« gentilhomme », définition dans le dictionnaire Littré

gentilhomme

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gentilhomme

(jan-ti-llo-m', ll mouillées, et non jan-ti-yo-m' ; au pluriel, gentilshommes, prononcé jan-ti-zo-m'. Ce mot était prononcé au XVIIe siècle genteilhomme : Celui qui prononce ce mot autrement ne sait pas que ceux qui sont véritablement nobles se nomment ainsi eux-mêmes, Bibl. des ch. 4e série, t. II, p. 182) s. m.
  • 1Celui qui est de race noble. Gentilhomme de bon lieu. Il est gentilhomme comme le roi. Ne vous mêlez point avec ces gens-là [les Rochelois], qui haïssent le roi à cause qu'il est le premier gentilhomme de son royaume, Guez de Balzac, Lett. 16, liv. I. Qui se dit gentilhomme et ment comme tu fais, Il ment quand il le dit, et ne le fut jamais, Corneille, Ment. v, 3. Ne t'attends pas que je t'aide un seul brin, Ni que par moi ton labeur se consomme ; Je t'ai jà dit que j'étais gentilhomme, Né pour chômer et pour ne rien savoir, La Fontaine, Pagefig. Qu'avez-vous fait dans le monde pour être gentilhomme ? croyez-vous qu'il suffise d'en porter le nom et les armes ? Molière, Festin de P. IV, 6. L'action que vous avez faite n'est pas d'un gentilhomme, et ce n'est pas en gentilhomme aussi que je veux vous traiter, Molière, G. Dand. II, 10. Je suis né de parents qui ont tenu des charges honorables ; je me suis acquis dans les armes les honneurs de six ans de service, …mais, avec tout cela, je ne veux point me donner un nom où d'autres en ma place croiraient pouvoir prétendre, et je vous dirai franchement que je ne suis point gentilhomme, Molière, Bourg. III, 12. Louer dans un gentilhomme chrétien ce que Jésus-Christ même a voulu avoir [la noblesse par David], n'aurait rien, ce semble, que de conforme aux règles de la foi, Bossuet, Gornay. Tu fais le gentilhomme ! hé Dandin, mon ami, Racine, Plaid. I, 4. Qu'est-ce qu'un gentilhomme ? un pilier d'antichambre, Racine, ib. I, 4. Son père l'a fait riche, il fera son père gentilhomme, Baron, Coquette et fausse prude, I, 4. Le gentilhomme de Louis XVI dit j'attendrai ; le gentilhomme de Bonaparte dit j'attendrons, Courier, Lett. VIII. Voici un mot de la reine Christine à Espartero : Je t'ai fait duc de la Victoire, marquis de… comte de … mais jamais je n'ai pu te faire gentilhomme, Alph. Karr, les Guêpes, janvier 1841.

    Avant les ordonnances de 1579 et de 1600, gentilhomme se disait à la fois du noble de race et de celui qui avait acquis la noblesse par l'exercice constant des armes ou par la possession d'un fief ; gentilhomme de nom et d'armes se disait exclusivement du noble de race ; les ordonnances de 1579 et de 1600 supprimèrent la noblesse acquise par l'exercice constant des armes et la noblesse acquise par la possession des fiefs (HÉNAULT).

    Vivre en gentilhomme, vivre sans rien faire. De travailler pour lui [l'estomac] les membres se lassant, Chacun d'eux résolut de vivre en gentilhomme, La Fontaine, Fab. III, 2.

    Troc de gentilhomme, troc où de part et d'autre on ne fait qu'échanger les choses, sans aucun retour en argent.

  • 2Titre de certains officiers attachés au service des princes.

    Gentilshommes de la chambre. Il y avait quatre premiers gentilshommes de la chambre, qui servaient le roi lorsqu'il mangeait en chambre et lui donnaient la chemise en l'absence du premier chambellan. Les gentilshommes nommés les quarante-cinq, qui assassinèrent le duc de Guise, étaient une compagnie nouvelle formée par le duc d'Épernon, payée au trésor royal sur les billets de ce duc ; et aucun de leurs noms ne se trouve parmi les gentilshommes de la chambre, Voltaire, Mœurs, 173. Mme d'Étioles obtint alors pour M. de Voltaire le don gratuit d'une charge de gentilhomme ordinaire de la chambre, Voltaire, Comm. Œuv. Aut. Henr. (t. LXIII, p. 59).

    Gentilshommes ordinaires du roi, gentilshommes qui se trouvaient auprès du roi pour recevoir ses ordres et qui servaient par quartiers. Il [Vaugelas] fut gentilhomme ordinaire, et depuis chambellan de M. le duc d'Orléans, qu'il suivit constamment en toutes ses retraites hors du royaume, Pellisson, Hist. Acad. t. I, p. 294, dans POUGENS. Les registres de la chambre des comptes font foi que le maréchal de Rets et le comte de Villequier, tirés du nombre des gentilshommes ordinaires, avaient le titre de premier gentilhomme, charge de nouvelle création, instituée sous Henri II pour le maréchal de Saint-André, Voltaire, Mœurs, 173.

    Gentilshommes au bec de corbin, voy. CORBIN.

    Gentilshommes de la manche, nom donné aux gentilshommes qui se trouvaient continuellement auprès du prince, quand il était jeune homme. Il mène deux gentilshommes de la manche, quelques valets de chambre, trois ou quatre officiers pour lui donner à manger à la française, Maintenon, Lettre au card. de Noailles, 17 nov. 1700.

    Gentilhomme servant, celui qui ne servait que les têtes couronnées et les princes du sang, et toujours l'épée au côté. Quoi que vous en disiez, Aminte est ma parente, Mesdames ; car Aminte est fille de Damon, Gentilhomme servant et petit-fils d'Orgon, Boissy, Babillard, sc. 9.

    Fig. Gentilshommes d'artillerie étaient des officiers qui n'avaient pas d'autre emploi que de garder les pièces, d'empêcher qu'elles ne s'altérassent et de hâter l'ouvrage des canonniers.

  • 3 Par plaisanterie. Gentilhomme à lièvre, petit gentilhomme qui, les trois quarts de l'année, se nourrit du produit de sa chasse.

    C'est un gentilhomme de Beauce, il est au lit quand on fait ses chausses, se dit d'un gentilhomme pauvre.

    Gentilhomme de ligne, se disait par dérision pour faire entendre qu'un homme est fils ou petit-fils d'un pêcheur.

    Gentilhomme de parchemin, homme qui vient d'être anobli.

  • 4 Par ironie et par moquerie, on appelle gentilhomme celui dont on veut dire qu'il n'a ni naissance, ni honneur, ni qualité. Ce petit gentilhomme [un intrigant qui vit aux dépens de ses maîtresses] fera une belle campagne cette année, Dancourt, l'Été des coquettes, sc. 14. Quoi ! c'est votre cousin que ce M. Guillaume, madame Pinuin ? ce gentilhomme-là ne fait point de déshonneur à la famille, Dancourt, les Curieux de Compiègne, sc. 8. Le fils du logis arriva bientôt après, jeune gentilhomme aussi délabré qu'on en pût voir [c'est le fils d'un pauvre paysan], Hamilton, Hist. de Fleur d'épine. Et comment, s'il vous plaît, s'appelle cet aimable gentilhomme ? - Il s'appelle M. de la Fleur. - Votre valet de chambre ? - Justement, Destouches, Tambour nocturne, III, 2.
  • 5Dans quelques campagnes on nomme gentilhomme le porc qu'on engraisse, parce qu'il vit sans travailler, ou parce qu'il est vêtu de soie.
  • 6Sorte d'oiseau, voy. FOU, n° 18.
  • 7 Terme de métallurgie. Pièce de fonte sur laquelle s'écoule le laitier du haut fourneau.

HISTORIQUE

XIIe s. Ele [Adèle] fu de Chartres cuntesse, Espuse al cunte Estievenun, Gentil home, noble barun, Roman de Rou, v. 9654. Mielz valt fiz à vilain qui est prouz e senez, Que ne fait gentilz hum failliz e debutez, Th. le mart. 63.

XIIIe s. Et assez me tient-on en mon païs pour jentil home, H. de Valenciennes, X. Dame, il vous convient laissier votre signeur, car il n'est mie assés gentius hom pour tenir le roiaume de Jerusalem, Chr. de Rains, p. 19. Et si sunt il plus gentil homme, Que cil qui vont chacier as lievres Et que cil qui sunt coustumiers De maindre [demeurer] es palais principiers, la Rose, 18954. Et s'il ne pot prover, il pert se [sa] demande, et si est l'amende de cinq saus, et de dix saus s'il est gentieus homs, Beaumanoir, XXX, 48. Tuit li franc ne sunt pas gentil home, Beaumanoir, XXX, 48. Et jouoit le comte de Poitiers si courtoisement, que, quand il avoit gaaingué, il fesoit ouvrir la sale et fesoit appeler les gentilz homes et les gentilz femmes, se nulz y en avoit…, Joinville, 254.

XVe s. Et demeura prisonnier à cinq ou six hommes gentils Allemands, Froissart, I, I, 91.

XVIe s. Laboureurs vit repaistre en leurs maisons Sans craincte ou pour [peur], plus fiers que gentilz homs, Marot, J. t. v, p. 61. Quant Adam beschoyt et Eve filoit, qui estoyt alors gentilhomme ? Palsgrave, p. 511. Gentilhomme de la courte espée [un coupeur de bourse], Oudin, Dict. Au siege de Rouen, aux premieres guerres, un capitaine qu'on tient pour très grand aujourd'huy et qui a grande garde, mais des lors il n'estoit que simple gentilhomme servant de guerre, Brantôme, Cap. fr. t. I, p. 98, dans LACURNE. Il y avoit avec Monsieur plusieurs gentilz hommes de ses voisins, c'estoient gentilz hommes de la petite passe [de minces gentilshommes], Moyen de parvenir, ch. intitulé cérémonie. C'est affaire à celuy qui veut estre gentilhomme aller à l'assaut, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 30. Foy de gentilhomme, un autre gage vaut mieux, Leroux de Lincy, ib. Il est gentilhomme, son pere alloit à la chasse avec un fouet, Leroux de Lincy, ib. Il ne faut passer que de pays en autre pour estre gentilhomme, Leroux de Lincy, ib. Le roy Louis XI disoit qu'il annobliroit assez, mais n'estre en sa puissance faire un gentilhomme ; cela venant de trop loing et de rare vertu, Noel Dufail, Contes d'Eutrapel, ch. 6.

ÉTYMOLOGIE

Gentil, et homme : c'est-à-dire homme de race ; provenç. gentils hom ; catal. gentil home ; espagn. gentilhombre ; portug. gentil-homem ; ital. gentiluomo. Dans l'ancien français gentilz hom est le nominatif ; gentil home est le régime ; on disait gentils feme, pour femme noble.