices entrent dans la composition des vertus, comme les poisons entrent dans la composition des remèdes : la prudence les assemble et les tempère, La Rochefoucauld, Réfl. 182. J'ai quatre-vingts ans passés, vous n'en avez que vingt-cinq ; je vous tempérerai, et vous m'échaufferez, Retz, Mém. t. I, liv. I, p. 46, dans POUGENS. En Allemagne, la paix de Nuremberg tempéra les rigueurs du décret de la diète d'Augsbourg, Bossuet, Var. IV, 3. Je dois vous représenter… un homme doux et secourable, qui a su tempérer l'austérité des lois par tous les adoucissements qu'inspirent la miséricorde et la charité, Fléchier, Lamoignon. L'âge avait fait pour lui ce que la nature avait fait pour d'Alembert : il avait tempéré tous les mouvements de son âme, Marmontel, Mém. VI.
  • 5Apporter des tempéraments, des adoucissements, des biais. Il a été fort nécessaire que nos pères aient tempéré les choses par leur prudence, Pascal, Prov. VI. Nos nouveaux mystiques tâchent de tempérer leurs excès par deux excuses…, Bossuet, Ét. d'orais. III, 9. S'il faut tempérer la vérité en géométrie, que sera-ce dans les autres matières ? Fontenelle, Leibnitz. On ne tarde pas d'être infidèle à Dieu, quand on veut tempérer par des égards humains les devoirs d'une vie nouvelle, Massillon, Avent, Concept. Rome, de qui nous avons appris notre catéchisme… a su toujours tempérer les lois selon les temps et les besoins, Voltaire, Dict. phil. Police des spect.
  • 6Se tempérer, v. réfl. Perdre l'excès d'une qualité physique. Les thermomètres, au faubourg Saint-Honoré, marquent 2 ou 3 degrés de froid de plus qu'au faubourg Saint-Marceau, parce que le vent du nord se tempère en passant sur les cheminées de cette grande ville, Buffon, 7e Ép. nat. Œuv. t. XII, p. 348.
  • 7Diminuer réciproquement un excès. Par l'excès ou par le défaut d'imagination l'intelligence est très imparfaite ; afin qu'il ne lui manque rien, il faut que l'imagination et l'analyse se tempèrent mutuellement, et se cèdent suivant les circonstances, Condillac, Trait. des syst. XII.
  • 8S'adoucir, se modérer. Un certain Grec disait à l'empereur Auguste, Comme une instruction utile autant que juste, Que, lorsqu'une aventure en colère nous met, Nous devons avant tout dire notre alphabet, Afin que dans ce temps la bile se tempère, Molière, Éc. des fem. II, 4.

HISTORIQUE

XIIe s. Mais or [je] conseil au roi qu'il laist à saint iglise, Si com il a promis, e droiture e franchise, Ses frans homes ait chiers, temprez soit en justice, Th. le mart. 164.

XIVe s. Quant le temps sera bel, cler et temperé, Modus, f° LXXXIV.

XVe s. Ils trouvoient peu de bonnes eaux et de fresches pour temprer leur vin, ni eux rafreschir, Froissart, II, III, 82.

XVIe s. J'ay temperé [dit la nature] la vie et la mort entre la doulceur et l'aigreur, Montaigne, I, 89. En l'amitié, c'est une chaleur temperée et egale, Montaigne, I, 209. J'ayme des natures temperées et moyennes, Montaigne, I, 224. L'un des plus beaux jardins de l'univers, plus temperé que les Isles fortunées, Lanoue, 147. On leur peut bailler [aux œufs] une chaleur artificielle et si bien temperée, ou dans un four ou par autres voyes, qu'on en verra sortir les propres oiseaux que nature eust engendrez, Lanoue, 471. Il ordonna une forme de gouvernement fort bien temperé pour maintenir les citoyens en paix et en concorde les uns avec les autres, Amyot, Péric. 3. Elle en tempere le relaschement ou roidissement, reduisant chascune passion à temperature moderée pour la garder de faillir, Amyot, De la vertu morale, 11. [Il] Flatte son cœur felon et tempere son ire, Ronsard, Élég. 19. La fomentation d'eau chaude doit estre temperée, c'est-à-dire moyenne entre bouillante et froide, Paré, XIII, 31.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. temprar, trempar ; espagn. et portug. temperar ; ital. temperare ; du latin temperare, mélanger.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

TEMPÉRER. Ajoutez :
9Gouverner, régir. Dieu tempère le monde, et toutes choses le suivent comme leur guide et comme leur gouverneur, Malherbe, Lexique, éd. L. Lalanne.