« décliner », définition dans le dictionnaire Littré

décliner

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

décliner

(dé-kli-né) v. n.
  • 1S'écarter en un sens ou un autre d'un point fixe, d'une ligne fixe. Plusieurs causes peuvent faire décliner vers le sud ou vers l'est un courant d'air, Raynal, Hist. phil. V, 10.

    Terme d'astronomie. S'éloigner de l'équateur, en parlant d'un astre.

    Terme de physique. S'écarter du nord vrai, en parlant de l'aiguille aimantée.

  • 2 Fig. Pencher vers son déclin, vers sa fin. Après avoir fait ce chemin, on décline misérablement, Pascal, dans COUSIN. Mais enfin à son tour leur puissance décline, Racine, Brit. V, 3. Gênes déclina de jour en jour et Venise s'éleva, Voltaire, Mœurs, 74. Depuis qu'ayant passé l'âge mûr, je décline vers la vieillesse, Rousseau, Conf. I. Mon bonheur, grâce à vous, est à son comble ; puisse-t-il ne jamais décliner ! Rousseau, ib. VI. M. de Lagrange est jeune, et je suis presque vieux ; son ardeur est naissante, et la mienne décline, D'Alembert, Lett. au roi de Prusse, 11 juillet 1766. Tes jours, sombres et courts comme les jours d'automne, Déclinent…, Lamartine, Médit. I, 6.
  • 3 V. a. Terme de procédure. Ne pas reconnaître. Décliner une juridiction. Charles 1er déclina la compétence de la cour, et, la tête couverte, parla en roi, Chateaubriand, Stuarts, 221. Les mœurs exercent une espèce de justice que personne ne peut décliner, Raynal, Hist. phil. XIII, 57.

    Fig. Écarter, éloigner, éviter. Il déclina l'honneur qu'on voulait lui faire.

  • 4 Terme de grammaire. Faire passer un nom, un pronom, un adjectif par tous ses cas et flexions.

    Fig. Décliner son nom, dire qui l'on est. J'aimerais mieux encor qu'il déclinât son nom, Et dît : je suis Oreste ou bien Agamemnon, Boileau, Art p. III.

    Fig. Décliner son nom, s'est dit autrefois pour se faire respecter, en imposer. Elle [la Thrace] fut autrefois régie Par Lycurgue, homme de renom, Qui savait décliner son nom, Scarron, Virg. trav. III.

    Les anciens ont dit, et D. de Tracy a proposé de dire décliner un verbe pour le faire passer par toutes les formes rangées dans l'ordre des temps ou des modes.

  • 5Se décliner, v. réfl. Être écarté, évité. De pareilles propositions se déclinent difficilement.

    Subir les flexions de la déclinaison. En latin, les noms de la première déclinaison se déclinent sur rosa. Dans l'ancien français roi, homme, empereur se déclinaient ainsi : nominatif singulier, li rois, li hom, li emperere ; régime singulier, le roi, l'homme, l'empereor ; nominatif pluriel, li roi, li homme, li empereor ; régime pluriel, les rois, les hommes, les empereors.

    Dans le français actuel, se décliner s'est dit souvent, mais abusivement, puisque les cas n'y existent pas, des prépositions à et de placées devant les noms, soit seules, soit en combinaison avec l'article. Voilà qui se décline : ma rente, de ma rente, à ma rente, Molière, F. sav. III, 2.

HISTORIQUE

XIe s. Quand veit li reis le vespre decliner, Ch. de Rol. CLXXV. Ci faut la geste que Turoldus decline [récite], ib. CCXCIII.

XIIe s. Li jors prist à decliner, Ronc. p. 8. Ne desturner tu ta face de mei, e ne decliner tu en ire de tun serf, Liber psalm. p. 32. Quant li dous estés decline, Que [je] voi faillir foille et flour, Chrestien de Troyes, dans HOLLAND.

XIIIe s. Lor mestier defaut et decline ; Li plusor vivent de rapine, Rutebeuf, II, 244. Il ne surent dont il [ce mot] venoit, Ne comment il se declinoit, Bat. des sept arts. Maudit sunt cil qui declinent de tes comendemenz, Psautier, f° 146.

XIVe s. Et quant vient au fait, il n'ensuit pas ce bon jugement, mais decline et ensuit ses malvès desiries, Oresme, Éth. 32. Et pour ce s'ensuit que eulx declinent à vivre selon delettacions corporelles, Oresme, ib. 109. Et ceulz qui declinent plus à mal, il sont les pires, Oresme, ib. 208. Car un secours s'en va aux païens empietrer Tel que se Dieux n'en pense qui se laissa pener, Que la chrestienté en fera decliner, Guesclin. 15209. Là veïst-on forment ceulx de çà decliner, La bataille eslongier et eulx desordener, ib. 6217.

XVe s. Car en pluisours lieux on decline [répète], Que toute joie et toute honnours Viennent et d'armes et d'amours, Froissart, Espinette amour. Ne declinez pas aux enchanteurs, et n'enquerez aucunes choses aux devins, Monstrelet, liv. I, ch. 47. Discretion tient le droict chemin royal, sans decliner à dextre de dissimulation ou à senestre de sedition, Gerson, Harengue au roi Charles VI, p. 19.

XVIe s. Le coup declina à droict par la brusque hastiveté de Pantagruel, Rabelais, Pant. II, 29. Pantagruel, qui estoyt soubdain au remuement, declinoyt tous ses coups, Rabelais, ib. II, 29. Declinez de leur voye, ne soyez à eulx semblables, Rabelais, ib. III, 21. Quant en la France une dame decline, Elle resigne aux jeunes le deduyt : Se retirer est bon quand il est nuyct, Marot, J. V, 216. Nostre langue se decline, si non par les noms, etc. pour le moins par les verbes, Du Bellay, J. I, 11, verso. L'esprit humain est facile à decliner en toutes especes d'erreurs, Calvin, Instit. 29. Tous ont decliné, et ont esté faits quasi comme pourris, Calvin, ib. 208. Un bon mari, d'autant qu'il est plus fidele et loyal, est d'autant plus courroucé s'il voit sa femme decliner à quelque paillard, Calvin, ib. 286. Decliner quelque nom vulgaire, ou conjuguer un verbe, Calvin, ib. 872. Les juges ne doivent decliner en une partie ni en l'autre, Calvin, ib. 1198. En la conduite de Dieu on ne decline jamais de la droite voye, Calvin, ib. 1199. Prevoyant que ce commencement de maladie declineroit ayséement en un exsecrable atheïsme, Montaigne, II, 137. Cette liberté decline vers l'indiscretion, Montaigne, III, 54. Mais quelque jour viendra ce dernier jugement, Que roy, ny magistrat, ny juge aucunement Ne pourront decliner, Du Bellay, J. VIII, 36, recto. Et alloit ainsi gaignant le temps pour attendre que le soleil declinast après midy, Amyot, P. Aem. 29. La force des maladies decline à mesure que la vigueur naturelle des corps malades va decroissant, Amyot, Philop. 30. Philopoemen se feit renommer par ses faicts lors que la Grece commenceoit à decliner et dechoir, Amyot, Flamin. et Philop. 3. Sertorius, en declinant la bataille et fuyant devant luy, avoit sur luy tous les avantages qu'ont ceulx qui chassent leurs ennemis après les avoir rompus, Amyot, Sertor. 17. Dubourg, ayant decliné de ses commissaires par le privilege des conseillers de la Cour, et depuis par celuy de conseiller d'Eglise, fut debouté de l'un et de l'autre, D'Aubigné, Hist. I, 84.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. et espagn. declinar ; ital. declinare ; du latin declinare, de de, et clinare, faire pencher (voy. CLIN).

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

DÉCLINER. Ajoutez : - REM. La Grammaire des grammaires dit que l'Académie prononça le 3 juin 1679 : « La règle est faite ; on ne déclinera plus les participes présents. » Autrefois, où l'on assimilait la langue française à la langue latine, on parlait de déclinaisons pour les substantifs et les adjectifs. Aujourd'hui l'on ne dit plus décliner, en parlant des mots français que l'on met au pluriel ; et l'on exprimerait la pensée de l'Académie ainsi : on n'accordera plus les participes présents.