« éclater », définition dans le dictionnaire Littré

éclater

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

éclater

(é-kla-té) v. n.
  • 1Se briser par éclats. La branche trop pliée éclata.

    Faire explosion. La mine éclata. La bombe éclate en tombant. L'incendie avait déjà éclaté. À chaque instant il appelait et faisait répéter cette fatale nouvelle [les préparatifs de l'incendie de Moscou] ; cependant il se retranchait encore dans son incrédulité, quand, vers deux heures, il apprit que le feu éclatait, Ségur, Hist. de Nap. VIII, 6. L'attention de l'empereur était alors fixée sur sa droite, quand tout à coup, vers sept heures, la bataille éclata à sa gauche, Ségur, ib. VII, 9.

    Fig. La bombe va éclater, il va survenir quelque malencontre, quelque grand mystère va être connu.

  • 2Faire entendre un bruit soudain et violent. Le tonnerre éclata. C'est en éclatant sur nos têtes Que la foudre nous éclaira, Béranger, Orage.

    Fig. …sur eux quelque orage est tout près d'éclater, Racine, Iph. II, 8.

    Parler à très haute voix. Je l'entends de l'antichambre, il grossit la voix à mesure qu'il approche ; le voilà entré : il rit, il crie, il éclate, La Bruyère, V.

  • 3Éclater de rire, rire avec effusion et d'une manière bruyante. Ce passage pensa rompre notre entretien, car je fus sur le point d'éclater de rire de la bonté et douceur d'un brûleur de grange, Pascal, Prov. 8.

    Absolument. Éclater, rire bruyamment. De peur d'éclater à son nez, Sévigné, 20. Il en rit jusqu'à éclater, La Bruyère, V.

  • 4Manifester son ressentiment, sa colère, son chagrin, par de vives paroles, par des pleurs, par des cris. Ne crains pas toutefois que j'éclate en injures, Corneille, Cinna, IV, 6. Vous voudriez que je prisse feu d'abord contre eux, et qu'à leur exemple j'allasse éclater promptement en invectives et en injures, Molière, Impr. 3. Mademoiselle éclata en pleurs et en cris, Sévigné, 10. Darius avait enfin éclaté contre la Grèce, Bossuet, Hist. I, 8. Que, saisi d'un indigne courroux, En reproches honteux j'éclate contre vous, Racine, Alex. IV, 2. Toute la Grèce éclate en murmures confus, Racine, Andr. I, 1. Après cela, Madame, éclatez contre un traître, Racine, ib. IV, 5. Les ennemis se mirent en quartiers de fourrages, non sans force querelles d'avoir tant éclaté en menaces et de n'avoir rien pu exécuter, Saint-Simon, 40, 220.

    Absolument. Et pour peu qu'on le pousse, il est près d'éclater, Corneille, Pomp. IV, 1. … il faut qu'enfin j'éclate, Que je lève le masque et décharge ma rate, Molière, Femm. sav. II, 7. Le roi n'éclata point ; les cris sont indécents à la majesté souveraine, La Fontaine, Fabl. XII, 12. À ce propos le galant éclata, La Fontaine, Rich. Après avoir tant enduré pour votre satisfaction, je pense qu'à la fin j'éclaterai pour la mienne, Pascal, Prov. 8. Puisqu'on la pousse jusqu'à Rome, il faudra éclater malgré nous, Bossuet, Lett. quiét. 114. Moins on osait éclater, plus le mal était violent, Fénelon, Tél. XII. Ceux d'Antioche, qui haïssaient mortellement Ammonius, crurent qu'il était temps d'éclater, Rollin, Hist. anc. Œuvr. t. IX, p. 340, dans POUGENS. Terriblement Blanford éclatera, Voltaire, Prude, II, 9. À ces mots, il me fut impossible de me contenir davantage, j'éclatai, Genlis, Veillées du château, t. III, p. 404, dans POUGENS. À peine fut-elle hors de la chambre que, ne pouvant plus se contenir, elle éclata sans ménagement et sans mesure, Genlis, Mme de Maintenon, t. I, p. 40.

  • 5Se manifester d'une manière qui frappe les yeux, les esprits. … l'ire divine, Bientôt contrainte d'éclater, Dans un triste néant vous va précipiter, Corneille, Imit. II, 6. Votre faveur pour nous éclata la première, Corneille, Pomp. III, 2. Mais le plus sûr pour vous est que sa mort éclate, Corneille, Héracl. III, 4. Votre zèle pour moi visiblement éclate, Molière, l'Étour. V, 3. Une vie d'action qui éclate en événements nouveaux, Pascal, Amour. La grandeur de la foi éclate bien davantage lorsqu'on tend à l'immortalité par les ombres de la mort, Pascal, dans COUSIN. Quoique cette noce n'ait pas éclaté, Sévigné, 225. Un prodige qui a éclaté aux yeux de tout le peuple, Bossuet, Hist. II, 8. L'année d'auparavant, c'est-à-dire en 1532, le roi avait déjà épousé Anne de Boulen en secret ; elle était grosse, et il était temps d'éclater, Bossuet, Var. VII. Dis-lui par quels exploits leurs noms ont éclaté ! Racine, Andr. IV, 1. Sa reconnaissance Ne peut-elle éclater que par sa dépendance ? Racine, Brit. I, 2. Enfin l'heure est venue Qu'il faut que mon secret éclate à votre vue, Racine, Mithr. III, 1. Est-ce Dieu, sont-ce les hommes Dont les œuvres vont éclater ? Racine, Esth. II, 9. La mauvaise conduite de cette personne vient d'éclater, Massillon, Car. Médis. Le nom de ce Romain qui vainquit Mithridate, Par ses travaux guerriers a bien moins éclaté Que par la volupté tranquille et délicate Que lui fit savourer la molle oisiveté, La Fare, Ode sur la paresse. En 1661, la disgrâce de M. Fouquet ayant éclaté, le premier commis fut mis à la Bastille, D'Olivet, Hist. Acad. t. II, p. 287, dans POUGENS.

    Se produire avec violence. La conspiration éclata. On craint que la révolte n'éclate. Éclatez, mes douleurs, à quoi bon vous contraindre ? Corneille, Hor. IV, 4. Ne pouvez-vous haïr sans que la haine éclate ? Corneille, Cinna, I, 2. Mais puisque le péril a fait parler l'amour, Je veux bien qu'il éclate et se montre en plein jour, Corneille, Tois. d'or, V, 1. Ce feu longtemps caché éclata dans la conspiration d'Amboise, Bossuet, Var. 10. La vengeance devait éclater sur les Juifs, Bossuet, Hist. II, 7. Pour la veuve d'Hector ses feux ont éclaté, Racine, Andr. I, 1. Et les feux mal couverts n'en éclatent que mieux, Racine, ib. II, 2. Et ma joie à vos yeux n'ose-t-elle éclater ? Racine, Iphig. II, 2. Eh bien ! votre colère éclate avec raison, Racine, Phèd. I, 3. Cet amour si puissant, ce charme de ma vie, Dans toute son ardeur n'avait point éclaté, Voltaire, Zaïre, IV, 1.

    Faire éclater, provoquer l'explosion. Combien je vais sur moi faire éclater de haines ! Racine, Andr. III, 7.

    Faire éclater, rendre manifeste. Émilie en mourant va tout faire éclater, Corneille, Cinna, IV, 7. Les rebelles font éclater la puissance, Bossuet, Hist. II, 13. Il a fait à son tour éclater sa bonté, Racine, Alex. III, 3. Ce zèle que pour lui vous fîtes éclater, Racine, Esth. III, 1. Dieu faisait éclater aux yeux du peuple cette communication, Bossuet, Hist. II, 4. Souffrez quelques froideurs sans les faire éclater, Racine, Brit. I, 2.

  • 6Frapper par l'intensité de la lumière. Le soleil éclatait au haut du firmament. L'or éclate dans sa parure. Le plumage éclate de brillantes couleurs. Jamais en son habit doré Tant de richesses n'éclatèrent, Malherbe, IV, 5. Éclater de satin, de perles, de rubis, Régnier, Sat. XII. Quoi ! pour voir sur sa tête éclater ma couronne, Corneille, Pomp. II, 4. L'or éclate en ses vêtements, Racine, Esth. II, 9. Le feu divin qui éclatait dans ses yeux, Fénelon, Tél. X. Les habits [de Mentor devenu Minerve] éclatent comme les vives couleurs dont le soleil en se levant peint les sombres voûtes du ciel, Fénelon, ib. XXIV. Dieu d'un sourire a béni la nature ; Dans leur splendeur les cieux vont éclater ; Reviens, ma voix, faible mais douce et pure : Il est encor de beaux jours à chanter, Béranger, le Malade.

    Fig. Mais il est mort, madame, avec toutes les marques, Dont éclatent les morts des plus dignes monarques, Corneille, Pomp. V, 3. Une soudaine joie éclatant sur son front, Corneille, Hor. I, 1. La joie qui éclatait malgré elle sur son visage, Fénelon, Tél. I. Les plaisirs éclataient sur leurs visages, Fénelon, ib. IV. Madame de Castries avait une physionomie qui éclatait d'esprit et qui tenait encore plus parole, Saint-Simon, 42, 252.

    Faire éclater, donner de l'éclat. Allons faire éclater sa gloire aux yeux de tous, Corneille, Poly. II, 6. Dieu choisit cette maison pour y faire éclater sa puissance, Pascal, Mir. 9. Dieu se plut à faire éclater la gloire de ses martyrs, Bossuet, Hist. I, 11. Les héros qui ont fait éclater leur courage dans les combats, Fénelon, Tél. XI.

  • 7 V. a. Briser en éclats. Prenez garde de trop baisser cette branche, de peur de l'éclater, La Quintinye, Jardins, dans RICHELET.

    Terme de jardinage. Séparer les racines ou les pousses d'une plante, de manière à la multiplier.

    Terme d'orfévrerie. Enlever l'émail qui ornait une pièce d'or.

  • 8S'éclater, v. réfl. Se briser en éclats. Le mât, chargé de voiles, s'éclata. De ces dards joints ensemble un seul ne s'éclata, La Fontaine, Fabl. IV, 18.
  • 9S'éclater, faire explosion. C'est alors que ses cris en tonnerres s'éclatent, Malherbe, I, 4.

    S'éclater de rire, et, absolument, s'éclater, faire de grands rires. En ce beau saut m'éclatant comme un fou, Régnier, Sat. X. La surprise est cause qu'on s'éclate de rire, Descartes, Pass. 178. Le premier qui les vit de rire s'éclata, La Fontaine, Fabl. III, 1. Les nonnains s'éclatent de rire, La Fontaine, Tabl. Quand je vins à une Latone de bois qui était très mal faite, je m'éclatai de rire, Fontenelle, Parmenisque, Théocr. de Chio.

    Archaïque et inusité en l'emploi du n° 9.

REMARQUE

Éclater se conjugue avec l'auxiliaire avoir, quand on veut marquer l'action : l'arbre a éclaté sous mes yeux ; avec l'auxiliaire être, quand on veut marquer l'état : l'arbre est éclaté depuis ce matin.

HISTORIQUE

XVIe s. J'ay cuydé demourer pour une chuste que je feiz, où je m'esclatay la peau dessus le genoul de près d'un empan, Marguerite de Navarre, Lett. 47. À ces motz tous les venerables dieux et deesses s'esclaterent de rire, Rabelais, Pant. Prol. nouv. Nous entendismes en l'aer ung son hault et strident, comme si quelque groz chesne esclattoyt en deux pieces, Rabelais, ib. V, 16. Si le bruit esclatant d'une arquebusade vient à me frapper les aureilles, Montaigne, I, 50. Un accoustrement riche, et de couleur esclatante, Montaigne, III, 174. Gaigner une bresche, regir un peuple, ce sont actions esclatantes, Montaigne, III, 263. Lors la cholere esclate touts ses efforts à la premiere charge, Montaigne, III, 351. À la fin, à force de tirer [ses chausses], il esclata [déchira] tout, Despériers, Contes, XXIX. Contre-fente se fait quand l'os est fracturé, fendu ou esclaté autre part qu'à…, Paré, VIII, 1. La fouldre n'esclate jamais la nue pour se lancer çà bas, qu'il ne…, Paré, IX, 2e disc. Lors le fer devenoit si aigre et si esclatant, que l'on ne le pouvoit plus battre ne forger, Amyot, Lyc. 13. Et si avoit sa voix un vigueur et fermeté telle, qu'elle ne se rompoit ny ne s'esclattoit jamais, Amyot, Cat. d'Ut. 9. [Le vent] Fait ores esclater les rives d'un grand bruit, Ronsard, 278. Je voy l'esclair du bel acier des armes Sous le soleil s'esclatter jusqu'aux cieux, Ronsard, 981.

ÉTYMOLOGIE

Wallon, sklaté ; provenç. et catal. esclatar ; de l'anc. haut allem. skleizân, rompre ; allem. mod. schleissen, schlitzen (la diphthongue ei de l'anc. haut-allem. correspond d'ordinaire à l'a français). Diez y rattache l'italien schiantare (avec une n parasite, comme dans lontra, loutre), mettre en pièces ; sicil. scattari. On comprend comment le sens de se rompre en éclats a passé par une métaphore aussi bien au sens de bruyant qu'au sens de brillant, le son qui se fait entendre, la lumière qui brille étant comme un éclat qui va frapper les oreilles ou les yeux. L'ancien français avait esclate, race, extraction ; celui-là vient de l'ancien haut allemand slahta, race ; allem. Geschlecht.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

ÉCLATER. - HIST. Ajoutez : XVe s. Pour ce que les manches de chesne estoient trop esclatans, Mantellier, Glossaire, Paris 1869, p. 29.