« honorer », définition dans le dictionnaire Littré

honorer

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

honorer

(o-no-ré) v. a.
  • 1Rendre honneur et respect. C'est là que sur mon trône avec plus de splendeur Je puis honorer Rome en son ambassadeur, Corneille, Nicom. III, 1. Honorez moins, seigneur, une âme criminelle, Corneille, Cinna, V, 3. Pour honorer saintement la mère de Dieu, il faut l'honorer judicieusement, Bourdaloue, Assompt. de la Vierge, Myst. Craignez Dieu et honorez les puissances, Bourdaloue, 6e dim. après l'Épiphan. Dominic. Auguste votre aïeul honora moins Livie, Racine, Brit. I, 1. Honore ton père et ta mère, si tu veux vivre longuement ; j'oserais dire : honore ton père et ta mère, dusses-tu mourir demain, Voltaire, Dict. phil. Pères, mères. Paraissez innocent ; il me sera bien doux D'honorer dans ma cour un héros tel que vous, Voltaire, Œdipe, II, 4.

    Il se dit aussi des choses auxquelles on accorde honneur. C'est en vain qu'on croit honorer la mémoire des gens de bien qui sont décédés, si l'on ne va recueillir les restes de leur esprit sur ces tombeaux où l'on rend les honneurs funèbres aux tristes dépouilles de leur corps mortel, Fléchier, Lamoignon. C'est ainsi que le roi Honore le mérite et couronne la foi, Racine, Esth. II, 5. Seigneur, honorez moins une faible conquête, Racine, Iphig. I, 2. Nérestan, Châtillon, et vous… de qui les pleurs Dans ces moments si chers honorent mes malheurs, Voltaire, Zaïre, II, 3. Mes mains peuvent d'un père honorer le tombeau, Voltaire, Oreste, I, 1.

  • 2Accorder des marques d'honneur, des distinctions. C'est ainsi que sera honoré celui qu'il plaira au roi d'honorer, Sacy, Bible, Esther, VI, 9. Il veut, pour m'honorer, la tenir [Hermione] de ma main, Racine, Andr. III, 1.

    Absolument. Le roi ne sait que c'est d'honorer à demi, Corneille, Hor. IV, 2.

    Fig. La lune s'était levée avec son croissant d'un argent si beau et si vif que les yeux en étaient charmés ; elle semblait vouloir honorer le soleil en paraissant claire et lumineuse par le côté qu'elle tournait vers lui, Bossuet, Concupisc. 32.

  • 3Accorder comme une distinction, comme une faveur. Les deux que j'honorais d'une si haute estime, Corneille, Cinna, IV, 1. J'eus soin de vous nommer, par un contraire choix, Des gouverneurs que Rome honorait de sa voix, Racine, Brit. IV, 2. De cette autre entreprise honorez mon audace, Racine, Mithr. III, 1. …Sa beauté, sa grâce tant vantée, Présents dont la nature a voulu l'honorer, Racine, Phèdre, II, 1. Il embrasse les genoux de cet homme qu'il ne daignait pas, une heure auparavant, honorer d'un de ses regards, Fénelon, Tél. XI. Honore d'un regard ton épouse fidèle, Voltaire, Tancr. V, 6. Si tes yeux [de Dieu] quelquefois Honorent d'un regard les peuples et les rois, Voltaire, Henr. X.

    Il se dit de la chose accordée comme honneur. Votre confiance m'honore.

  • 4Avoir beaucoup d'estime pour quelqu'un. Comme je leur dirai de vos nouvelles, je vous supplie très humblement, mademoiselle, d'en dire des miennes aux personnes que vous savez que j'honore et que j'aime le plus, Voiture, Lett. 38. Vous voudriez bien savoir qui est la personne qui en écrit de la sorte ; mais contentez-vous de l'honorer sans la connaître ; et, quand vous la connaîtrez, vous l'honorerez bien davantage, Pascal, Rep. aux 2 premières lettres. Un homme que j'honore, en qui je remarque les plus beaux talents, Bourdaloue, Instruct. Prudence du salut, Exhort. Quoi ! Rome et l'Italie en cendre Me feront honorer Sylla ! Rousseau J.-B. Ode à la Fort.
  • 5Donner un caractère honorable à une chose. Pour ce qui touchait sa personne, on voyait qu'il prenait à tâche d'honorer le seul nécessaire, par un retranchement effectif de toutes les superfluités, Bossuet, Cornet. Des âmes oisives qui n'achètent ces titres vains d'occupation et de dignité [des charges] que pour satisfaire leur orgueil et pour honorer leur paresse, Fléchier, le Tellier. Chose à la vérité incroyable, mais qui a été honorée de la foi des Romains, Hist. des Vestales, dans DESFONTAINES.

    Fig. et familièrement. Honorer l'aventure, y ajouter des circonstances qui l'embellissent. Ce tremblement de terre… a été mis là pour tenir compagnie aux foudres et pour honorer l'aventure, Fontenelle, Oracles, II, 3.

  • 6Faire honneur à, être l'honneur de. Aux temps les plus féconds en Phrynés, en Laïs, Plus d'une Pénélope honora son pays, Boileau, Sat. X.

    Il se dit aussi des choses qui font honneur. La mort de son fils même honora mon courage, Voltaire, Fanat. I, 1. Qu'il est doux de porter un nom qui nous honore, Chénier M. J. Gracques, I, 4.

  • 7Dans l'ancien langage de la politesse, témoigner ses respects. Si je ne m'efforçais de me donner à vous encore plus que jamais et d'ajouter quelque chose à l'affection dont je vous ai honoré toute ma vie, Voiture, Lett. 168. M. de Pompone a passé le jour ici, il vous aime, et vous honore, et vous estime parfaitement, Sévigné, 416. J'honore de tout mon cœur madame votre sœur, Bossuet, Lett. abb. 171. Dites à Mme de Ventadour combien je l'honore, Maintenon, Lett. à Mme de St-Géran, 27 août 1704.

    On ne dirait plus maintenant comme fait Voiture, honorer de son affection ; cette tournure serait prise à contre-sens, parce que honorer emporte l'idée d'honneur chez celui qui honore, et que personne ne veut se faire ce compliment à soi-même.

    Aujourd'hui, la formule de politesse où entre honorer, est : La lettre, la visite dont vous m'avez honoré. Je suis pénétré, monsieur, de tous les sentiments que je vois dans la lettre dont vous m'honorez de Versailles, premier de février, Voltaire, Lett. à M. Dupont, 14 fév. 1776.

  • 8 Terme de commerce. Accepter et payer avant la remise des fonds. S'il vous revient quelqu'une de mes lettres de change protestées, je vous prie de les honorer.
  • 9Dans le langage moderne, honorer un avocat, un médecin, lui payer ses honoraires.
  • 10S'honorer, v. réfl. Faire une chose qui honore. Il s'est honoré par cette action.

    S'attirer de la considération. Et pour comble d'horreur, elle a cru s'honorer ! Voltaire, Tancr. IV, 2.

    Tirer vanité, honneur d'une chose. Attachés sur vos yeux, s'honorer d'un regard Que vous aurez sur eux fait tomber au hasard, Racine, Brit. II, 2. Et qui de ma faveur se voudrait honorer ? Racine, Iphig. V, 2. On vient dans ce temple saint, non pas honorer le Dieu qui l'habite, mais s'honorer souvent soi-même d'un vain extérieur de piété, Massillon, Carême, Respect dans les temples. Souffrez que dans cet heureux jour Je m'honore à vos yeux du prix de mon courage, Ducis, Roméo, I, 3.

  • 11Avoir une estime réciproque l'un pour l'autre. Ces deux hommes se sont toujours honorés l'un l'autre.

HISTORIQUE

XIIe s. Franc, dist Rolant, bone gent honorée, Ronc. p. 48. Certes, dame, moult s'oneure Qui courtois est contre tort, Couci, IV. Car c'est adès toute m'intention, Dame, de vous honourer et servir, ib. XIII. L'arcevesques Thomas sovent le mercia De son bel acuilleir, e que tant l'onura, Th. le mart. 58. Sun estriu li teneit li reis al remunter ; E quant li arcevesques le voleit refuser : Nel lairrai, faiseit il, à ceste feiz ester : Mes pere [mon père] estes en Deu, je vus dei honurer, ib. 114.

XIIIe s. Li arcevesque a la messe cantée ; D'une once d'or l'a li cons [comte] honorée, Roman de Roncevaux, dans DU CANGE, Gloss. fr. Quant il oirent que li marchis venoit, si alerent encontre li et l'ennorerent moult durement, Villehardouin, XXVII. [Ceux qui firent la loi] honneurent ceulx qui bien font, Latini, Trés. p. 278. Dames honeurt [qu'il honore] et damoiseles, Mès ne se fie trop en eles, la Rose, 18889.

XVe s. Ils prirent congé [les Hainuyers] au roi, à madame sa mere, qui grandement les honorerent ; et les fit le roi accompagner de douze chevaliers, Froissart, I, I, 44.

XVIe s. Des nobles qui par leur vertu honorent leur noblesse, Montaigne, I, 130. Tableau qui honorerera tout le reste de cette besongne, Montaigne, I, 206. Cela me faict honorer à merveille la response de ce soldat…, Montaigne, I, 217. J'honore le plus ceulx que j'honore le moins [dans mes lettres, ceux à qui je donne le moins de formules de politesse], Montaigne, I, 292. Près de luy les approche, et les rend venerables [les savants], S'honorant d'honorer les hommes honorables, Ronsard, 663. Car, durant mes travaux, je prendroy patience, Voire et m'honoreroy de beaucoup endurer…, Desportes, Diane, I, 68.

ÉTYMOLOGIE

Berry, hanorer (han prononcé comme dans l'an) ; provenç. honorar, honrar, onrar, hondrar ; espagn. et portug. honrar ; ital. onorare ; du latin honorare. Dans le XVIe siècle, Palsgrave, p. 56, dit que dans honnorer (ainsi écrit) les deux n se prononcent.