« fendre », définition dans le dictionnaire Littré

fendre

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

fendre

(fan-dr'), je fends, tu fends, il fend, nous fendons, vous fendez, ils fendent ; je fendais ; je fendis ; je fendrai, je fendrais ; fends, fendons ; que je fende, que nous fendions ; que je fendisse ; fendant ; fendu v. a.
  • 1Diviser un corps dur ou résistant dans le sens de sa longueur. Fendre du bois. Fendre la tête d'un coup de sabre. Fendre la terre avec une charrue. Vous écraserez contre terre leurs petits enfants, et vous fendrez le ventre aux femmes grosses, Sacy, Rois, IV, VIII, 12. Je vais te fendre en deux, comme les chevaliers du temps passé fendaient les géants qu'ils rencontraient, Lesage, Diable boit. ch. 7. L'archevêque, la bulle à la main, fit massacrer tous les convives ; on fendit le ventre au grand prieur de l'ordre de St-Jean de Jérusalem, et on lui arracha le cœur, Voltaire, Mœurs, 130. L'officier, qui ne peut exercer aucun métier, fut réduit à fendre et à porter le bois du soldat devenu tailleur, drapier, menuisier, ou maçon, ou orfévre, et qui gagnait de quoi subsister, Voltaire, Charles XII, 4. Ce guerrier franc qui ne voulut jamais permettre que Clovis ôtât du butin général un vase de l'église de Reims, et qui fendit le vase à coups de hache, sans que le chef osât l'en empêcher, Voltaire, Mœurs, 18.

    Fig. Fendre la tête à quelqu'un, lui faire aux oreilles un bruit insupportable. De cent coups de marteau me va fendre la tête, Boileau, Sat. VI.

    Familièrement. Il me semble qu'on me fend la tête, c'est-à-dire j'éprouve un très violent mal de tête.

    Fig. Fendre le cœur, exciter la plus vive commisération. Me lançant un regard qui le cœur me fendit, Régnier, Dial. Et son abord charmant fendrait un cœur de roche, Desmarets, Mirame, IV, 1. Ma mie, vous me fendez le cœur ! consolez-vous, je vous prie, Molière, Mal. im. I, 9. Ce discours me fend l'âme, hélas ! mon pauvre maître ! Regnard, le Légat. IV, 6.

    Fig. Fendre un cheveu en quatre, faire des distinctions, des divisions trop subtiles. C'est vouloir fendre un cheveu en quatre. Cet homme fendrait un cheveu en quatre.

    Fig. Fendre les pieds, ancienne expression qui signifiait renvoyer un domestique.

  • 2Séparer, traverser les parties d'une masse. Les éclairs fendaient la nue de l'un à l'autre pôle, Fénelon, Tél. XVII. Les rameurs fendaient les ondes écumantes, Fénelon, ib. III. Asmodée n'avait pas vanté sans raison son agilité ; il fendit l'air comme une flèche décochée avec violence, Lesage, Diable boit. ch. 3. De ses deux bras nerveux il fend la mer émue, Lamotte, Fabl. v, 9. Je laissai mon vaisseau fendre le sein de l'onde, Et je restai dans ma maison, Voltaire, Ép. XCII.

    Fendre le vent, s'échapper au plus vite ; locution qui tombe en désuétude. La mer du levant Où le vieux Louchali fendit si bien le vent, Régnier, Sat. X. Rien ne semblait plus sûr qu'un si proche hyménée ; Et, parmi ses apprêts, la nuit d'auparavant, Vous sûtes faire gille et fendîtes le vent, Corneille, Suite du Ment. I, 1.

    Il a fendu le vent, s'est dit d'un banqueroutier ou d'un fugitif.

    Par extension. Fendre une foule, la traverser en l'écartant. Mon cœur à cet objet… Me fit fendre les rangs…, Rotrou, Bélis. V, 5. En quelque endroit que j'aille, il faut fendre la presse D'un peuple d'importuns qui fourmille sans cesse, Boileau, Sat. VI. Il fend les flots du peuple et la troupe craintive, Voltaire, Irène, II, 6.

  • 3Faire que les parties d'un corps continu se séparent et laissent des intervalles entre elles. La gelée fend les pierres. Le soleil, qui fend ici la terre et qui brûle les rochers, n'a pu à grand'peine que m'échauffer, Voiture, Lett. 42.

    Populairement. Geler à pierre fendre, geler très fort. Il gelait la semaine passée à pierre fendre, Sévigné, 488.

    Fig. Mlle de la Trousse dont la douleur fend les pierres, Sévigné, 151.

  • 4 V. n. Il ne s'emploie que figurément et avec cœur ou tête. Le cœur me fend, c'est-à-dire j'éprouve un vif chagrin, une vive pitié.

    La tête me fend, c'est-à-dire j'éprouve un embarras extrême à la tête, soit à cause du bruit qu'on fait, soit à cause des occupations qui me surchargent. Pour moi, la tête me fend, ma cervelle bout du czar Pierre et des tragédies, de trois terres que je gouverne bien ou mal…, Voltaire, Lett. Mme de Fontaine, 11 juin 1761.

  • 5Se fendre, v. réfl. Être fendu. Le bois blanc se fend très facilement. Les matières vitrescibles en se refroidissant ont diminué de volume et se sont par conséquent fendues de distance en distance ; celles qui sont composées de matières calcaires amenées par les eaux se sont fendues par le desséchement, Buffon, Addit. Théor. terr. Œuv. t. XII, p. 449, dans POUGENS.
  • 6Il se dit d'une masse dont les parties se séparent et laissent des ouvertures entre elles. Les enfers vont s'ouvrir et la terre se fend, Tristan, Herc. mour. III, 5. Du soleil la terre embrasée, Faute de pluie et de rosée, Se fendit en plusieurs endroits, Scarron, Virg. III. Vers minuit le passage a commencé ; mais les premiers qui s'éloignent du bord avertissent que la glace plie sous eux, qu'elle s'enfonce, qu'ils marchent dans l'eau jusqu'au genou ; et bientôt on entend ce frêle appui se fendre avec des craquements effroyables qui se prolongent au loin comme dans une débâcle, Ségur, Hist. de Nap. X, 9.

    Par extension, il se dit d'une foule qui s'ouvre. Qui, voyant venir les Troyens, Se fendant, leur firent passage, Scarron, Virg. VIII.

    Fig. Mon cœur se fend d'amour et s'ouvre à la pitié, Régnier, Dial. Mon cœur à ce discours se fend par la moitié, Tristan, Marianne, v, 2. Il semble que mon cœur veuille se fendre par la moitié, Sévigné, 15. Ah ! quel cœur de rocher et quelle âme assez noire Ne se fendrait en quatre en entendant ces mots ? Regnard, Légat. v, 7. Mes larmes l'arrosent, et mon cœur qui se fend s'échappe vers vous, Voltaire, Écoss. IV, 6. [La beauté que le chrétien adore] Si un seul de ses regards tombait directement sur le cœur de l'homme, il ne pourrait le soutenir, il se fendrait de délices, Chateaubriand, Génie, II, III, 8.

    Avec suppression du pronom personnel. Je vous assure qu'il n'y eut jamais une tristesse pareille à la mienne : et, si j'osais écrire des lettres pitoyables, je dirais des choses qui vous feraient fendre le cœur, Voiture, Lett. 19. Mme de Longueville fait fendre le cœur, Sévigné, 148.

  • 7 Terme d'escrime. Se fendre, porter la jambe droite en avant en laissant le pied gauche en place.
  • 8 Populairement. Se fendre, commettre une prodigalité peu ordinaire (locution figurée tirée de l'escrime). Il s'est fendu de cent francs. Je me fendrai de six bouteilles de champagne.

    Absolument. Quand il s'agit de se fendre, il se fait tirer l'oreille.

HISTORIQUE

Xe s. Fendut que tost le volebat, Fragm. de Val. p. 469.

XIe s. Donc [il] a tel duel [deuil] pur po [peu] d'ire ne fend, Ch. de Rol. XXII.

XIIe s. D'un chef en l'autre [il] lui a frait et fendu [l'escu], Ronc. p. 61. Pourtant peüst mes cuers [mon cœur pourrait] de dolor fendre, Couci, v.

XIIIe s. Lanfroi, qui le bois soloit vendre, Un chesne ot conmencié à fendre, Ren. 10282. Et Renart s'est acheminez, Et s'en vait par le bois fendant, ib. 339. Or avint ainsi que je trouvai un gamboison d'estoupes à un Sarrasin, je tournai le fendu [le côté ouvert] devers moy, et fis escu du gamboison, qui m'ot grant mestier, Joinville, 228.

XVe s. Adonc descendit Philippe de l'eschafaud où il avoit presché et s'en vint, fendant le marché, jusques à son hostel, Froissart, II, II, 176. Ouvrez vos yeulx, fendés vos testes, Oyez nos sciences honnestes, Puisque l'heure y est disposée, Coquillart, les Droits nouveaux.

XVIe s. Mercure fend le vuyde de l'aer, descend legierement en terre, et…, Rabelais, Pant. Nouv. prol. 4. Nous veismes Ouy dire : il avoyt la gueulle fendue jusques aux oreilles, Rabelais, ib. V, 31. La terre fend, et parmi ses fendaces La grand lueur jusqu'aux regions basses A penetré, Marot, IV, 70. Du bruit des voix tout l'air fendoit, Marot, IV, 291. Le chartier ne laissa pas pour ses prieres de chasser les chevaux, de maniere que les autres enfants se fendirent pour le laisser passer, Amyot, Alc. 3. Il fendit incontinent et entr'ouvrit l'endroit de la bataille des ennemis, où il donna, Amyot, Cor. 12. …Cratesiclea, en l'embrassant et baisant, sentit que le cueur luy soublevoit et fendoit de regret et de douleur, Amyot, Agis et Cléom. 52. Geler à pierre fendante, Cotgrave Je ne veulx ny debattre avecques un nuissier de porte, miserable incogneu, ny faire fendre en adoration les presses où je passe, Montaigne, IV, 28.

ÉTYMOLOGIE

Bourguig. l'abre se foint ; provenç. fendre ; espagn. hender ; portug. fender ; ital. fendere ; du lat. findere ; sanscrit, bhid, fendre.