« débattre », définition dans le dictionnaire Littré

débattre

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

débattre

(dé-ba-tr'), je débats, tu débats, il débat, nous débattons, vous débattez, ils débattent ; je débattais ; je débattis ; je débattrai ; je débattrais ; débats, qu'il débatte, débattons ; que je débatte, que nous débattions ; que je débattisse ; débattant ; débattu.
  • 1Se débattre, v. réfl. S'agiter vivement, faire de grands efforts pour résister, pour se dégager. Quoique la victime se débatte devant les autels, Bossuet, II, Annonc. 3. Je l'ai vu dans leurs mains quelque temps se débattre, Racine, Androm. V. 3. Le poisson commença à faire quelques mouvements et à se débattre à ses pieds, Sacy, Bible, Tobie, VI, 4.

    Fig. Les papes se sont débattus contre l'authenticité de ce canon, Voltaire, Phil. III, 377. Les sauvages se débattent fort peu contre la mort, Rousseau, Ém. II. On ne lui répondit pas [à l'empereur] ; il était évident qu'il ne cherchait pas de conseils ; on voyait qu'il s'était tout dit à lui-même, qu'il se débattait contre ses propres réflexions, et que, par ce torrent de conjectures, il cherchait à s'en imposer et s'efforçait d'entraîner ainsi dans ses illusions les autres et lui-même, Ségur, Hist. de Napol. VI, 5.

  • 2Se débattre, avoir un débat avec quelqu'un. Ils se sont longtemps débattus entre eux.

    Fig. Se débattre de la chape à l'évêque, disputer à qui appartiendra une chose que n'a ou n'aura aucun de ceux qui se la disputent.

  • 3 V. a. Lutter pour, disputer, contester. Il faut débattre encore une palme gagnée, Tristan, Mort de Chrispe, III, 2. Cet heur injustement lui serait débattu, Et le grade éminent est peu pour sa vertu, Rotrou, Bélis. II, 7. Le Thermodon a vu seoir autrefois Des reines au trône des rois ; Mais que vit-il par qui soit débattu Le prix à ta vertu ? Malherbe, III, 4. Ce titre [d'hommes pieux] par aucun ne leur est débattu, Molière, Tart. I, 6.

    Se dit de deux ou plusieurs personnes qui soumettent une chose, un point à une contestation. Débattre le prix d'un objet. Débattons d'abord ce point. Il faut débattre les faits. Les autres peuples intéressés y envoyèrent aussi leurs députés, et l'affaire fut débattue devant le peuple, Rollin, Hist. anc. Œuvres, t. V, p. 502, dans POUGENS. … Avant que de nous battre, Messieurs, il est un point qu'il est bon de débattre, Collin D'Harleville, M. de Crac, sc. 22.

    Absolument. Avoir une contestation. Et bien qu'avec les dieux on ne doive débattre…, Régnier, Élég. 1. Je l'empêche, on débat, et je fais tellement Qu'enfin il se réduit à son bannissement, Corneille, Médée, I, 1. Amusez-le du moins à débattre avec vous, Corneille, Nicom. V, 5.

    Se débattre, v. réfl. Être débattu. Cette question se débat en ce moment.

    PROVERBE

    Il se débat comme un procureur qui se meurt [qui a peur d'être damné].

REMARQUE

Le sens propre, ne s'étant conservé que dans la forme réfléchie, a obligé de mettre cette forme la première ; puis de faire suivre la forme active qui est un sens dérivé et figuré.

SYNONYME

DÉBATTRE, DISCUTER. Comme débattre est composé de battre, il implique quelque chose de violent qui n'est pas dans discuter. Débattre suppose plus de chaleur et d'emportement ; discuter plus de réflexion. Aussi débattre ne se dira guère des choses générales, des causes théoriques qui émeuvent peu ; c'est discuter qui y convient. Mais il se dira des questions et des causes qui touchent et qui passionnent. Une discussion peut être froide ou languissante ; des débats sont toujours animés.

HISTORIQUE

XIIIe s. Li faucon qui ont tout enduit Se debattent pour la riviere, l'Escoufle. Neis Tulles, qui mist si grant cure En cerchier secrés d'escripture, Ne pot tant son engin debatre Qu'onc plus de trois pere [paires] ou de quatre…, la Rose, 5423. Quant j'oi [j'eus] Raison bien entendue Qui pour noient s'est debatue : Dame, fis-ge…, ib. 4374. Et por ce ne doit nus estre oys en debatre testament, s'il ne sont damacié par le fet du testament, Beaumanoir, XII, 16. Debatre [ils] poent le [la] justice, et convient qu'autres juges lor soit bailliés, Beaumanoir, XXXIV, 34. Et adont, se le [la] partie qui fist ajorner veut debatre tantost et dire…, Beaumanoir, XII, 66. La sisime [sixième] maniere de proeve, si est quant aucunes raisons sont proposées en cort, et eles ne sunt niées ne debatues de parties, Beaumanoir, XXXIV, 9. Devant qu'il fet cel serement, il n'est pas à rechevoir, se partie le debat, Beaumanoir, V, 2. Li chevaliers debati que li escuiers n'eust pas tel capel, ne glaive, ne escu, Beaumanoir, LXI, 63. Et tant que une chance fu un jour debatue, Le senateur lui dit que il l'avoit perdue, Jubinal, Jeu de dez, t. II, 233.

XIVe s. Qui plus demandera, nous le debatterons ; Et qui nous assaudra nous nous defenderons, Guesclin. 21451. Vostre conseil pas [je] ne debat, Ains le vueil du tout acomplir, J. Bruyant, dans Ménagier, t. II, p. 34.

XVe s. Quoi que je die ni monstre en ce parlement, quand tous les navieurs seront venus et Jean Lyon fera sa demande, si la debatez, et je me feindrai, Froissart, II, II, 52. Et se debatoit à soy-mesmes s'il yroit ou non, Commines, I, 3.

XVIe s. [Jupiter] De son grand chef fit bransler et debatre L'horrible poil, duquel, par son pouvoir, Fait terre et mer et estoilles mouvoir, Marot, IV, 21. Mon cueur, pourquoi t'esbahis ores ? Pourquoi te desbats dedans moi ? Marot, IV, 286. .. qui me fit la supplier mettre la main sur mon cœur, pour voir comme il se desbattoit… il se print à desbattre et tourmenter si fort, qu'elle sentoit que je disois verité, Marguerite de Navarre, Nouv. LVII. Nous voyons les chevaux hennir et se desbattre en songe, Montaigne, I, 101. Il amusa ainsi tout un jour ce sot à desbattre, Montaigne, I, 146. Sur la jalousie de leur apprentissage, ils [les rossignols] se desbattent à l'envy, d'une contention si courageuse que par fois le vaincu demeure mort, Montaigne, II, 174. Un musicien contre lequel il desbattoit de son art, Montaigne, I, 289. C'est religion de debattre des ordonnances d'Aristote, Montaigne, II, 284. On veoid jusques aujourd'huy les dieux de la medecine se debattre de nostre anatomie, Montaigne, II, 317. Il falloit que l'on recourust tousjours aux juges, et que presque toutes questions fussent debatues devant eulx, Amyot, Solon, 31. Mais quand le sentiment du feu fut passé jusques à la chair vifve, adonc commencerent les bœufs à se debatre, et à secouer leurs testes, Amyot, Fab. 17. Ils apperceurent sur le rivage le roy Dejotarus, qui se debatoit à leur faire signe qu'ilz le receussent aussi, Amyot, Pomp. 104. Personne ne debat que le vice soit à eviter et à haïr sur toutes choses, Charron, Sagesse, II, 3. Puisque j'ay ce point, qui ne me peut estre debatu, Cholières, Contes, t. I, Matinée 8. Tout bien debatu, se trouvera qu'il n'y a rien dissemblable pour ce regard, Noel du Fail, Contes d'Eutrap. ch. 22.

ÉTYMOLOGIE

Dé… préfixe, et battre ; provenç. desbatre, debatre ; espagn. debatir ; portug. debater ; ital. dibattere. Le sens propre est battre de çà et de là, sens conservé uniquement dans le verbe réfléchi.