« entamer », définition dans le dictionnaire Littré

entamer

Définition dans d'autres dictionnaires :

Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

entamer

(an-ta-mé) v. a.
  • 1Couper le premier morceau, commencer à prendre une partie d'une chose. Entamer un pain, une pièce de drap, un sac d'argent. Le général ne se presse pas d'y aller, de peur d'entamer trop tôt nos magasins, Maintenon, Lettre au duc de Noailles, 22 mai 1711. Il n'entama point le fonds de son patrimoine qu'il conserva pour ses héritiers naturels, Genlis, Mlle de la Fayette, p. 26, dans POUGENS.
  • 2 Par extension, couper en incisant. Entamer la peau. Le coup lui entama l'os. C'est un coup de hache qui n'a fait qu'entamer l'armet, Perrot D'Ablancourt, Arrien, livre I, dans RICHELET.

    En parlant d'une gerçure. Il a des engelures qui lui entament les doigts.

    Fig. Faire impression sur. Alors que de sa voix Il entama les cœurs des rochers et des bois, Régnier, Plainte. De l'un [dard] il [l'Amour] entama Le soldat jusqu'au vif, l'autre effleura la dame, La Fontaine, Matr. d'Éph.

  • 3Porter atteinte à. Entamer la réputation, le crédit de quelqu'un… D'un trait envenimé Toujours l'honneur du sexe est par vous entamé, Regnard, Distrait, I, 6. Il est proscrit, déclaré détestable, Abominable, atteint et convaincu D'avoir tenté d'entamer la vertu Des saintes sœurs…, Gresset, Vert-Vert, IV.
  • 4Entamer quelqu'un, entreprendre sur ses droits, empiéter sur sa charge.

    Entamer quelqu'un, avoir de l'avantage sur lui. Les députés de l'opposition ne se laissèrent pas entamer par le ministère.

    Faire capituler quelqu'un avec son devoir. Il n'est pas facile de l'entamer.

    Pénétrer les vœux, les sentiments secrets de quelqu'un. Il est impénétrable, on ne peut l'entamer. Il [le maréchal ferrant qui avait eu des révélations] ne se laissait point entamer sur les audiences qu'il avait eues du roi, Saint-Simon, 68, 124.

  • 5 Terme de guerre. Entamer un carré, un corps de troupes, commencer à le rompre, à le faire fléchir ; détruire une partie de sa ligne de bataille.
  • 6Commencer. Entamer une discussion. Entamer un procès. Il entame une autre dispute, Sévigné, 614. Il l'attaqua de cette manière pour entamer le sujet, Hamilton, Gramm. 4. Le concile se garda d'entamer la question si l'empereur devait confirmer l'élection du pape, Voltaire, Mœurs, 47. Le même poëte qui, pour célébrer l'éloge d'Apollon, avait mis son esprit dans une assiette tranquille, s'agite avec violence lorsqu'il entame l'éloge de Bacchus, Barthélemy, Anach. ch. 80. Elle entama cette dangereuse explication en termes assez mesurés, Genlis, Mlle de la Fayette, p. 292, dans POUGENS.

    Absolument. Personne à la cour ne veut entamer, on s'offre d'appuyer, La Bruyère, VIII.

  • 7 Terme de manége. Entamer le chemin, se mettre en marche. Les chevaux entament le chemin, en galopant, par la jambe droite de devant, qui est plus avancée que la gauche, Buffon, Cheval.

    Absolument. Commencer une allure. Dans toutes les allures où les pieds se meuvent isolément, c'est toujours un pied de devant qui entame. Entamer du pied droit, du pied gauche, se dit pour désigner le pied que le cheval pose en avant quand il commence à galoper.

    Entamer un cheval, lui donner les premières leçons.

  • 8S'entamer, v. réfl. Se faire une incision, une coupure. Le vieillard… De nouvelles fureurs se déchire et s'entame, Malherbe, 1, 4.

    Être commencé. C'est ainsi que tout s'entame et que rien ne s'achève, par un fol orgueil, dont l'influence fatale se répand sur toutes les branches de l'administration, Raynal, Hist. phil. XII, 7.

HISTORIQUE

XIIe s. Jà par cop d'arme [le haume] ne sera entanpnez, Roncisv. p. 36. E ne suffrid pas que oisels entamassent les cor de jurs, ne les bestes de nuiz, Rois, p. 202.

XIIIe s. Li fromaches fu auques mox [un peu mou], Et Tiercelins i fiert grans cox [coups] De son bec, si que il l'entame, Ren. 7251. Mais se cil ribaut m'entamast L'espaule, ou ma teste eüst quasse…, la Rose, 14694. Et si m'en convient il à force Entamer ung poi de l'escorce, ib. 21982. Et ainsi pot estre li ples [procès] entamés entre les parties, Beaumanoir, VII, 13. Ne porquant se la jornée est entamée ne tant ne quant, il doit paier toute le [la] jornée entiere, Beaumanoir, XXXVIII, 4. Tant vous ama [Dieu], Dame des angles [anges] vous clama ; En vous s'enclost, ainz n'entama Vo dignité ; N'en perdites virginité, Rutebeuf, II, 4. Si comme en la verriere Entre et reva arriere Li solaus que n'entame [sans entamer], Ainsinc fut vierge entiere, Quant Dieux, qui es cieux iere [était], Fist de toi mere et dame, Rutebeuf, Théoph. Se pitié vostre cuer n'entame, Bien m'ont trahi Li œil dont je premiers vous vi, Salut d'amors, Jubinal, t. II, p. 263.

XIVe s. Par la mort qui tout met à fin, Et qui nos cars [chairs] mort et endame, Jean de Condé, p. 104. Contusions où le cuir n'est pas entamé par dehors, H. de Mondeville, f° 35.

XVe s. Ce traité fut entamé et mis avant, Froissart, I, I, 115.

XVIe s. De quelle prudence il [le chien] l'entomme [l'os], de quelle affection il le brise, et de quelle diligence il le sugce, Rabelais, Garg. I, prol. La fouldre consumera les os sans entommer la chair qui les couvre, Rabelais, Pant. III, 33. Pour enguarder les chastagnes de peder, l'on les entame, Rabelais, ib. II, 31. Il faust que la necessité vous prenne à la gorge pour l'entamer [votre trésor], Montaigne, I, 316. Il ne vouloit pas que l'on parlast aucunement des meschans, se donnant bien garde d'en entamer jamais le propos, Amyot, Caton, 52. Aucuns n'entament leurs vins que le jour du vendredi, De Serres, 243.

ÉTYMOLOGIE

Berry, entenmer, entamer, entomer ; wall. edamer ; nam. èdaumer ; rouchi, adamer ; provenç. entamenar ; piémont. antamnà ; du latin attaminare, mettre la main sur quelque chose, prendre. Diez, qui préfère cette étymologie au grec ἐντέμνειν (comment en effet ce mot grec serait-il entré dans les langues romanes ?), et au celtique tam, mordre, remarque que les langues romanes changent non rarement le préfixe d'un mot latin : ainsi dans con-vier, venant de in-vitare, cum, au lieu de in. Le celtique (bas-breton, tam ; écossais, teum, irl. teuman) conviendrait plus directement au sens ; mais les formes entamenar du provençal, entanpner du français, semblent indiquer le latin. On remarquera endamer de J. de Condet qui était du Hainaut, et les patois voisins du Hainaut qui ont aussi le d. Ce d ne peut guère s'expliquer que par une confusion avec dam, dommage.