« incliner », définition dans le dictionnaire Littré

incliner

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

incliner

(in-kli-né) v. a.
  • 1Mettre dans une situation qui fait un angle avec une certaine direction, surtout par rapport à l'horizon. Incliner un vase pour verser la liqueur qu'il renferme.
  • 2Baisser, courber vers la terre. C'est une extrême folie de n'oser incliner la tête devant ce précieux monument de la gloire de Jésus-Christ, Bossuet, Lett. sur l'ador. de la croix. Mon frère, étais-tu fait pour incliner la tête Sous le poids des torrents vomis par la tempête ? Ducis, Lear, IV, 5. Sujet et courtisan, Cours au pied d'un despote incliner ton turban, Ducis, Abufar, III, 4.
  • 3 Fig. Porter à, disposer à. Où le ciel nous incline, à quoi sert la menace ? Régnier, Élég. II. Et je sais encor moins comment votre cousine Peut être la personne où son penchant l'incline, Molière, Mis. IV, 1. Nos besoins nous inclinent à adhérer à ce qui est bon, Bossuet, Sermons, Culte dû à Dieu, 1. Vous ne pouvez pas encore concevoir comment est-ce que le Tout-Puissant peut mouvoir et incliner les volontés libres, Fénelon, t. III, p. 272. Ces penchants heureux qui inclinent notre âme à la miséricorde, Massillon, Myst. Misér. Quels que soient les secours étrangers qui vous ont incliné vers le bien…, Diderot, Essai sur la vertu.

    Absolument. Le vent berçait et inclinait à rêver, Diderot, dans le Dict. de POITEVIN.

  • 4 V. n. Être incliné, courbé vers. Et l'éternelle croix qui, surmontant le faîte [du Colisée de Rome], Incline comme un mât battu par la tempête, Lamartine, Méd. II, 20.

    Fig. Incliner vers sa fin, approcher de la fin, de la chute, de la ruine. La grandeur de Carthage incline vers la fin, Mairet, M. d'Andr. II, 3.

    La victoire incline de ce côté, se dit en parlant de l'armée qui commence à obtenir l'avantage dans une bataille. Où chacun, seul témoin des grands coups qu'il portait, Ne pouvait discerner où le sort inclinait, Corneille, Cid, IV, 3.

  • 5Avoir de l'inclination, de la prédilection pour quelque chose, être porté à quelque chose. Le cœur de la fille Inclinait trop pour notre jouvenceau, La Fontaine, Remède. La dame Pour l'autre emploi inclinait dans son âme, La Fontaine, Remois. De quelque côté qu'il incline, c'est sa volonté qui l'y porte, Pascal, Prov. 8. Les confesseurs inclinent toujours à la miséricorde, Bossuet, Sermons, Sur la satisfaction, 3. Pendant que Rome incline vers l'aristocratie, Montesquieu, Esp. v, 8. Valérius se présente devant Claude et se défend ; Claude incline à l'absoudre, Diderot, Claude et Nér. I, 84.

    Incliner, v. n. se conjugue avec l'auxiliaire avoir, quand on veut marquer l'action : Dans son avis, il a incliné pour la rigueur ; et avec l'auxiliaire être, quand on veut marquer l'état : Il était incliné pour la rigueur.

  • 6S'incliner, v. réfl. Être dans une certaine situation faisant angle avec une direction donnée, spécialement avec l'horizon. L'étoile polaire s'incline de plus en plus sur l'horizon à mesure qu'on marche vers l'équateur.
  • 7Se baisser, se courber. L'arbre plie et s'incline, battu par les vents. On vit la mère du grand Condé venir présenter requête à la porte de la grand'chambre, et implorer la protection de tous les conseillers en s'inclinant devant eux à mesure qu'ils passaient, Voltaire, Hist. parl. ch. LVI. Quand il avait débité sa science, Serrant le bec et parlant en cadence, Il s'inclinait d'un air sanctifié, Gresset, Vert-vert, II. Et mon riche habit me conseille D'apprendre à m'incliner bien bas, Béranger, Habit de cour.

    Fig. Se prosterner par respect, par crainte. Voyez… comme elle abaisse cette tête auguste devant laquelle s'incline l'univers, Bossuet, Mar.-Thér.

REMARQUE

Du temps de Vaugelas, quelques-uns, même à la cour, disaient encliner ; c'est un archaïsme ; Balzac l'a encore dit : à quoi il voyait que tous enclinoient, le Prince, 22.

HISTORIQUE

XIe s. Li rois paiens profondement l'encline [s'incline devant lui], Ch. de Rol. LXXV.

XIIe s. Et chascuns d'eux inclina à Mahon, Ronc. p. 128. Marsille l'ot [ouït], s'a la teste enclinée, ib. p. 146. Prendons garde de com grant force il fut, cui li amors de tant oir [de tant d'héritiers] n'enclinat à avarisce d'eritage, Job, p. 443.

XIIIe s. De joie s'est la vieille vers le roy enclinée, Berte, XVI. Dès que les vi, vers eus [je] m'enclin, Saluai les le chief enclin, la Rose, 10097. Nos devons encliner nostre ame au contraire de nos desirriers jusqu'à tant que li mi [le milieu] viegne, Latini, Trés. p. 274.

XIVe s. L'en ly doit faire reverence selon ce que il appartiont à son age, si come en soy lever ou encliner contre eulz, ou en teles choses, Oresme, Eth. 262. Il est tout cler que telles petites fortunes ne font pas incliner la vie d'un bon homme en mal ou en misere, Oresme, ib. 24.

XVe s. Le comte de Flandre passoit outre sans parler et les inclinoit moult petit de chef, Froissart, II, II, 60. Le jeune Edouard s'adonnoit le plus et s'inclinoit de regard et d'amour sur Philippe [fille de Guillaume de Hainaut] que sur les autres, Froissart, I, I, 15.

XVIe s. À leur requeste ne furent aucunement enclinez les fouaciers, Rabelais, Garg. I, 25. À genoulx, teste nue, encliné en un petit coing de son cabinet, Rabelais, ib. I, 32. Mais en grande peine s'inclinoyt pour prendre à tout la langue quelque lippée, Rabelais, Pant. II, 4. On eust failly moins dommageablement s'inclinant vers l'indulgence, Montaigne, I, 183. Ils se donnent loy d'incliner l'histoire à leur fantaisie, Montaigne, II, 110. Sa providence [de Dieu] incline l'evenement d'une bataille comme le sault d'une puce, Montaigne, II, 268. Cette once de verisimilitude qui incline la balance, Montaigne, II, 318. Ja sur l'aage inclinant ce prince le trouva, Du Bellay, J. VIII, recto. Par sa grace [de Dieu] la volonté est incitée à aimer le bien, inclinée à le desirer, et esmeue à le cercher et s'y adonner, Calvin, Inst. 218. Ceux qui veulent recevoir aucune chose que l'on verse d'un vase en un autre, enclinent et tournent leurs vases la bouche devers ce que l'on y verse, Amyot, Comment il faut ouïr, 5. Il y eut plusieurs des senateurs qui flechirent, inclinans à vouloir faire la paix, Amyot, Pyrrh. 38. Ismenias, lui estant commandé qu'il s'inclinast pour faire la reverence au roi, laissa cheoir son anneau, Amyot, Art. 30.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. enclinar, inclinar ; esp. inclinar ; ital. inchinare ; du lat. inclinare, de in (voy. IN… 2), et clinare, pencher (voy. CLIN).