« fer », définition dans le dictionnaire Littré

fer

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

fer [1]

(fêr) s. m.
  • 1Métal ductile, malléable, d'un emploi considérable dans les arts, et dont la pesanteur spécifique est de 7788. Le fer s'appelait mars dans l'ancienne chimie. Les veilles cesseront au sommet de nos tours ; Le fer mieux employé cultivera la terre, Malherbe, II, 1. Les fers, fontes et aciers qui s'y fabriquent… fer en barre, fil de fer, fer blanc, Arrêt du Conseil d'État, 16 août 1659. Avec une mine qui donnait le plus mauvais fer de la Bourgogne, j'ai fait du fer assez ductile, aussi nerveux, aussi ferme que les fers du Berri, qui sont réputés les meilleurs de France, Buffon, Min. t. VIII, p. 56, dans POUGENS. Les végétaux, soit qu'ils soient consumés par le feu ou consommés par la pourriture, rendent également à la terre une quantité de fer peut-être beaucoup plus grande, qu'ils en ont tirée par leurs racines, Buffon, ib. t. II, p. 153. On doit compter qu'avec deux cent cinquante arpents de bois bien économisés, l'on peut faire annuellement six cents ou six cent cinquante milliers de fer, Buffon, ib. t. IV, p. 107. Du poivre excellent et du fer si pur qu'on le forge sortant de la mine, sans le faire fondre, Raynal, Hist. phil. IV, 14.

    Fer natif, fer que l'on trouve à l'état de pureté dans la terre. Le feu des volcans a quelquefois formé de ces régules de fer, et c'est ce que les minéralogistes ont appelé mal à propos fer natif, Buffon, Min. t. IV, p. 142.

    Fer cendreux, fer auquel on ne saurait donner le poli, à cause de taches grises couleur de cendre.

    Fer aigre, celui qui se casse facilement à froid. Fer doux, fer qui ne se casse pas facilement. Du fer doux ou aigre, Édit de février 1626.

    Fer à acier, fer doué de la propension aciéreuse et devenant acier plus facilement qu'un autre.

    En termes de commerce, il se dit au pluriel. Les différentes sortes de fers. M. Dantic a travaillé longtemps à découvrir un moyen par lequel on pût sûrement classer tous les fers connus, Raynal, Hist. phil. XVI, 17.

    Cela ne tient ni à fer ni à clou, cela est mal attaché, mal fixé. On le dit aussi d'une chose qui, servant à meubler une maison, n'est pas scellée aux murs et peut être ôtée facilement.

    Fig. et familièrement. Cette affaire ne tient ni à fer ni à clou, elle n'est pas solidement conclue, arrêtée.

    En un sens opposé, à fer et à clou, d'une façon très solide. Vous savez bien que le nôtre [le cardinal de Retz qui voulut remettre son chapeau et que le pape força de le conserver] l'est à fer et à clou, Sévigné, Lett. 16 oct. 1675.

    Il userait du fer, il digérerait du fer, se dit d'une personne qui use beaucoup et en peu de temps ses habits, qui digère parfaitement.

    C'est un corps de fer, il a un corps de fer, c'est un homme robuste et qui résiste aux fatigues, aux excès. Il faut un corps de fer pour résister aux agitations, Massillon, Panégyr. Ste Agnès. Ce corps de fer [Charles XII] gouverné par une âme si hardie, Voltaire, Ch. XII, 8.

    On dit de même une santé de fer, un tempérament de fer. Il faut se bien porter pour être héros : tous ceux de l'antiquité avaient une santé de fer, Voltaire, Lett. Lekain, 2 mars 1767.

    On n'est pas de fer, c'est-à-dire il est des fatigues auxquelles le corps humain ne peut résister. Les dieux sont-ils de fer ? Molière, Prol. Amph. Mes anges me croiront-ils de fer quand je suis d'argile, et prendront-ils zèle Pour puissance ? Voltaire, Lett. d'Argental, déc. 1760.

    On dit de même : il faudrait être de fer pour résister à de telles fatigues.

    Cet homme est roide comme une barre de fer, ou fig. c'est une barre de fer, il est d'une fermeté, d'une opiniâtreté invincible.

    Une tête de fer, une personne que la plus grande contention d'esprit ne fatigue pas, et aussi une personne extrêmement opiniâtre. Les vieillards, remplis de l'indignation la plus vive, s'en retournèrent [quittant Charles XII à Bender] en criant : Ah ! la tête de fer ! puisqu'il veut périr, qu'il périsse, Voltaire, Charles XII, 6.

    Un cœur de fer, un cœur dur, impitoyable, inflexible. Bientôt ces cœurs de fer se verront adoucis, Racine, Théb. III, 4. Moi ! complaire à ce peuple, aux monstres de Scythie…à ces âmes de fer…, Voltaire, Scythes, V, 4. Il [le tigre] s'irrite des bons comme des mauvais traitements ; la douce habitude qui fait tout ne peut rien sur cette nature de fer, Buffon, Tigre.

    Fig. Avoir un bras de fer, une main de fer, avoir le bras, la main extrêmement vigoureuse.

    Par une nouvelle figure, avoir un bras de fer, exercer avec dureté, avec rigueur le pouvoir dont on est revêtu.

    Gouverner avec un sceptre de fer, gouverner avec une extrême dureté. Sous un sceptre de fer tout ce peuple abattu, Voltaire, Brutus. I, 2.

    On dit dans le même sens : un joug de fer. Un joug de fer est sur leur tête, Bossuet, Hist. II, 13. Le joug du monde est un joug de fer, Massillon, Carême, Mot. de conv.

    Un ciel de fer, un ciel rigoureux. Il [Dieu] nous rejettera de devant sa face, et le ciel deviendra de fer sur nos têtes, Bossuet, Sermons, jubilé, Pénit. 1. Le sort, dit le vieillard, n'est pas toujours de fer, Chénier, Idylles, l'Aveugle.

    Le sommeil de fer, le sommeil de la mort. Ces mânes sacrés [des anciens Romains] n'avaient point rompu leur sommeil de fer, Chateaubriand, Mart. XVI.

  • 2Le siècle de fer, l'âge de fer, l'âge qui, suivant la mythologie, succéda au siècle d'airain, et qui, signalé par le débordement des violences et des crimes, amena la colère des dieux et le déluge. On vit avec le fer naître les injustices, Boileau, Sat. x.

    Fig. Un siècle de fer, un siècle d'ignorance, de barbarie, et aussi un siècle signalé par les guerres et les violences.

    Dans le langage de l'histoire, l'âge de fer se dit du temps où l'on commença à faire usage du fer, par opposition à l'âge de cuivre, plus ancien, où tous les ustensiles étaient en cuivre, et à l'âge de pierre, encore plus ancien, où les instruments tranchants étaient en silex.

  • 3La pointe qui termine une pique, une lance, une flèche. Le fer d'une lance.

    On dit dans un sens analogue le fer d'une gaffe.

    Lance à fer émoulu, lance dont la pointe est affilée, par opposition aux lances dont le fer était émoussé.

    Se battre à fer émoulu, se disait quand, dans un tournois, au lieu d'employer, comme c'était l'habitude, des armes émoussées et rabattues, on se servait d'armes affilées.

    Fig. Se battre à fer émoulu, disputer, controverser, lutter sans ménagement.

  • 4 Terme d'escrime. L'épée, le fleuret. Croiser, engager le fer.

    Familièrement. Battre le fer, s'exercer à l'escrime. Et j'ai battu le fer en mainte et mainte salle, Molière, l'Étour. IV, 3. Monsieur le batteur de fer, je vous apprendrai votre métier, Molière, Bourg. gent. II, 3. L'on jugeait à sa mine martiale que c'était un homme qui avait battu le fer, Lesage, Estev. Gonz. ch. 46.

    Fig. Il y a longtemps qu'il bat le fer, se dit d'un homme qui s'occupe depuis longtemps d'une étude, d'un exercice.

    On dit de même : C'est à force de battre le fer qu'il est parvenu à ce degré d'habileté. Enfin, à force de battre le fer, il en est venu glorieusement à avoir ses licences, Molière, Mal. imag. II, 6.

  • 5Un instrument tranchant. Le chirurgien qui porte le fer dans les tissus vivants.

    Terme de chirurgie. Employer le fer et le feu, employer, dans une opération, l'instrument tranchant et le fer rougi ; et fig. employer les remèdes, les moyens les plus violents.

    Dans le langage vulgaire, les fers, et quelquefois le fer, le forceps. On n'a pu l'accoucher sans les fers. J'ai coûté la vie à ma mère en venant au monde ; j'ai été tiré de son sein avec le fer, Chateaubriand, René.

  • 6Dans le style oratoire ou poétique, poignard, épée et, en général, toute arme tranchante. Et si les pâles Euménides, Pour réveiller nos parricides, Toutes trois ne sortent d'enfer, Le repos du siècle où nous sommes Va faire à la moitié des hommes Ignorer que c'est que le fer, Malherbe, III, 3. Prêt à quitter le fer et prêt à le reprendre, Racine, Alex. II, 2. Le fer ne produit point de si puissants efforts, Racine, Brit. v, 5. J'ai reconnu le fer, instrument de sa rage, Ce fer dont je l'armai pour un plus digne usage, Racine, Phèdre, IV, 1. Oui, nous jurons ici pour nous, pour tous nos frères, De ne poser le fer entre nos mains remis…, Racine, Athal. IV, 3. Il a dans sa colère Du fer de la vengeance armé la main d'un père, Voltaire, Alz. v, 5. Sous le fer castillan ce monde [l'Amérique] est abattu, Voltaire, ib. I, 2.

    Porter le fer et la flamme dans un pays, ravager un pays en tuant et en brûlant.

    Fig. Un fer sacré, un moyen de guerre, de vengeance, caché sous l'apparence de la religion. D'autant plus dangereux dans leur âpre colère, Qu'ils prennent contre nous des armes qu'on révère, Et que leur passion, dont on leur sait bon gré, Veut nous assassiner avec un fer sacré, Molière, Tart. I, 6. Qui, tout couvert de sang, de flammes entouré, Égorge les mortels avec un fer sacré, Voltaire, Henr. VI.

    Le fer des lois, l'autorité des lois en tant qu'elle punit. Et déposant des lois le fer saint et terrible, Briffaut, Ninus II, I, 1. Du fer sacré des lois tu profanais l'usage, Delavigne, Vêpres sicil. III, 5.

  • 7Il se dit de quelques outils servant à divers usages. Un fer à friser. Un fer à faire des gaufres, des oublies. Un autre objet fort important sont les fers de charrue ; on ne saurait croire combien la mauvaise qualité du fer dont on les fabrique fait du tort aux laboureurs, Buffon, Min. t. VII, p. 88, dans POUGENS.

    Fer à gaufrer, fer rond qui, chauffé, sert à faire des ondes à une garniture ou à une dentelle.

    Fer à papillotes, fer en forme de pince qu'on applique chaud sur les papillotes pour faire friser les cheveux.

    Fer chaud, instrument en fer que l'on chauffait pour marquer à l'épaule certains condamnés. Comme un gredin que la main de Thémis A diapré de nobles fleurs de lis, Par un fer chaud, gravé sur l'omoplate, Voltaire, Pauv. diabl.

    Fig. Chose, personne qui presse, tourmente. C'est le fer chaud du pont Neuf, à ce que je vois, et, pour avoir M. le duc, il faudra deux choses : lui donner l'éducation du roi, et un établissement à son frère, Saint-Simon, 509, 245. Fer à crochet, manivelle pour tordre les lacets.

    Fers plats, fers ronds, certains outils de luthier pour recoller les fentes des instruments.

    Terme de pêche. Fer à croc, se dit de l'hameçon dans quelques provinces.

    Terme de construction. Fer d'amortissement, toute aiguille de fer entée sur un poinçon pour tenir une pyramide, un vase, etc.

  • 8Fer à repasser, fer dont les lingères se servent pour repasser le linge.

    Fig. Mettre les fers au feu, se dit quand on commence sérieusement l'exécution de quelque chose. Mettons les fers au feu, tout nous est favorable, Hauteroche, Bourg. de qualité, I, 7. Le bon père [Tellier] piqua et tourna si bien le roi que les fers furent mis au feu pour leur destruction [des filles de Port-Royal], Saint-Simon, 250, 82.

    Les fers sont au feu, se dit d'une affaire que l'on pousse activement.

  • 9 Terme de reliure. Fer, instrument qui sert à faire des empreintes sur la reliure. Je rêve à mon état, et souvent dans la nuit, Ou je dessine un fer, ou je trouve un granit, Lesné, la Reliure, p. 40. Un fer à dos remplissait d'un seul coup tout un entre-nerf, tandis que maintenant que le goût des petits fers s'est propagé…, Lesné, ib. p. 204. On nomme roulette tout fer qui en a la figure, et qui sert à pousser de simples filets ou des dessins… les rosettes sont des fers qui, d'un seul coup, forment un dessin… les palettes sont des fers qui ont la figure d'un T, Lesné, ib. p. 217.

    Petit fer, celui qui sert à faire des compositions. La cosmographie universelle de André Thevet, couverte de velin blanc, doré sur la tranche et à petit fer, estimé six livres, Inventaire de la royne Loyse douairière, De Laborde, Émaux, p. 312.

  • 10 Terme de maréchalerie. Fer de cheval, ou, elliptiquement, fer, bande de fer formant semelle, que l'on fixe sous la face inférieure du pied du cheval et de quelques autres bêtes de somme. Mettre un fer à un cheval, à un mulet. Pour faire mettre un fer à sa monture, La Fontaine, Orais.

    Fer à demi, à l'anglaise, celui qui ne couvre ni trop ni trop peu le pied du cheval. Fer barré par devant, fer dont on n'a pas eu le soin d'aplatir la bordure. Fer couvert, fer dont les branches sont fort larges.

    Fer à glace, fer garni de clous pour mordre sur la glace.

    Fer à pantoufle, fer de cheval forgé de manière à avoir plus d'épaisseur en dedans qu'en dehors, et à s'amincir en talus du côté de la corne.

    Par catachrèse, fer d'argent, fer d'or. Ses fers sont d'argent à onze deniers, Voltaire, Zadig, 3.

    Fer de bœuf, ferrure qu'on applique quelquefois aux pieds des bœufs, dans les localités où ces animaux sont employés à des travaux pénibles.

    Fig. Quand on quitte un maréchal, il faut payer les vieux fers, c'est-à-dire quand on quitte un ouvrier, il faut lui payer tout ce qui est arriéré.

    Il a toujours quelque fer qui loche, se dit d'un homme maladif.

    En un autre sens. Il y a quelque fer qui loche, il y a quelque chose qui empêche cette affaire d'aller bien.

    Tomber les quatre fers en l'air, se dit d'un cheval à qui les quatre pieds manquent à la fois et qui tombe sur le dos.

    Familièrement, il se dit d'un homme qui tombe à la renverse ; et fig. de celui qui reste frappé d'étonnement.

    Cela ne vaut pas les quatre fers d'un chien, cela ne vaut rien du tout, puisqu'un chien n'est pas ferré. Cet homme ne vaut pas les quatre fers d'un chien.

  • 11En fer à cheval, en forme de croissant. La cataracte se divise en deux branches, et se courbe en fer à cheval, Chateaubriand, Atala, épilogue.

    On dit de même : Cela fait le fer à cheval, forme le fer à cheval, etc.

    Terme d'architecture. Fer à cheval, escalier qui a deux rampes et qui est fait en demi-cercle.

    Il se dit, par extension, de deux pentes douces qui sont en demi-cercle, dans les jardins.

    Fer à cheval, ouvrage de fortification en demi-cercle, fait en dehors d'une place.

    Fer à cheval, petite pièce qui s'ajuste en forme de doublure ou de soutien à l'épaulette de certaines chemises d'hommes.

    Terme de chasse. Fer à cheval, se dit d'un plumage rouge qui vient sur le ventre du perdreau, du coq. Il a, comme le précédent, le fer à cheval noir sur l'œil, et de plus il [le petit paille-en-queue] est tacheté de noir sur les plumes de l'aile voisines du corps, et sur les grandes pennes, Buffon, Ois. t. XVI, p. 113, dans POUGENS.

    Fer à cheval, se dit de deux espèces de chauves-souris d'Europe.

    Fer de cheval, se dit d'un fer qu'on met au pied d'un cheval ; fer à cheval, d'un ouvrage en forme de fer de cheval.

  • 12Fer de botte, morceau de fer dont on garnit le dessous du talon d'une botte, et qui est en forme de fer à cheval.
  • 13Fer en meubles, mauvaise orthographe pour faire en meubles, voy. FAIRE.
  • 14 Terme de marine. Fer d'Andriveau, ou, simplement, fer, grappin de galère. Il est certain qu'elles [des galères] n'en souffriraient pas un pareil [mauvais temps] pendant quatre heures sans courir risque de se perdre, et qu'elles ne résisteraient pas, même sur le fer, à une grosse mer sans s'entr'ouvrir, La Pailleterie, Au ministre, 29 août 1676, dans JAL.
  • 15Fer de lacet, fer d'aiguillette, petite pièce de fer-blanc, de cuivre ou d'autre métal dont un lacet, une aiguillette est garnie par le bout.

    Je n'en donnerais pas un fer d'aiguillette, se dit d'une chose qu'on méprise.

  • 16 Terme de blason. Il se dit de plusieurs figures de fer, qui paraissent dans les écus, tels que le javelot, la pique, les fers de lance, etc.
  • 17S. pl. Chaînes, ceps, menottes. Il avait les fers aux pieds et aux mains. Le sieur de la Cornière a bien fait de mettre aux fers les matelots de sa chaloupe, puisqu'il a eu lieu de les soupçonner du vol qui…, Colbert, à Gaboret, 1er juin 1678, dans JAL. Ils sont encore aux fers, et vous les briserez, Voltaire, Lett. Beaumont, 16 janv. 1768. En des lieux différents comme toi mis aux fers, Voltaire, Alz. II, 1.

    On dit, surtout pour les peines militaires : Il a été condamné à cinq ans de fers.

    Fig. Jeter quelqu'un dans les fers, le retenir dans les fers, le mettre en prison, le retenir en prison, le priver de sa liberté.

    On dit aussi languir, gémir dans les fers.

    Être mis aux fers de quelqu'un, tomber en son pouvoir. Auraient-ils mis Othon aux fers de l'empereur, Et dans ce grand succès la fortune inconstante Aurait-elle trompé notre plus douce attente ? Corneille, Oth. v, 6.

  • 18 Fig. et poétiquement. État d'oppression, d'esclavage. [Le monde] à qui par sa défaite il [Pompée] met les fers aux mains, Corneille, Pomp. I, 1. Qui veut tenir aux fers les maîtres de la terre, Corneille, Sertor. III, 2. Rompez vos fers, Tribus captives, Troupes fugitives ; Repassez les monts et les mers ; Rassemblez-vous des bouts de l'univers, Racine, Esth. III, 9. Plus fort que le fils d'Alcmène, Il [l'hiver] met les fleuves aux fers ; Le seul vent de son haleine Fait trembler tout l'univers, Rousseau J.-B. Cantate 13. Ils se forgent des fers d'argent, Rousseau, Hél. v, 5.

    Par extension et poétiquement, tyrannie qu'exerce l'amour. Pour rentrer dans mes fers il brisera tes chaînes, Corneille, Sertor. I, 3. Vous, pour porter des fers, elle, pour en donner, Racine, Andr. I, 4. Et d'aller, trop content de mes fers, Soupirer avec vous au bout de l'univers, Racine, Bérén. V, 6. D'enchaîner un captif de ses fers étonné, Racine, Phèdre, II, 1. Il se trouva dégagé des fers de Mlle d'Hamilton, Hamilton, Gramm. 9.

  • 19Fer d'or, nom d'un ordre de chevalerie, institué en 1414, à Paris, par Jean duc de Bourbon, et composé de seize gentilshommes, partie chevaliers, partie écuyers. Les chevaliers portaient, tous les dimanches, à la jambe, un fer d'or de prisonnier, et les écuyers un fer d'argent.
  • 20À mi-fer, se dit, dans un chemin de fer, des rails dont l'un empiète sur l'autre. Les rails en fer tantôt sont posés bout à bout, tantôt se réunissent à mi-fer, comme les rails en fonte.
  • 21Cette pièce de monnaie est entre deux fers, se dit d'une pièce qui ne trébuche pas quand on la pèse.

    Fig. Je le tins longtemps entre deux fers, et je fis exprès monter cette impatience jusqu'à la dernière frayeur, Saint-Simon, 311, 62.

  • 22Au billard, avoir du fer, donner du fer, se disait autrefois lorsqu'une des deux branches de la passe gênait le joueur.
  • 23Fer de lance, espèce de chauve-souris ; sorte de serpent.
  • 24Les Portes de Fer, nom par lequel les historiens russes désignent les monts Ourals.

PROVERBE

Il faut battre le fer pendant qu'il est chaud, il ne faut point suspendre la poursuite d'une affaire en voie de succès. Lorsque le temps presse et qu'il faut battre le fer quand il est chaud, Scarron, Virg. VI.

HISTORIQUE

XIe s. [Il] Empeint [empoint] le bien tout le fer lui mist outre, Ch. de Rol. CXVII.

XIIe s. [Il] Tenoit sa lance, dont li fers reflamblie, Ronc. p. 33.

XIIIe s. Certes durement me merveil, Comment hons, s'il n'iere [n'était] de fer, Puet vivre un mois en tel enfer, la Rose, 2604. Je tant me fi là où biauté repaire, Qu'aÿmans sui [je suis un aimant], se tout n'est ver [vers] moi fers, Poésies mss. avant 1300, t. I, p. 491, dans LACURNE.

XIVe s. On doit battre le fer entreulx [pendant] qu'il est bien chaux, Guesclin. 20862. Les mareschaux qui ferrent les chevaux ne pourront prendre n'avoir d'un fer neuf à palefroy ou à roussin, de fer de Bourgogne, que neuf deniers, Ord. des rois de Fr. t. II, p. 271. À Jehan Thierri Masson, pour mettre le fer du rond de la verriere où est la resurrection de Nostre Seigneur, Bibl. des chartes, 5e série, t. III, p. 233. À Perin de Choisy, orfevre, pour l'argent et la façon de plusieurs fers d'argent à cuire [brûler, marquer] chevaux, De Laborde, Émaux, p. 311.

XVe s. À Jehan Lessayeur, orfevre, pour un fer d'argent, par lui fait pour donner le feu aux faucons de ma dicte dame, De Laborde, ib. Et à voir dire, si il eust esté de fer ou d'acier, si convint-il qu'il fust demeuré, Froissart, II, II, 114. Il fit jetter le fer et encrer ceste part, Bouciq. liv. II, p. 234, dans LACURNE. Nul chevalier qui prison vouloit promettre, ne estoit mis en fer ne en anneaulx, Lancelot du lac, t. III, f° 41. Chevalier, laissez aller la damoiselle, ou vous appareillerez de jouster à moy ; car, se vous voulez efforcer la damoiselle, ce sera parmy les fers [il faudra combat tre], Perceforest, t. II, f° 65. Il estoit expedient d leur tenir le fer au dos, afin qu'ils fussent en plus seure subjection, J. Chart. Hist. de Charles VII, p. 271, dans LACURNE. Lire et non comprendre ce qu'on lit, est battre l'eau ou froit fer, Hist. de la Tois. d'or, t. I, f° 132, dans LACURNE.

XVIe s. S'il faut s'accommoder à ceux qui sont comme entre deux fers et se vantent de tenir le milieu, Bèze, Vie de Calvin, p. 147. Aubigné ne pleura point pour sa prison, ouy bien lors qu'on luy osta une petite espée, et une ceinture avec des fers d'argent, D'Aubigné, Hist. I, 180. Sommant Titus de deslier les fers de la Grece, Amyot, Flamin. 18. Bertrand leur promit qu'on allait mettre incessamment les fers au feu pour cet effet…, Mém. s. du Guesclin, ch. 9. Honnestes femmes qui n'auront jamais eu fer à pié [mauvaise réputation], Contes d'Eutrap. p. 460, dans LACURNE. Prendra le secretaire deux provendes d'avoine et mengera à cour, et prendra à cour fer et clou pour les gages de ses valets, et toutes ces autres choses, dix-huit deniers par jour, Miraumont, T. de la chancel. f° 90, dans LACURNE. …il y a trois nuicts Que, sans me reposer, je suis à faire l'extrait d'un procez, En droit et matiere d'excez, D'un gentilhomme de Poitou ; S'il vient, j'en aurai fer ou clou, Quand il seroit ferré à glace, Belleau, Œuvres, t. II, p. 120, dans LACURNE.

ÉTYMOLOGIE

Wallon, fier ; génev. Être un vieux fer, n'être plus bon à rien, mettre au vieux fer, rebuter ; bourguign. far ; Berry, far ; provenç. fer, ferr, ferre ; espagn. hierro ; portug. et ital. ferro ; du lat. ferrum.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

1. FER. Ajoutez :
25 Armoire de fer, armoire de fer fabriquée en 1790 par ordre de l'Assemblée constituante, et qui, placée aux Archives, contient les objets et pièces les plus importantes, Journ. offic. 4 mars 1877, p. 1680, 1re col.

Armoire de fer, armoire fabriquée par Louis XVI avec l'aide de son serrurier, et où il enferma des papiers secrets.

26 Arbre de fer, dans l'Inde le mesuea ferrea, à Maurice le stadmannia ferrea, Baillon, Dict. de botan. p. 247.
27Fer brûlé, barre de fer qui, ayant été portée au blanc soudant et refroidie à l'air sans qu'on l'ait martelée, devient fragile à chaud comme à froid, et présente dans la cassure une cristallisation en lames.
28Mettre au vieux fer, se dit d'ustensiles en fer usés qu'on met au rebut.

Fig. Les hommes spéciaux affirment que la mulle-jenny. pour la filature de la laine longue, sera complétement mise au vieux fer avant peu d'années, Enquête, Traité de comm. avec l'Anglet. t. III, p. 617.

REMARQUE

1. Ajoutez : Au n° 7, on aura remarqué, de Saint-Simon, la locution : c'est le fer chaud du pont Neuf. J'en dois l'explication à M. A. Chéruel, qui a trouvé dans Tallemant, au chapitre intitulé Visionnaires extravagants, etc. ceci : " Il y a eu ici un certain fou qui allait l'hiver sur le pont Neuf, avec un réchaud plein de feu, où il chauffait toujours un fer comme les fers de plombiers, et, s'approchant des passants, il leur disait : Voulez-vous que je vous mette ce fer chaud dans le c.. ? - Coquin ! - Monsieur, répliquait-il naïvement, je ne force personne, je ne l'y mettrai pas, s'il ne vous plaît pas. On riait de cela, et puis il demandait quelque chose pour le charbon. " M. Chéruel remarque que le fer chaud du pont Neuf était devenu une expression proverbiale pour indiquer une demande absurde, impossible ; et c'est dans ce sens que Saint-Simon l'emploie.

2. Au n° 13, on lit : Marchand de fer en meubles, celui qui vend des objets de literie, tels que matelas, plume, duvet, etc. Tarif des patentes, 1850, p. 114 ; et il est dit que fer en meubles est une mauvaise orthographe, et on renvoie au verbe FAIRE, n° 63 ; mais voici une explication différente : Ces industriels, anciennement connus sous la désignation de marchands de fer en meubles, ont, depuis quelques années, donné une grande extension à la fabrication des articles de literie, Statistique de l'industrie de Paris par la Chambre de commerce, 1851, 2e part. p. 167. (En note : Le nom de marchand de fer appliqué aux marchands d'articles de literie vient d'un vieux mot feurre, paille, paillasse).

3. Au n° 21, revenir entre deux fers, se dit d'une pièce de monnaie qui ne trébuche pas.

Fig. Entre deux fers, se dit de quelque chose d'insuffisant. On trouvait [à propos de Mme de Vibraye] la qualité entre deux fers pour entrer dans le carrosse de la reine, Sévigné, 26 janv. 1680.

En un autre sens, revenir entre deux fers, se dit d'une affaire qui recommence. Ce que j'en crus après… c'est que la chose était revenue entre deux fers, Saint-Simon, t. VIII, p. 151, éd. Chéruel.