« frais.2 », définition dans le dictionnaire Littré

frais

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

frais [2]

(frê ; l's se lie : des frê-z excessifs) s. m. plur.
  • 1Argent qu'on emploie à quelque chose ; ce que coûte une chose. Frais de bureau. Frais de premier établissement. Il faut la retenir et tout ce qu'elle enserre Comme un gage assuré des frais de cette guerre, Du Ryer, Scévole, III, 2. Pour subvenir aux frais de l'entreprise, La Fontaine, Belph. Ne donneriez-vous pas des millions d'or pour en avoir la clef [du paradis] et entrer dedans quand bon vous semblerait ? il ne faut point entrer en de si grands frais ; en voici une, voire cent, à meilleur compte, Pascal, Prov. IX. L'utile et la louable pratique de perdre en frais de noces le tiers de la dot qu'une femme a apportée ! La Bruyère, VII. J'avancerai les frais, et j'en fais mon affaire, Regnard, Fol. am. III, 4. Déjà ses yeux fixés sur cette capitale [Moscou] n'exprimaient plus que de l'impatience ; en elle il croyait voir tout l'empire russe ; ces murs renfermaient tout son espoir, la paix, les frais de la guerre, une gloire immortelle, Ségur, Hist. de Nap. VIII, 4.

    Retirer ses frais d'une opération, en retirer autant d'argent qu'elle en a coûté. À présent cinquante quintaux de minerai pour l'or donnent quatre, cinq et six onces d'or, et, quand il n'y en a que deux onces, le mineur ne retire que ses frais, Montesquieu, Esp. XXI, 22.

    Être de grands frais, coûter beaucoup à nourrir, à entretenir, occasionner de grandes dépenses.

    À peu de frais, sans dépenser beaucoup d'argent. Mais je tiens qu'ici-bas, sans faire tant d'apprêts, La vertu se contente et vit à peu de frais, Boileau, Épître V. J'achète à peu de frais de solides plaisirs, Boileau, ib. VI. Embellir à peu de frais une partie de la ville, Fénelon, Tél. XI.

    Fig. Sans embarras, sans peine. Il avait acquis de la réputation à peu de frais. Donc à si peu de frais la vertu se profane, Régnier, Sat. V. Il a l'honneur de partir le premier… je vous assure qu'il n'y a rien de mieux, ni qui fasse tant d'honneur et à peu de frais ; car il n'a point d'affaires ici, et il est ravi d'aller courir et faire le bon officier, Sévigné, 523.

    À moins de frais, en dépensant moins d'argent. Quoi ! ne sera-ce jamais qu'à la dernière extrémité que nous ferons quelque chose de grand ? si la moitié de Paris était brûlée, nous la rebâtirions superbe et commode ; et nous ne voulons pas lui donner aujourd'hui, à mille fois moins de frais, les commodités et la magnificence dont elle a besoin ? Voltaire, Polit. et législ. Embell. de Paris. Le père [Frédéric Guillaume, roi de Prusse] était un véritable vandale qui, dans tout son règne, n'avait songé qu'à amasser de l'argent et à entretenir, à moins de frais qu'il se pouvait, les plus belles troupes de l'Europe, Voltaire, Mél. litt. Comment. historiq. t. LXIII, p. 20.

    Fig. Avec moins de peine. Il a conquis sa réputation à moins de frais.

    À moitié de frais, ou, elliptiquement, à moitié frais, c'est-à-dire que, de deux personnes, chacune payera la moitié de la dépense.

    À frais communs, en payant chacun notre part d'argent. La greffière : Nous logerons ensemble, madame la baronne. - Mme Blandineau : Et nous prendrons un suisse à frais communs, madame la comtesse, Dancourt, Fête du village, III, sc. dern. À frais communs et à peu de frais, nous étions abonnés pour nos lectures avec un vieux libraire, Marmontel, Mém. I.

    Fig. Il y a des femmes qu'il faudrait assommer à frais communs, entendez-vous bien ce que je vous dis là ? Oui, il faudrait les assommer, Sévigné, 452.

    Constituer quelqu'un en frais, être cause qu'il fait des frais, qu'il dépense de l'argent.

    Faire les frais d'une chose, fournir l'argent qu'elle exige. Je m'offre à vous mener dans toutes ces provinces, et nos guitares en feront les frais, Lesage, Estev. Gonzalez, 46. Une guerre dont ils faisaient seuls tous les frais, Rousseau, Orig. 2.

    Fig. et familièrement. Faire les frais de quelque chose, fournir la matière principale de quelque chose, contribuer le plus à quelque chose. Il se garde bien de citer cet auteur, qui a fait presque tous les frais de son érudition, Dict. de l'Académie. Il était économe et soigneux de son bien ; Mais l'hospitalité, leur antique lien, Fit les frais de ce jour comme d'un jour de fête, Chénier, Fable (Rat des champs et rat de ville) Fit avec plus d'agrément que jamais tous les frais de la conversation, Genlis, Mme de Maintenon, t. I, p. 62, dans POUGENS.

    Fig. En un autre sens. Faire les frais, faire les premiers frais, faire les avances, solliciter le premier. Mais les gens de mon air, marquis, ne sont pas faits Pour aimer à crédit et faire tous les frais, Molière, Mis. III, 1. Elle fait tous les frais de l'amitié, Sévigné, 606. En amitié ainsi qu'en amour, les princesses sont condamnées à faire tous les premiers frais, Genlis, Mlle de Clermont, p. 29, dans POUGENS.

    Absolument. Faire des frais pour quelqu'un, lui faire des avances.

    Tous frais faits, après que toutes les dépenses ont été soldées. Combien croyez-vous que chaque arpent rapporte l'un dans l'autre année commune, en blés, en semence de toute espèce, vins, étangs, bois, métaux, bestiaux, fruits, laines, soies, lait, huiles, tous frais faits, sans compter l'impôt ? Voltaire, l'Homme aux 40 écus, Entretien avec un géomètre.

    Se mettre en frais, faire, à quelque occasion, plus de dépense que de coutume. Compère le renard se mit un jour en frais, La Fontaine, Fabl. I, 18.

    Ironiquement. Dépenser, donner, offrir moins qu'on ne devrait.

    Fig. Faire des efforts pour réussir, pour plaire. Se mettre en frais d'amabilité, de prévenances, de toilette, etc.

    Fig. En être pour ses frais, ne pas obtenir ce pour quoi on avait fait des avances, des démarches.

    Sur nouveaux frais, en considérant tout ce qu'on avait fait comme nul, de nouveau, derechef. La Rancune ne se fit pas prier deux fois pour faire troisième, et se mit à boire sur nouveaux frais, Scarron, Rom. com. I, 6. Sur nouveaux frais attrapons nos époux, La Fontaine, Gag. Il y a [dans Atys de Quinault] un sommeil et des songes dont l'invention surprend ; la symphonie est toute de basses et de tons si assoupissants qu'on admire Baptiste sur nouveaux frais, Sévigné, 271. Et, quand après en avoir bien parlé [de Mme de Grignan], nous nous détournons un moment, je reprends la parole d'un bon ton, et je lui dis : Mais disons donc un pauvre mot sur ma fille… Là-dessus nous recommençons sur nouveaux frais, Sévigné, 43. Je vous en remercie sur nouveaux frais, Sévigné, 68. J'écris sur nouveaux frais, Racine, Plaid. I, 7. Si vos songes ne pouvaient pas recevoir quelque interprétation, on vous faisait dormir dans le temple sur nouveaux frais, Fontenelle, Orac. I, 15.

    Dans le langage des ouvriers, faire des frais, causer un dégât. Un ouvrier qui pose une glace dit : Prenons garde de faire des frais, c'est-à-dire de casser la glace.

  • 2 Terme de pratique. Déboursés et émoluments accordés par tarifs aux officiers ministériels. Condamner aux frais.

    Frais et mises d'exécution, frais qu'un créancier est obligé de faire pour mettre à exécution son titre.

    Frais et loyaux coûts, frais faits pour la passation d'un acte et pour les suites légitimes.

    Faux frais, dépenses qui n'entrent pas en taxe.

    Dans le langage général, faux frais, toutes les menues dépenses qui accompagnent une dépense principale. Votre voyage vous coûtera six cents francs, sans compter les faux frais. Voilà en avance une bourse de mille louis pour les faux frais de vos noces, D'Allainval, Ecole des bourg. I, 10.

  • 3Se dit, à certains jeux, tels que le billard, la paume, etc. de la dépense qu'on y fait. Jouer les frais. J'ai perdu les frais.
  • 4Frais de passe, se dit, au creps, d'une certaine somme que le joueur qui passe plusieurs coups doit payer au marqueur.

REMARQUE

On a dit au XVIIIe siècle, faire les frais de penser, pour se donner la peine de penser. Voltaire se moque avec raison de cette locution : Vous lirez dans nos livres nouveaux de philosophie qu'il ne faut pas faire à pure perte les frais de penser, Voltaire, Dict. phil. Langues.

HISTORIQUE

XIIIe s. En ceste maniere se pot il metre hors de le [la] compaignie et des fres de la commune, Beaumanoir, XXI, 26. Après doit estre fete le [la] somme des despenses et de toutes manieres de fres, et de paiemens…, Beaumanoir, XXIX, 14. Et ensi quort [court] tous li fres sor le commun des povres, Beaumanoir, L, 10.

XIVe s. Qui tort voelt faire autrui, tous les frais paier doit, Baud. de Seb. VII, 896. Tout fut en frait et despense du roy, Chron. ms. de Nangis, dans LACURNE. As siergans, pour frait qu'il eurent adonc pour leur sielles rapparillier et pour leur brides, Caffiaux, Abattis de maisons, p. 9. S'ensuivent li frait que li ville a eus…, ID. ib. p. 17. Car ly dus Assellins et Fedry, qui est lais, Pensoient tout adès traysons en leur fais ; Mais en le [la] fin seront paiiet de tout leur frais, Hugues Capet, v. 4350. Là fu le [la] cour servie de tous biens larguement ; Les frez paiia Fedris, sy n'en gousta noyent, ib. v. 6123.

ÉTYMOLOGIE

On le tire du bas-latin fredum, qui, signifiant amende pour avoir troublé la paix, a pu prendre le sens général de déboursés, et qui vient de l'ancien haut allemand fridu, la paix ; anglo-sax. frith ; danois, fred. Fredum a pu très bien donner au régime singulier frait ; mais on trouve dans du Cange fractus, fractum, avec le sens de dépenses, qui, lui aussi, donnerait frait, comme fracta avait donné fraite, brèche ; en ce sens le frait est le dommage, et devient, par une transition naturelle, la dépense destinée à le réparer. Ce qui décide la question en faveur de fractum, c'est que le sens en est précis dans le bas-latin, tandis qu'aucun intermédiaire ne nous reporte à fredum, dont, originellement, le sens est autre. Fractum est le latin fractus, participe passif de frangere, briser (voy. FRAGILE).

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

2. FRAIS. Ajoutez :
5 Terme de pratique. Exposer les frais, faire l'état des frais. Considérant que le document sur lequel les appelants fondent leur demande est un mémoire de frais rédigé dans la langue du pays où les frais ont été exposés, dûment certifié et légalisé, Gaz. des Trib. 2-3 janv. 1875, p. 5, 3e col.