« mensonge », définition dans le dictionnaire Littré

mensonge

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

mensonge

(man-son-j') s. m.
  • 1Discours contraire à la vérité, tenu avec dessein de tromper. Le meilleur que j'y voie, c'est que ses mensonges ne feront pas geler les vignes, Malherbe, Lettres, II, 29. Voilà jusqu'à quel point vous charment leurs mensonges [des chrétiens] ! Corneille, Poly. IV, 3. L'homme est de glace aux vérités ; Il est de feu pour le mensonge, La Fontaine, Fabl. IX, 6. Voyons, voyons un peu par quel biais, de quel air Vous voulez soutenir un mensonge si clair, Molière, Mis. IV, 3. Ce qu'ils [les Perses] trouvaient le plus lâche après le mensonge, était de vivre d'emprunt, Bossuet, Hist. III, 5. Celui-ci s'échauffe dans un barreau ; les autres dans leurs boutiques débitent plus de mensonges que de marchandises, Bossuet, Sermons, Quinquag. préambule. Ce commerce continuel de mensonges ingénieux pour se tromper, injurieux pour se nuire, officieux pour se corrompre, Fléchier, Duc de Mont. De nouveau tu semas tes captieux mensonges, Boileau, Sat. XI. D'un mensonge si noir justement irrité, Je devrais faire ici parler la vérité, Racine, Phèdre, IV, 2. Le mensonge jamais n'entra dans tes discours, Racine, Esth. II, 5. Les dieux voient ma sincérité ; c'est à eux à conserver ma vie par leur puissance, s'ils le veulent ; mais je ne veux point la sauver par un mensonge, Fénelon, Tél. III. Il savait taire un secret sans dire aucun mensonge, Fénelon, ib. XVI. Mahomet… Assemblage inouï de mensonge et d'audace, Voltaire, Fanat. II, 5. Nous avons attaché d'autant plus d'infamie au mensonge, que, de toutes les mauvaises actions, c'est la plus facile à cacher et celle qui coûte le moins à commettre, Voltaire, Traité métaph. 9. Un système de mensonges ressemble plus à la vérité qu'un seul mensonge isolé ; plus on voit de choses à contredire à la fois, moins on en contredit, Diderot, Claude et Nér. II, 98. Tout ce qui, contraire à la vérité, blesse la justice en quelque façon que ce soit, c'est mensonge, Rousseau, 4e prom. Et, meublant de Maret la boutique infernale, Ils dînent du mensonge et soupent du scandale, Chénier M. J. Disc. sur la calomnie.

    Mensonge innocent, mensonge sans conséquence, qui ne peut nuire à personne.

    Mensonge officieux, mensonge fait dans l'intention d'être utile ou agréable à quelqu'un. Ne fût-ce que pour réparer le mensonge officieux de votre ami, Maintenon, Lett. à la mar. d'Albret, 1664, t. I, p. 34, dans POUGENS. Ce qu'on appelle mensonges officieux sont de vrais mensonges, parce qu'en imposer à l'avantage soit d'autrui, soit de soi-même, n'est pas moins injuste, que d'en imposer à son détriment, Rousseau, 4e prom.

    Fig. et familièrement. Un mensonge puant, un puant mensonge, un mensonge évident et grossier.

    Le champ du mensonge, lieu en Alsace où Louis le Débonnaire fut trahi par ses fils, en 833.

  • 2 Particulièrement. Une fausse doctrine religieuse. Ô Dieu de vérité, vous n'avez pas créé cet esprit pour le mensonge ; laissez couler sur lui, du sein de votre gloire, un de ces rayons pénétrants de votre grâce…, Fléchier, Duc de Mont. Vous malheureux, assis dans la chaire empestée, Où le mensonge règne et répand son poison, Racine, Ath. III, 4.

    Dans le langage de l'Écriture, l'esprit du mensonge, le père du mensonge, le diable.

  • 3 Poétiquement. Fable, fiction. La poésie vit de mensonges. Le mensonge et les vers de tout temps sont amis, La Fontaine, Fabl. II, 1. Amusez les rois par des songes, Flattez-les, payez-les d'agréables mensonges, La Fontaine, Fabl. VIII, 14. Quand la Grèce parlait, l'univers en silence Respectait le mensonge ennobli par sa voix, Voltaire, Odes, 5. Que ces agréables mensonges Sont au-dessus des vérités ! Et que votre reine des songes Est la reine des voluptés ! Voltaire, Lett. Cideville, 26 juin 1735.
  • 4Erreur, illusion, vanité. Mes yeux, puis-je vous croire et n'est-ce point un songe Qui sur mes tristes vœux a formé ce mensonge ? Corneille, Pomp. V, 1. C'est une maladie naturelle à l'homme de croire qu'il possède la vérité directement… en effet il ne connaît naturellement que le mensonge, Pascal, Espr. géom. I. L'homme n'est que déguisement, que mensonge et hypocrisie, et en soi-même et à l'égard des autres, Pascal, Pens. II, 8, éd. HAVET.

    PROVERBE

    Tous songes sont mensonges, c'est-à-dire il ne faut pas s'arrêter aux songes ni leur accorder aucune foi.

REMARQUE

Mensonge, féminin dans le début, a commencé à devenir indifféremment masculin et féminin dans le XVIe siècle et même plus tard ; aujourd'hui il n'est plus que masculin. D'abord les grammairiens m'appelleront en justice parce que je ne dis point une mensonge, et ne crois pas que la juridiction qu'ils ont sur les mots, puisse faire changer de sexe à celui-ci, Guez de Balzac, liv. IV, lett. 30.

SYNONYME

1. MENSONGE, MENTERIE., Ces deux mots, qui ne diffèrent que par le suffixe, sont très sensiblement synonymes ; mais l'emploi n'en est pas le même. Menterie appartient au style familier, et mensonge est de tous les styles : c'est pourquoi mensonge seul se dit figurément dans le style élevé.

2. FAIRE UN MENSONGE, DIRE UN MENSONGE., Ces deux expressions sont synonymes, et, ici, faire n'a que le sens de dire, bien que Roubaud ait voulu les distinguer, en prétendant que dire un mensonge, c'est le proférer, et faire un mensonge, le composer.

HISTORIQUE

XIe s. S'altre le dist, jà semblast grant mençonge, Ch. de Rol. CXXXI.

XIIe s. Tu perderas tuz celz [ceux] chi parolent menceunge, Liber psalm. p. 4. S'autre le dist, menzoigne fust prouvée, Roncisv. 84. Que Thomas l'arcevesque… Ne seit de ses mençoignes creüz ne escultez, Th. le mart. 54.

XIIIe s. Là me sovint des gens de male guise Qui m'ont mis sus mensoigne à escient, Que j'ai chanté des dames laidement, Quesnes, Romanc. p. 89. Se je vous trouve à mençonge, vous le comperrez [payerez] durement, Chr. de Rains, 140. Nule raison qui soit proposée de l'une partie ne de l'autre, en le [la] quele on voit aperte menchonge, de li meïsme ne doit estre receue en jugement, Beaumanoir, VIII, 16. Et nos orrons bien se tu li diras nule mençonge, Merlin, f° 33, verso.

XIVe s. Or est-il ainsi que mensonge ou mentir est une chose malvese de soy et de sa nature, Oresme, Eth. 134.

XVe s. Et au partir advisa une plus belle mensonge… ce fut qu'il me dit…, Commines, VIII, 12.

XVIe s. Une effrontée et solenne mensonge, Montaigne, I, 37. Si comme la verité le mensonge n'avoit qu'un visage, Montaigne, ib. Vin tant divin, loing de toy est forclose toute mensonge et toute tromperie, Rabelais, Pant. V, 44. M. Bayard m'a envoié une accoustumée mensonge que l'empereur a escripte au pape, dont je suis très aise, car les enfans peuvent estre juges de la verité, Marguerite de Navarre, Lettre CXIV. Encore qu'il soit assez coustumier de fourvoyer de la verité pour escrire des mensonges et comptes faits à plaisir, Amyot, Artax. 7.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. mensonga, mensonja, messonga, messonja, messorga ; anc. cat. mensongia ; ital. menzogna. Dérivation irrégulière du verbe mentir. Il y a deux formes : dans mençoigne, menzogna, vu la finale semblable à vergoigne, vergogna, du latin verecundia, la finale représente undia ; dans mensonge, féminin, vu la finale semblable à chalonge, qui est le latin calumnia, la finale onge représente umnia ; telle est la valeur de ces suffixes ; maintenant, comment se sont-ils agencés à mentir ? On ne le sait.