« vice », définition dans le dictionnaire Littré

vice

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

vice [1]

(vi-s') s. m.
  • 1Défaut, imperfection grave (ce qui est le premier sens de vitium, en latin). Vice de forme. Il y a un vice considérable dans cet acte. Il est étrange que Corneille ait senti le vice de son sujet, et qu'il n'ait pas senti le vice de sa diction, Voltaire, Comm. Corn. Rem. Théod. I, 1. En général, on peut réduire tous les vices de la musique ordinaire à trois classes principales, Rousseau, Dissert. sur la mus. mod. Ce fut un homme de grande pénétration ; personne ne saisissait plus rapidement et plus sûrement le vice d'un raisonnement, Diderot, Opin. des anc. philos. (pyrrhonisme philos.) Je remarquerai qu'ils [ces chiffres] n'ont pas le même vice que ceux qui se trouvent dans la feuille de contrôle, Déposition de Oudart, expert en écritures, dans Débats relatifs à un faux quaterne, p. 14, Paris, an VII, in-8°.

    C'est un vice de clerc, cette locution a vieilli ; on dit c'est un pas de clerc.

  • 2 Terme de médecine. Vice de conformation, mauvaise disposition d'une partie du corps.

    On dit de même : vice de constitution. Lorsqu'un enfant n'a point de vices de constitution, il doit vivre, la nature le veut, Genlis, Maison rust. t. II, p. 240.

    Un vice dans le sang, locution vague par laquelle on distingue vulgairement quelque diathèse. Le vice scrofuleux.

    Vice cancéreux, pour les uns, qualité malfaisante inhérente aux divers tissus dits cancéreux ; pour les autres, propriété de génération dans plusieurs points de l'économie, successivement ou simultanément, de nutrition énergique et de développement rapide, qui fait que ces produits déterminent la résorption des tissus normaux dont ils prennent la place.

    Terme de vétérinaire. Vices rédhibitoires, maladies ou défauts qui donnent à l'acheteur le droit de réclamer l'annulation de la vente d'un animal et de s'en faire restituer le prix. La garantie que le vendeur doit à l'acquéreur a deux objets : le premier est la possession paisible de la chose vendue ; le second, les défauts cachés de cette chose ou les vices rédhibitoires, Code civil, art. 1625.

  • 3Disposition habituelle au mal ; en ce sens il est l'opposé de vertu. Tant y a qu'après avoir rempli les limbes de ses parricides et enseigné soixante ans le vice, elle [une vieille courtisane]…, Guez de Balzac, liv. IV, Lett. 16. Quand les vices nous quittent, nous nous flattons de la créance que c'est nous qui les quittons, La Rochefoucauld, Max. au mot vices. Esprits oisifs, que le vice possède, Rotrou, Vencesl. I, 1. Mais si, toujours vous-même et toujours serf du vice, Vous ne prenez des lois que de votre caprice, Rotrou, ib. Le vice nous est naturel, Pascal, Pens. XXIV, 61 ter, éd. HAVET. Ils ne pensent jamais à Dieu ; les vices ont prévenu leur raison, Pascal, Prov. IV. Elle seule [la satire]… Va jusque sous le dais faire pâlir le vice, Boileau, Sat. IX. Un jeune homme, toujours bouillant dans ses caprices, Est prêt à recevoir l'impression des vices, Boileau, Art p. III. Le vice grossier fait horreur, Fénelon, Tél. VII. Comme les hommes ne se dégoûtent point du vice, il ne faut pas aussi se lasser de le leur reprocher, La Bruyère, les Caractères. Les vices des Romains ont vengé l'univers, Voltaire, Catilina, I, 6. La modération des grands hommes ne borne que leurs vices, Vauvenargues, Réfl. et max. 72. Il [Aristophane] attaque le vice avec le courage de la vertu, la vertu avec l'audace du vice, Chamfort, Élog. de Mol.
  • 4Disposition habituelle à faire un certain mal moral particulier. Mais craignant d'encourir vers toi le même vice [l'indiscrétion] Que je blâme en autrui…, Régnier, Sat. VIII. Les vices entrent dans la composition des vertus, comme les poisons entrent dans la composition des remèdes, La Rochefoucauld, Max. 182. On peut dire que les vices nous attendent dans le cours de la vie, comme des hôtes chez qui il faut successivement loger, La Rochefoucauld, ib. 191. Ce qui nous empêche souvent de nous abandonner à un seul vice, est que nous en avons plusieurs, La Rochefoucauld, ib. 195. Il y a des gens qu'on approuve dans le monde qui n'ont pour tout mérite que les vices qui servent au commerce de la vie, La Rochefoucauld, ib. 273. On croit n'être pas tout à fait dans les vices du commun des hommes, quand on se voit dans les vices de ces grands hommes [tels qu'Alexandre], Pascal, Pens. VI, 30, éd. HAVET. Quand les passions sont les maîtresses, elles sont vices, Pascal, ib. XXV, 104. Il n'y a point de vice qui n'ait une fausse ressemblance avec quelque vertu, et qui ne s'en aide, La Bruyère, IV. Tous les vices politiques ne sont pas des vices moraux, et tous les vices moraux ne sont pas des vices politiques, Montesquieu, Esp. XIX, 11. Il est très vrai que la société bien gouvernée tire parti de tous les vices ; mais il n'est pas vrai que ces vices soient nécessaires au bonheur du monde : on fait de très bons remèdes avec des poisons ; mais ce ne sont pas les poisons qui nous font vivre, Voltaire, Dict. phil. Abeilles. Peut-être n'avons-nous plus les mêmes défauts ; mais le nombre de nos vices n'est point diminué, Condillac, Étud. hist. III, 2. Les lois contre le jeu ont été insuffisantes, comme toutes celles qui ont pour objet, non de véritables crimes, mais des vices dangereux dont l'éducation seule peut préserver, Condorcet, Maurepas. Tous les vices sont, en général, plus exaltés dans le grand monde qu'en province, à l'exception de l'envie, Genlis, Mères riv. t. I, p. 104, dans POUGENS.

    Demi-vice, vice peu saillant. L'homme ordinaire, avec ses demi-vices et ses demi-vertus, About, Rev. des Deux-Mond. 1867, t. II, p. 68.

    Ironiquement. Ce n'est pas son vice, ce n'est pas sa vertu favorite. Il peut te dire vrai, mais ce n'est pas son vice, Corneille, Ment. v, 6.

    Il n'a qu'un vice, se dit d'un homme qui les a tous.

    Populairement, un cheval qui a du vice, un cheval rétif, trop ardent.

  • 5 Particulièrement. Habitude de la débauche, du libertinage. Une de ces régularités tardives… qui n'ont presque de la vertu que la seule impuissance d'être encore vice, Massillon, Or. fun. Villeroy. L'ordre des religieuses pénitentes… retirait du vice de malheureuses filles exposées à périr dans la misère, après avoir vécu dans le désordre, Chateaubriand, Génie, IV, VI, 2.

    Vice contre nature, la pédérastie.

  • 6Il se dit des personnes vicieuses. Flatter le vice en crédit. Châtier le vice.

    Le vice personnifié. Le vice autorisé, Le vice qui, pompeux, tout mérite repousse, Et va, comme un banquier, en carrosse et en housse, Régnier, Sat. X.

PROVERBES

Nul sans vice.

Pauvreté n'est pas vice, il ne faut reprocher à personne sa pauvreté.

Pauvreté n'est pas vice, mais c'est une espèce de ladrerie, c'est-à-dire que chacun la fuit.

Le vice l'a quitté, mais il n'a pas quitté le vice, se dit d'un homme qui conserve ses inclinations vicieuses, quoiqu'il n'ait plus le moyen de les satisfaire.

SYNONYME

VICE, DÉFAUT. Le vice est une imperfection morale grave ; le défaut est une imperfection légère, mais soit morale, soit intellectuelle. On a dit de César qu'il avait tous les vices, et pas un seul défaut.

HISTORIQUE

XIIe s. Li visce s'entrafient dezoz la semblance des vertuz, Job, p. 453. Assez distrent del roi vices [reproches] et maudichons, Du Cange, vitius.

XIIIe s. Maintes foiz li vice entrent souz le nom de vertus, Latini, Trésor, p. 366. Escharsetez [avarice] est une vice…, Ren. 191. Haus homs ne puet avoir nul vice, Qui tant li griet cum avarice, la Rose, 1155.

XVe s. Cuer sans vertu, c'est visce lait, Deschamps, Poésies mss. f° 67.

XVIe s. Nul vice sans supplices, nuls vifs sans vices, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 358.

ÉTYMOLOGIE

Cat. vici, vice, vizi ; esp. vicio ; ital. vizio ; du lat. vitium.