« refaire », définition dans le dictionnaire Littré

refaire

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

refaire

(re-fê-r') v. a.

Il se conjugue comme faire.

  • 1Faire ce qui a déjà été fait. Refaire un travail, un voyage. Il est vrai que nous ne voyons point qu'on jette par terre toutes les maisons d'une ville pour le seul dessein de les refaire d'autre façon, et d'en rendre les rues plus belles, Descartes, Méth. II, 2. Je n'ai jamais donné cet ouvrage [la Sophonisbe] que comme celui de Mairet, un peu retouché, pour engager les jeunes gens à refaire les belles pièces de Corneille, comme Attila, Agésilas, Pertharite…, Voltaire, Lett. d'Argental, 31 janv. 1774. Je me souviens qu'après la bataille de Zorndorf, où Votre Majesté avait assommé 30000 Russes, un grand Danois me disait froidement : Il n'y a pas de mal, il est si aisé à Dieu de refaire des Russes, D'Alembert, Lett. au roi de Pr. 14 févr. 1774. Il [Locke] l'entreprit [son livre sur l'Entendement] par occasion, et le continua de même ; et, quoiqu'il prévît qu'un ouvrage composé de la sorte ne pouvait manquer de lui attirer des reproches, il n'eut, comme il le dit, ni le courage ni le loisir de le refaire, Condillac, Conn. hum. Introduct. Voyez-le [l'homme] se créer des dieux de fantaisie ; Ses malheurs, ses succès, sa haine, son amour, Font, défont et refont ces déités d'un jour, Delille, 1mag. VIII.

    Absolument. Pour contracter une habitude, il suffit de faire et de refaire à plusieurs reprises ; et pour la perdre il suffit de ne plus faire, Condillac, Log. I, 6.

  • 2Faire, même pour la première fois, une chose analogue à une chose qui a déjà été faite. Et tu pourras à Paphos et Cythère De cette Iris refaire une Vénus, La Fontaine, Imitat. d'Anacréon. Un homme d'esprit qui lit avec réflexion les ouvrages de Richardson, refait la plupart des sentences des moralistes, et avec toutes ces sentences il ne referait pas une page de Richardson, Diderot, Élog. de Richards.
  • 3Remplacer un ami perdu par un nouvel ami. Le petit Dubois [employé à la poste] est parti… et je m'aperçois déjà de son absence ; je passai hier à la poste pour tâcher d'y refaire des amis, Sévigné, 20 avr. 1672. Il prétend qu'on refait aussi aisément un ami perdu, que Phidias une statue brisée ; je n'en crois rien, Diderot, Cl. et Nér. II, 1. Je perds tous les jours quelque ami, et on n'en refait plus à mon âge, D'Alembert, Lett. au roi de Pr. 3 juill. 1778.
  • 4Réparer, raccommoder une chose gâtée, ruinée. Refaire un habit. Vous dites de celui qui travaille une poutre : il est charpentier ; et de celui qui refait un mur : il est maçon, La Bruyère, XII. Il n'y a qu'un moyen de remettre l'ordre dans la faculté de penser ; c'est d'oublier tout ce que nous avons appris, de reprendre nos idées à leur origine, d'en suivre la génération, et de refaire, comme dit Bacon, l'entendement humain, Condillac, Log. II, 1. Cette Aglaure que vous refaisiez sans cesse et qui était toujours à refaire, Diderot, Salon de 1767, Œuv. t. XIV, p. 313, dans POUGENS.
  • 5 Terme de cuisine. Refaire de la viande, l'accommoder en la faisant revenir sur la braise ou dans l'eau chaude.
  • 6Reproduire, en parlant des dents, des plumes. Ces huppes… à demi engourdies, vivant de peu, et pouvant à peine refaire les plumes que la mue leur avait fait perdre, Buffon, Ois. t. XII, p. 139. Lorsqu'ils ont refait leurs premières dents, qui tombent à six mois, et lorsqu'ils ont acquis de la force, des armes et des talents pour la rapine, Buffon, Quadrup. t. II, p. 194.

    Terme de vénerie. Refaire sa tête, se dit du cerf, du daim ou du chevreuil, quand ces animaux se retirent pour reproduire tranquillement leur bois.

  • 7Redonner de la vigueur, remettre en bon état. Refaire un malade par un bon régime. L'exercice, la bonne nourriture le refirent.

    Refaire des troupes, les délasser, les rafraîchir.

  • 8 Populairement, tromper, duper. On l'a refait, il s'est laissé refaire.
  • 9 V. n. Recommencer. Je serais bien fâché que ce fût à refaire, Racine, Plaid. II, 3. Glocester : Buckingham vit, Tyrrel. - Tyrrel : Il s'est bien défendu. - Glocester : Tu l'as mal attaqué. - Tyrrel : J'affirme le contraire ; Mais après tout, milord, coup nul : c'est à refaire, Delavigne, Enfants d'Éd. III, 4.

    Familièrement. Avec cet homme-là on n'a jamais fini, c'est toujours à refaire.

    Au jeu de cartes, redonner des cartes. Je donne, il en prend six et demande à refaire, Molière, Fâch. II, 2.

  • 10Se refaire, v. réfl. Être refait, reproduit. Quoi ! l'homme à qui je confierai mes pensées les plus secrètes… cet homme se refait en un jour, en un mois, en un an ! eh ! malheureusement la durée de la vie y suffit à peine, Diderot, Claude et Nér. II, 2.
  • 11Réparer ses forces, reprendre sa vigueur. Ils trouvèrent abondance de vivres, et se refirent après les misères qu'ils avaient souffertes, Vaugelas, Q. C. VII, 3. L'armée y passa deux jours à se reposer et à se refaire de ses fatigues, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. I, p. 395, dans POUGENS. Je me refis si bien dans cette maison…, Lesage, Gil Blas, VIII, 1. Il y avait longtemps que je faisais mauvaise chère, j'avais besoin de me refaire, Rousseau, Conf. IV.

    Fig. Il est en voie de se refaire, de rétablir sa fortune, de regagner ce qu'il a perdu.

  • 12Se donner un nouveau caractère. Que voulez-vous, mon oncle ? je ne me referai point, Fagan, Pupille, sc. 11.

    PROVERBE

    À une femme et à une vieille maison il y a toujours à refaire.

HISTORIQUE

XIIe s. E tuit li regne d'envirum, Par poi [presque] senz habitatiun, Comencerent à restorer, E à refaire e à pupler, Benoit de Sainte-Maure, I, V. 2063. Montons ore por neteer le temple e refaire, Machab. I, 4. Or me refait Amors à li entendre, Couci, v. Au jour du jugement… Or ont li pecheor grant gaaing de lor fais ; Qui ce pourra conquerre, gariz iert [sera] et refais, Sax. X. Bien savez qu'il nus ad fait vos leis [lois] confermer, E or nos volt refaire trestuz deslealer [être déloyaux], Th. le mart. 42.

XIIIe s. Il refisent les murs de Jherusalem, et retornerent Israel en son premier estat, Latini, Trésor, p. 61. …Dont li chaïrent [tombèrent] aus piés tout en plorant ; et li marchis refist tout autretel, et dist que moult le fera volontiers, Villehardouin, XXVII. Si refont [répondent] li baron : Nous loons que…, Villehardouin, XLVIII. Je sai bien que de cest afaire Vourroies [tu voudrais] qu'il fust à refaire, Bl. et Jeh. 1225.

XIVe s. Li tribuns furent refaiz et continuez, Bercheure, f° 58, recto. [Des coquillages] lavés très bien, et eschaudés, et puis refais en eaue froide, Ménagier, II, 5.

XVe s. Il n'est chose qu'argent ne face, Et ne desface, et ne refasce, Froissart, Le dit dou florin. Tout est rompu, c'est à reffaire, Orléans, Ball. 65.

XVIe s. Il logea son armée ès garnisons pour la refreschir et refaire, Amyot, P. Aem. 46. Ce qui fut se refait ; tout coule comme une eau, Et rien dessous le ciel ne se voit de nouveau, Ronsard, Hymmes, II, 9. Il maintenoit que les huitres, desquelles on rejettoit la coquille en la mer, se refaisoient comme auparavant, D'Aubigné, Faen. III, 6. Chasteau abattu est à demy refaict, Cotgrave Robbe refaict moult l'homme, Cotgrave

ÉTYMOLOGIE

Re…, et faire ; picard, erfoère, refaire, duper ; wallon, rifé ; provenç. refar ; catal. refer ; espagn. rehacer ; ital. rifare.