« bénir », définition dans le dictionnaire Littré

bénir

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

bénir

(bé-nir) v. a.
  • 1Consacrer au culte, au service divin avec certaines cérémonies. Bénir une église, bénir un cierge, bénir des drapeaux, un vaisseau, une cloche, une locomotive.

    Bénir des époux, un mariage, consacrer l'union conjugale suivant le rite religieux.

    Bénir un abbé, une abbesse, les installer dans leur dignité avec les cérémonies ecclésiastiques et en disant certaines prières.

  • 2Bénir les assistants, faire sur eux le signe de la croix.
  • 3Appeler sur quelqu'un les bénédictions du ciel. Il a béni ses enfants à son lit de mort. Sa dernière prière a béni nos tendresses, Voltaire, Tancrède, V, 3.
  • 4Donner des bénédictions, appeler le bonheur sur, louer. Bénir le Seigneur. Partout, en ce moment, on me bénit, on m'aime, Racine, Brit. IV, 3. Les Parthes à la foule, aux Syriens mêlés, Bénissent à l'envi le prince et Rodogune, Corneille, Rodog. V, 2. De mon nom, s'il se peut, bénissez la mémoire, Voltaire, Alz. V, 7.

    Il se dit aussi des choses qui causent une profonde satisfaction. Nous autres bénissons notre heureuse aventure, Corneille, Poly. V, 6. De bénir mon trépas quand ils l'ont prononcé, Racine, Baj. I, 2. Chacun devait bénir le bonheur de son règne, Racine, Brit. III, 8. Trop heureux en mon mal, je bénis ma défaite, Régnier, Élég. v.

  • 5Combler de faveurs, en parlant du ciel. Ce ne lui est rien [à Louis XIV] d'être l'homme que les autres hommes admirent : il veut être, avec David, l'homme selon le cœur de Dieu ; c'est pourquoi Dieu le bénit, Bossuet, Marie-Thér. Roi dont le ciel a toujours béni les armes, Fléchier, Dauph. Le ciel daigne bénir votre sceptre et vos jours, Corneille, Héracl. V, 3. Ces Juifs dont vous voulez délivrer la nature… Ont vu bénir le cours de leurs destins prospères, Racine, Esth. III, 4.

    Dieu vous bénisse ! Locution dont on se sert quelquefois en s'adressant à un pauvre à qui on n'a rien à donner. On le dit aussi ironiquement à quelqu'un dont les discours ou la conduite nous contrarient. On le dit enfin en s'adressant à une personne qui éternue. Eh ! parbleu ! je dirai à celui qui éternue : Dieu vous bénisse, et : va te coucher, à celui qui bâille, Beaumarchais, Barbier de Sév. III, 5.

REMARQUE

Malherbe a dit : Béni les plaisirs de leur couche, II, 4 ; au lieu de bénis, à l'impératif. C'est une forme légitime (l's n'appartenant pas étymologiquement à l'impératif), mais archaïque, qui pourtant pourrait être employée en vers pour la rime.

HISTORIQUE

XIe s. Et l'arcevesque de Deu les beneïst, Ch. de Rol. LXXXVII. [Il] Ne laisserat que [il] nous ne beneïsse, ib. CXLI. Et li evesque les ewes beneïssent, ib. CCLXVIII.

XIIe s. Quant vous aurai asous [absous] et beneïs, Ronc. p. 56. Beaux fils Malprimes, Mahons vous beneïe, ib. p. 126. Cil vous beneie qu'en [qui en] la croiz fut penez, ib. p. 203. Benoet soit li hardemens Où j'ai pris si bon espoir, Couci, XI. E là remest [il demeura] treis meis, e nostre sire benesquid Obededom et sa maisun, Rois, 140. E Joab, à ces paroles, chaï à terre e aürade benesquid le rei, Rois, 170.

XIIIe s. S'en vont vesque et abbé pour le lit beneïr, Berte, XII. [De Dieu] Soit vostre ame et la seue [sienne] en cest jour beneïte, ib. LIX. L'eure soit beneoite que je onque vous vi, ib. LIX. Et car me secourez, mere [de] Dieu beneoite, ib. XXIX. De Dieu et de saint Beneoist Puissent-il estre beneoist, la Rose, 14940. Beneoite soit esperance Qui les amans ainsinc avance ! ib. 2641. Note que femes qui segondes fois se marient, ne devent pas estre benoittes de provoire [prêtre], Liv. de Just. 220. Si en apelons le [la] benite virge Marie, qui mix [mieux] et plus hardiement vient prier son chier filz que nus autre, Beaumanoir, 15. L'evesques Pierre de Chaalons, que Diex absoille, les chassa touz deux, et beneÿ en abbé Mons Jehan de Mymeri, et li dona la croce, Joinville, 291. Amer Dieu et loer, veoir et beneïstre, C'est l'office des anges qui sont nostre menistre, J. de Meung, Test. 113.

XIVe s. Si me semble que nous devons beneyr et louer le roy du ciel qui a son peuple pourveu de tel roy terrien, Oresme, Prol. Aussi tost qu'aprouchiez furent de la clergie, Descendirent à pié trestuit à une fie ; à l'evesque s'en vont, qui tous les beneïe, Guesclin. 8789.

XVe s. S'attendoient que on portast la croix et l'eau benoiste au-devant, Commines, IV, 6. Il se tenoit près du benoitier, et, quand elle fut près, il lui bailla de l'eau benoite, Louis XI, Nouv. XLIV.

XVIe s. Ceste semence en laquelle toutes gens devoyent estre benites, à parler proprement, est Christ, Calvin, Instit. 250. Vous, messire Oudart, ne faillez y comparoistre en vostre beau suppelliz et estolle, avecques l'eaue beniste, comme pour les fianser, Rabelais, Pant. IV, 12. L'homme tel, Dieu le benira, Marot, IV, 265. Dont, sans fin, roy tant magnifique, Partout on benira, Marot, IV, 299. Bacchus alors chappeau de treille avoit Et arrivoit pour benistre la vigne, Marot, II, 352. Et quand jecté eurent de l'eau benie Sur leurs habits en grand cerimonie, Marot, IV, 32. Du pain benist, du pain d'espice, Marot, I, 211. D'où vient cette coustume de benir ceulx qui esternuent ? Montaigne, IV, 1. Le Seigneur vous benie, Palissy, 112. Messeigneurs d'Orleans et d'Angoulesme, voz très heureusement nez enfans, que Dieu benie, Amyot, Épît. Les femmes alloient chantant des cantiques à sa louange, en le benissant de ce qu'il avoit si vertueusement vescu, Amyot, Lyc. 55. Il estoit publiquement loué, beneit et honoré de tout le monde, Amyot, P. Aem. 57. De l'eauve [eau] beniste le plus petit est assez, Génin, Récréat. t. II, p. 237.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. benezir, benesir, bendir ; catal. beneir ; espagn. bendecir ; portug. benzer ; ital. benedire ; du latin benedicere, de bene, bien (voy. BIEN, adv.), et dicere (voy. DIRE).

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

BÉNIR. Ajoutez :
6Bénir de, accorder comme bénédiction. Jouissez en paix de la fortune dont la Providence a béni votre travail, Rousseau, Lett. à Rey, août 1766.

HISTORIQUE

XVIe s. Ajoutez : Si les princes sont touchez de veoir le monde benir la memoire de Trajan et abominer celle de Neron, Montaigne, III, 26.