« péché », définition dans le dictionnaire Littré

péché

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

péché

(pé-ché ; Ménage recommande de dire peché et non péché) s. m.
  • 1Transgression volontaire de la loi religieuse. Mes maux seront encor moindres que mes péchés, Rotrou, St Gen. IV, 7. Le péché est le violement de la loi, Sacy, Bible, St Jean, 1re épît. III, 4. Étonné d'un tel discours, selon lequel tous les péchés de surprise et ceux qu'on fait dans un entier oubli de Dieu ne pourraient être imputés, Pascal, Prov. IV. La nature nous tente continuellement… mais le péché n'est pas achevé, si la raison ne consent, Pascal, Lett. sur la mort de son père. Il [Jésus-Christ] a adopté nos péchés, et nous a admis à son alliance ; car les vertus lui sont propres, et les péchés étrangers ; et les vertus nous sont étrangères, et nos péchés nous sont propres, Pascal, Pens. XXV, 105, éd. HAVET. La raison pour laquelle les péchés sont péchés, c'est seulement parce qu'ils sont contraires à la volonté de Dieu, Pascal, Lett. à Mlle de Roannez, 5. Si j'avais autant pleuré mes péchés, que j'ai pleuré pour vous depuis que je suis ici…, Sévigné, 34. Après tant de maux et tant de traverses, elle ne connut plus d'autres ennemis que ses péchés, Bossuet, Reine d'Anglet. Il ne reste plus à l'homme [qui meurt] que le néant et le péché ; pour tout fonds, le néant, pour toute acquisition, le péché, Bossuet, Anne de Gonz. Ô sacré pontife, quand vous tiendrez en vos mains la sainte victime qui ôte les péchés du monde, Bossuet, ib. Comme le christianisme a pris naissance de la croix, ce sont aussi les malheurs qui le fortifient ; là on expie ses péchés, là on épure ses intentions, Bossuet, Reine d'Anglet. Le péché est le seul mal qu'on guérit en le pleurant, Bossuet, Médit. sur l'Évang. Sermon sur la montagne, 4e jour. Dès que nous sommes si malheureux que d'être tout à fait d'accord avec nos péchés, Bossuet, Sermons, Nécess. de travailler au salut, 1. Le péché est un mouvement de la volonté de l'homme contre les ordres suprêmes de la sainte volonté de Dieu, Bossuet, Sermons, Nécessité de la pénit. 1. Par une suite funeste mais naturelle, les péchés même des grands deviennent les modes des peuples, Fléchier, Marie-Thér. Est-ce un corps de péché comme le vôtre qui mérite d'être tant ménagé ? Massillon, Carême, Jeûne.

    Il mourra dans son péché, se dit de quelqu'un obstiné dans le mal. Si vous attendez de vous convertir à la mort, vous mourrez dans votre péché, Massillon, Carême, Impén. fin.

    Familièrement. Vous en porterez le péché, je mets cela sur votre conscience. Si j'y vais, pour le moins ce sera malgré moi, et vous en porterez le péché, Hauteroche, Esp. foll. V, 14.

    Vieux péchés, les péchés qu'on a commis anciennement, dans la jeunesse. Peut-on faire mieux que d'expier ses vieux péchés en mettant son expérience au service de la morale ? Ch. de Bernard, La chasse aux amants, § 2.

    Rechercher les vieux péchés de quelqu'un, fouiller dans sa vie passée à dessein de lui nuire.

    Mettre quelqu'un, quelque chose au rang des vieux péchés, des péchés oubliés, n'y plus songer, ne s'en soucier plus. On a beau nous aimer, les pleurs sont tôt séchés, Et les morts soudain mis au rang des vieux péchés, Corneille, la Veuve, IV, 5. Et mettons notre amour au rang des vieux péchés, Molière, le Dép. IV, 2.

    Familièrement. Laid comme le péché, très laid. Il y avait à Marseille une madame Arnould, laide comme le péché, Saint-Simon, 68, 124.

    Fig. Ce n'est pas un grand péché, ce n'est pas un péché irrémissible, se dit des fautes légères dans le commerce de la vie, qu'on veut atténuer.

    Familièrement. Pour mes péchés, pour la peine que je mérite, pour me punir. Et c'est pour mes péchés que je vous aime ainsi, Molière, Mis. II, 2. Le gouverneur, pour mes péchés, s'avisa de venir entendre la messe dans cette église, Lesage, Guzm. d'Alfar. III, 5.

  • 2Péché mortel, péché qui donne la mort à l'âme. Péché veniel, péché qui ne fait que contrister l'Esprit-Saint sans donner la mort à l'âme. Chrétien, tu sais trop la distinction des péchés véniels d'avec les mortels ; quoi ! le nom commun de péché ne suffira pas pour te les faire détester les uns et les autres ? sais-tu que ces péchés qui semblent légers deviennent accablants par leur multitude ? Bossuet, Mar.-Thér.

    Fig. Dire les sept péchés mortels de quelqu'un, en dire tout le mal qu'on peut imaginer. Vous disiez hautement… les sept péchés mortels contre les gens du monde, Hauteroche, Appar. tromp. I, 2.

    Ils se sont dit les sept péchés mortels, ils se sont dit l'un à l'autre les plus grandes injures.

  • 3Péché de commission, d'omission (voy. COMMISSION).

    Péché de l'esprit, celui qui a pour objet une délectation intérieure ou spirituelle.

    Familièrement. Péché mignon, mauvaise habitude dont on ne veut pas se défaire.

  • 4Péché originel, le péché du premier homme qui passe dans tous ses descendants.

    Absolument. Le péché, le péché originel. Chose étonnante, que le mystère le plus éloigné de notre connaissance, qui est celui de la transmission du péché, soit une chose sans laquelle nous ne pouvons avoir aucune connaissance de nous-mêmes ! Pascal, Pens. VIII, 1. Nulle religion que la nôtre n'a enseigné que l'homme naît en péché, nulle secte de philosophes ne l'a dit ; nulle n'a donc dit vrai, Pascal, ib. XI, 4 ter. Depuis le péché, les plaisirs des sens ont abaissé l'âme vers les choses sensibles, Malebranche, Rech. vér. I, 5.

    Péché actuel, péché fait actuellement, par opposition à péché originel.

    Fig. Dans le langage général. Péché originel, tache, faute inhérente à quelqu'un.

  • 5Péché contre nature, nom que l'on donne par euphémisme à la pédérastie.

    Fig. Attenter à la liberté de son prochain me paraît un crime contre l'humanité ; c'est le péché contre nature, Voltaire, Lett. Thiriot, 6 déc. 1787.

    Péché d'Onan, voy. ONANISME.

  • 6 Fig. Péché se dit quelquefois en plaisantant d'actes que l'on compare à des péchés. Il n'est pas juste de m'attribuer l'Honnêteté littéraire quand je ne l'ai pas faite… j'ai bien assez de mes péchés, sans me charger encore de ceux de mon prochain, Voltaire, Lett. Damilaville, 11 nov. 1767.

PROVERBES

Péché caché est à demi pardonné, c'est-à-dire éviter le scandale rend le mal moindre. Le péché que l'on cache est demi-pardonné, La faute seulement ne gît en la défense : Le scandale, l'opprobre est cause de l'offense, Régnier, Sat. XII.

À tout péché miséricorde, il n'y a point de faute qu'on ne doive pardonner, quand ceux qui l'ont commise s'en repentent.

HISTORIQUE

XIe s. Oez, seigneur, quel pechet nous encombre, Ch. de Rol. II.

XIIe s. E fu lur peschied mult forment granz, Rois, p. 3. Grant pechiez est et grant peine D'amor servir faintement, Couci, IV.

XIIIe s. Li uns pechiés attire l'autre, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 339. Il les tient [des possessions] à tort et à pechié, Villehardouin, LXVIII. Or vous demande je, fist-il, lequel vous ameriez miex, ou que vous feussiez mesiaus [lépreux], ou que vous eussiez fait un pechié mortel, Joinville, 194.

XIVe s. Pour eviter laidure de pechié, Oresme, Eth. 90. Aucune fois, pour la honte du monde, donnent ou refusent paix ou convenables pactis, dont maintes fois ont puis porté de vieux pechez nouveles penitences, en non chalant le jugement de Dieu, Ordonn. de Phil. le Bel sur les duels.

XVe s. La belle Catherine estoit mise avec les pechés oubliés, Louis XI, Nouv. XXVI. On imposait à Octo Castellan, qu'il avoit commis le peché desordonné ou bougrerie, Du Cange, peccatum. Femme de pechié [femme publique], Du Cange, ib. De petit pechié petit pardon, Leroux de Lincy, Prov. t. I, p. 39. Madame, dist le chevalier, vieil peché fait nouvelle vergongne, Perceforest, t. II, f° 104.

XVIe s. Peché d'autruy ne doit nuire, Leroux de Lincy, Prov. t. I, p. 39. L'on ne doit pas avoir d'un peché deux penitences, Leroux de Lincy, ib. t. II, p. 337. Charité oingt et peché point, Cotgrave En coffre ouvert le juste peche, Cotgrave Où richesse est peché est, Cotgrave Quand tous pechez sont vieux, avarice est encore jeune, Cotgrave

ÉTYMOLOGIE

Nivernais, pésé ; bourg. peiché ; prov. peccat, pechat ; cat. pecat ; esp. pecado ; ital. peccato ; du lat. peccatum, de peccare, pécher.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

PÉCHÉ. - SYN. PÉCHÉ CAPITAL, PÉCHÉ MORTEL., Les péchés capitaux sont ainsi nommés parce qu'ils sont la source de tous les autres ; mais ils ne sont pas les seuls péchés mortels. Ainsi la haine, la vengeance, les blasphèmes, les outrages, les meurtres, que le catéchisme donne comme les effets de la colère, sont autant de péchés mortels. Tous les péchés capitaux sont des péchés mortels ; mais tous les péchés mortels ne sont pas des péchés capitaux.

HISTORIQUE

XVIe s. Ajoutez : Quand ce viendra aux payes, aux advantages, aux recompenses, ils [les soldats étrangers] seront mis [par les Espagnols] au rang des pechez oubliez, comme l'on dit, et on les renverra chargez d'injure et de vitupere, Œuvres de Ph. Marnix de Sainte-Aldegonde, Bruxelles, 1859, Écrits politiques et historiques, p. 50.