« vendre », définition dans le dictionnaire Littré

vendre

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

vendre

(van-dr'), je vends, tu vends, il vend, nous vendons, vous vendez, ils vendent ; je vendais ; je vendis ; je vendrai ; je vendrais ; vends ; qu'il vende, vendons, vendez ; que je vende, que nous vendions ; que je vendisse ; vendant ; vendu v. a.
  • 1Aliéner une chose, céder à quelqu'un la propriété d'une chose pour un certain prix. Vendre une maison, un cheval. Platon fut vendu comme esclave. Deux compagnons presses d'argent à leur voisin fourreur vendirent La peau d'un ours encor vivant, Mais qu'ils tueraient bientôt, du moins à ce qu'ils dirent, La Fontaine, Fabl. v, 20. Il eût mieux valu mille fois, dit un sage jurisconsulte, vendre les trésors de tous les couvents et l'argenterie de toutes les églises que de vendre la justice, Voltaire, Pol. et lég. Comm. Esprit des lois, 27. Des gredins du Parnasse ont dit que je vends mes ouvrages, Voltaire, Lett. Panckoucke, 13 févr. 1769. L'Espagne vend tous les ans à l'étranger en laine, en soie, en huile, en vin, en fer, en soude, en fruits, pour plus de 80 000 000 de livres, Raynal, Hist. phil. VIII, 34.

    Vendre un cheval crins et queue, le vendre très cher.

    Vendre un cheval tout nu, le vendre sans selle et sans bride.

    Ce n'est pas vendre, c'est donner, se dit en parlant des choses qu'on vend à vil prix.

    Vendre une femme, la prostituer pour de l'argent. [Soit que] Aux portefaix de Rome il [Juvénal] vende Messaline, Boileau, Art p. II.

    Il les vendrait à beaux deniers comptant, il les vendrait tous, il est plus fin qu'eux, ou bien il les sacrifierait au moindre intérêt.

    Fig. Vendre son cheval pour avoir du foin, faire une chose contradictoire.

    Je suis à vous à vendre et à dépendre, je vous suis tout acquis, voy. DÉPENDRE 3.

    Fig. À qui vendez-vous vos coquilles ? voy. COQUILLE, n° 2.

    Fig. Cet homme vend bien ses coquilles, il fait bien valoir sa marchandise, son travail.

  • 2 Terme de bourse. Vendre à découvert, vendre à terme et à une même époque une certaine somme de rentes sans avoir les titres en main, dans l'espérance de voir les cours baisser avant l'expiration du marché.
  • 3Particulièrement, il se dit de ceux qui vendent habituellement au public certaines marchandises, certaines denrées, etc. Vendre en gros et en détail. Il vend des comestibles, du vin, des liqueurs. Vendre à juste prix. Vendre cher. Vendre bon marché.

    Vendre en biais, c'est, après avoir enlevé un fichu de toute la largeur de l'étoffe, mesurer sur les deux lisières le métrage demandé, et puis couper ; cette coupe donne du biais aux deux bouts.

    Vendre l'argent, se dit des usuriers. Qu'on vend cher maintenant l'argent à la jeunesse ! Regnard, le Joueur, I, 6.

  • 4 Fig. Ne pas accorder gratuitement, faire payer cher. La fortune est une grande trompeuse ; bien souvent, en donnant aux hommes des charges et des honneurs, elle leur fait de mauvais présents, et pour l'ordinaire elle nous vend bien chèrement les choses qu'il semble qu'elle nous donne, Voiture, Lett. 123. Il [le sage] lit au front de ceux qu'un vain luxe environne, Que la fortune vend ce qu'on croit qu'elle donne, La Fontaine, Phil. et Bauc. Et tu peux concevoir Que je lui vendrai cher le plaisir de la voir, Racine, Brit. II, 2. Non, non, je ne sais point vendre mon amitié, Racine, Alex. III, 2. Il commença par gagner la confiance du prosélyte en ne lui vendant pas ses bienfaits, Rousseau, Ém. IV.

    Vendre cher, vendre bien cher, vendre chèrement sa vie, ou, simplement, vendre sa vie, se défendre avec courage, immoler beaucoup d'ennemis avant de succomber. Et quelque peu des leurs, tous percés de nos coups, Disputent vaillamment et vendent bien leur vie, Corneille, Cid, IV, 3. Le peuple aussitôt sort en armes ; Tout autre aventurier, au bruit de ces alarmes, Aurait fui ; celui-ci, loin de tourner le dos, Veut vendre au moins sa vie et mourir en héros, La Fontaine, Fabl. X, 14. Vendre cher notre vie est tout ce qui nous reste, Voltaire, Catilina, III, 4.

    Populairement, dans le même sens. Vendre bien cher sa peau.

  • 5 Fig. Se faire payer en argent ou autrement pour certains services, certains offices, certaines choses morales. Debout dans un parquet, à tort et à travers je vendrais mon caquet, Régnier, Sat. IV. Les honneurs sont vendus aux plus ambitieux ; L'autorité, livrée aux plus séditieux, Corneille, Cinna, II, 1. Et vendre au plus offrant mon encens et mes vers, Boileau, Sat. I. Un vil amour du gain… enfantant mille ouvrages frivoles, Trafiqua du discours et vendit des paroles, Boileau, Art p. IV. S'ils se taisent, madame, et me vendent leurs lois…, Racine, Bérén. IV, 5. Ce sénat, le modèle et le tuteur des rois… Vend ce qu'à la vertu réservaient nos aïeux, Crébillon, Catilina, I, 2. Envieux par nature et brigands par métier, Ils vendent l'infamie à qui la veut payer, Chénier M. J. la Calomnie.

    Vendre son suffrage, sa protection, etc. se les faire payer.

    Vendre son honneur, recevoir de l'argent pour faire une action honteuse.

    Vendre son honneur, en parlant d'une femme, s'abandonner par intérêt.

    Vendre son âme, se dit de celui qui, d'après une croyance superstitieuse, livrait son âme au diable pour certaines jouissances. Le peuple racontait que le frère d'Amélie… avait vendu son âme au démon, Chateaubriand, les Natch. 2e part. 1er quart.

  • 6 Fig. Trahir, dénoncer, révéler un secret par intérêt. Quoi qu'il en soit, Narcisse, on me vend tous les jours, Racine, Brit. I, 4. Il te tarde déjà qu'échappé de mes mains, Tu ne coures me perdre et me vendre aux Romains, Racine, Mith. III, 1. À ce perfide Arons il vendait sa patrie, Voltaire, Brut. v, 1. Après avoir dit qu'il voyait bien que j'étais un bon jeune honnête homme qui n'était pas là pour le vendre, il ouvrit une petite trappe à côté de sa cuisine, Rousseau, Confess. IV. C'est sous le plus grand secret qu'il me l'a confié : ne me vendez pas, au moins, Goldoni, Bourru bienfais. I, 1.

    Il a vendu ses complices, il les a dénoncés.

    Fig. Ils vendent la ville, se dit de gens qui, dans une compagnie, parlent bas entre eux.

  • 7Se vendre, v. réfl. Être vendu. Cette maison se vend aujourd'hui. Le coton se vend en balles.

    Cette marchandise se vend bien, elle est d'un débit facile, ou elle est d'un prix élevé.

    En un sens contraire. Cette marchandise ne se vend pas, elle n'a pas de débit.

    Se vendre au poids de l'or, être vendu fort cher.

  • 8Aliéner sa liberté, se faire esclave, pour an certain prix. Les Moscovites se vendent très aisément ; j'en sais bien la raison, c'est que leur liberté ne vaut rien, Montesquieu, Esp. XV, 6. Je m'adressai à un marchand arménien ; je lui vendis ma fille et me vendis aussi pour trente-cinq tomans, Montesquieu, Lett. pers. 67.

    Fig. Qu'il te faut la toison pour revoir tes parents, Qu'à ce prix je te plais, qu'à ce prix tu te vends, Corneille, Tois. d'or, IV, 4.

  • 9Entrer au service militaire pour de l'argent. Il s'est vendu comme remplaçant. Autrefois les Suisses se vendaient. Cet Athénien [Xénophon], au lieu d'aller secourir sa patrie accablée alors par les Spartiates, se vend encore une fois à un petit despote étranger, Voltaire, Dict. phil. Xénophon.
  • 10 Fig. Aliéner sa liberté morale pour de l'argent ou autres avantages. Je me privais de lui sans me vendre à personne, Corneille, Othon, IV, 3. À l'injuste Athalie ils se sont tous vendus, Racine, Athal. I, 2. Madame, lui dis-je [à la duchesse du Maine], je me suis donnée à vous, et je ne m'y vendrai pas ; Votre Altesse peut disposer de moi comme il lui plaira, Staal, Mém. t. III, p. 99. Dans tout gouvernement despotique on a une grande facilité à se vendre, Montesquieu, Esp. XV, 6. Prêt à me vendre au ministère, Pour toi je ne puis plus chanter, Béranger, Poëte de cour. Où la corruption est-elle parvenue !… Deux hommes ce matin viennent me visiter : L'un pour se vendre à moi, l'autre pour m'acheter, Delavigne, la Popularité, IV, 3.

    Se vendre à un parti, se livrer à un parti par des vues intéressées.

  • 11Se trahir l'un l'autre. Ils se sont vendus les uns les autres.
  • 12Il se dit d'une femme qui se livre pour de l'argent. Il y a telle fille qui trouve à se vendre, et ne trouverait pas à se donner, Chamfort, Max. et pensées, VI.

PROVERBES

Femme qui prend se vend.

Ce n'est pas tout que de vendre, il faut livrer, il ne suffit pas de promettre, il faut tenir, il ne suffit pas de former un projet, il faut avoir les moyens de l'exécuter.

Il ne faut pas vendre la peau de l'ours avant de l'avoir mis par terre, voy. OURS.

Marchandise qui plaît est à demi vendue.

HISTORIQUE

XIe s. E nous defendun que l'om christien fors de la terre ne vende, Lois de Guill. 41. En Saraguce sa maisnée [de Charlemagne] [il] alat vendre [trahir], Ch. de Rol. CVIII. Ainz que il moergent [meurent], il se vendrunt mult cher, ib. CXXV.

XIIe s. Vendus [il] nous a par male traïson. Ronc. p. 48. Sempres morrai, mais cher me sui venduz, ib. p. 93. Et je sui si siens quites ligement, Que tout [elle] me puet ou engager ou vendre, Couci, v.

XIIIe s. Uns homs ne se devroit jà prendre à fame qui sa char vuet vendre, la Rose, 4580. Se Tybert l'eüst atendu, Il li eüst moult chier vendu L'estrif que li chien li ont fait, Ren. 2990. Services et consaus poent bien estre vendu, mais ce ne poent ne ne doivent estre li jugement, Beaumanoir, v, 21. Jehans eust dit au vendre : je voz vent dix muis…, Beaumanoir, XXVI, 3.

XIVe s. Tel y ot qui disoit : Dieux, veilliez nous aidier ! Je croi qu'on nous voudra ce vin vendre bien chier, Guesclin. 926.

XVe s. Bataille et assaut sur mer sont plus durs et plus fors que sur terre ; car là ne peut on reculer ne fuir ; mais se faut vendre et combattre, et attendre l'aventure, Froissart, I, I, 122. Plus n'en dy, mieux vault que me taise ; Car j'en ay à vendre et revendre ; Ung chascun doit son fait entendre, Orléans, Rondeau.

XVIe s. Bien resolus de mourir vaillamment, et de vendre leur mort bien cherement, Amyot, Pélop. 19. La premiere fois qu'il fut amené pour vendre [être vendu] comme esclave à Rome, Amyot, Crass. 14. Les traistres qui vendent leur païs se vendent eulx mesmes les premiers, Amyot, Démosth. 46. Où pain faut, tout est à vendre, Cotgrave Un quartier fait l'autre vendre, Cotgrave Qui vend le pot dit le mot, Loisel, Instit. cout. III, IV, 1.

ÉTYMOLOGIE

Bourg. vanre ; wall. veind ; prov. vendre ; esp. vendere ; ital. vender ; du lat. vendere, qui est une contraction de venum-dare (voy. VÉNAL).