« mont », définition dans le dictionnaire Littré

mont

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

mont

(mon ; le t se lie : un mon-t escarpé ; au pluriel, l's se lie : des mon-z escarpés) s. m.
  • 1Grande masse de terre et de roche, élevée au-dessus du terrain qui l'environne. La moindre taupinée était mont à ses yeux, La Fontaine, Fabl. VIII, 9. Déjà le sacré mont, où le temple est bâti, D'insolents Tyriens est partout investi, Racine, Ath. IV, 5. Et que du sein des monts le marbre soit tiré, Racine, Esth. III, 9. Mont fameux, que Dieu même a longtemps habité, Comment as-tu du ciel attiré la colère ? Racine, Athal. II, 9. Ô monts, écrasez-nous… Cieux, tombez sur nos têtes, Voltaire, Œdipe, I, 2. Ces monts sont-ils aussi vieux que le monde ? ont-ils été produits en un instant ? Raynal, Hist. phil. VII, 24. On se familiarise malgré soi en Grèce avec Thémistocle, Épaminondas… et il faut une grande religion pour ne pas franchir le Cythéron, le Ménale ou le Lycée comme on passe des monts vulgaires, Chateaubriand, Itin. 1re part.

    Fig. et familièrement. Promettre monts et vaux, faire les plus grandes promesses. [Il] M'a promis monts et vaux moyennant bouche close, Th. Corneille, l'Amour à la mode, V, 2.

    Promettre des monts d'or à quelqu'un, lui promettre de grandes richesses, de grands avantages. Vous promettez monts d'or, et n'avez pas un sou, Collin D'Harleville, Chât. en Esp. I, 8.

    On dit dans un sens analogue : promettre monts et merveilles. La mer promet monts et merveilles, La Fontaine, Fabl. IV, 2.

    Par exagération. Un mont d'or, une somme très considérable. Cela lui coûte des monts d'or. Plenoeuf avait gagné des monts d'or dans les partis et depuis dans les vivres, Saint-Simon, 474, 70. Le banquier me faisait espérer des monts d'or, pour peu que la fortune secondât les projets qu'il formait, Lesage, Guzm. d'Alf. VI, 3.

    Vous me donneriez un mont d'or, des monts d'or, que je n'en ferais rien, vous me donneriez tous les biens du monde, que, etc.

  • 2Mont suivi d'un nom propre pour désigner un mont particulier ne prend pas la préposition de, tandis que montagne la prend. Les monts Pyrénées. Au pied du mont Adule, entre mille roseaux, Boileau, Ép. IV. La fameuse journée Où sur le mont Sina la loi nous fut donnée, Racine, Ath. I, 1. Le mont Vésuve et le mont Etna ont les mêmes fondements sous la mer qui les sépare, Voltaire, Mœurs, Introd. chang. globe.
  • 3 Absolument, au plur. Les monts, une chaîne de montagnes. Encore une campagne, et nos seuls escadrons Aux aigles de Sylla font repasser les monts, Corneille, Sertor. II, 2. Repassez les monts et les mers, Rassemblez-vous des bouts de l'univers, Racine, Esth. III, 9.

    Particulièrement, les monts, les Alpes. Passer les monts. De là les monts. Pépin passe les monts et réduit les Lombards, Bossuet, Hist. III, 7. Si quelque objet pareil, chez moi, de çà les monts, Pour m'épouser entrait avec tous ces grands noms, Boileau, Sat. X.

  • 4 Poétiquement. Le double mont, le mont sacré, le mont Parnasse. Et ne savez-vous pas que sur ce mont sacré, Qui ne vole au sommet tombe au plus bas degré ? Boileau, ib. IX.

    Le mont Sacré, colline de Rome célèbre par la sécession du peuple.

  • 5Mont pagnote, voy. PAGNOTE.
  • 6Nom donné par les riverains du lac Léman à des pentes sous-lacustres que l'on rencontre à une certaine distance des rives, et où l'on cesse de pouvoir distinguer le fond du lac par la transparence des eaux. Dans cette saison le poisson se tient sur le mont.
  • 7Mont-de-piété, établissement où l'on prête sur nantissement et à intérêt. Reconnaissance du mont-de-piété. Le mont-de-piété établi en 1777, avec le succès qu'on en attendait ; il a prêté à 10 pour 100 sur gages, Necker, Compte rendu au roi, janv. 1781, p. 92. Quel est le bien ou le mal que causent les monts-de-piété ? Galiani, Lett. t. I, p. 76. Le mont-de-piété a été inventé en Italie par des confréries pieuses au quinzième siècle, Presse scientifique, 1863, t. I, p. 223.

    Lieux de mont, sorte d'établissement de crédit fondé par le pape Sixte V. Sixte V, ayant, suivant la maxime de Tibère, divisé pour régner, imagina, pour mettre toute la noblesse et les familles opulentes dans sa dépendance, de se rendre maître de l'or et de l'argent des citoyens par l'appât qu'il leur présenta ; pour cet effet, il créa les lieux de mont, qui répondent à nos rentes sur la ville ; ils étaient d'abord à cinq pour cent… mais le coup décisif de Sixte V, pour garder l'argent, fut qu'au lieu de payer les intérêts en espèces, on ne les paya qu'en papier qui avait et continua d'avoir cours comme monnaie, que l'État reçoit et donne en payement, Duclos, Voy. en Italie.

  • 8 En termes de chiromancie, on appelle mont la petite éminence qui est au-dessous de chaque doigt de la main. Celle du pouce s'appelle mont de Mars ; celle de l'index, mont de Jupiter ; celle du doigt du milieu, mont de Saturne ; celle du doigt annulaire, mont de Vénus ; celle du petit doigt, mont de Mercure.
  • 9 Terme d'anatomie. Mont de Vénus, éminence cellulo-adipeuse, qui est située au bas de l'hypogastre chez la femme, au-devant du pubis.
  • 10Par monts et par vaux, loc. adv. En toute sorte d'endroits, de tous côtés. Mais tant fût-il mauvais cheval Courant à mont ou bien à val, Scarron, Virg. V. Vous avez fait faire à ma fille le plus beau voyage du monde ; elle en est ravie ; mais vous l'avez bien menée par monts et par vaux, Sévigné, 2 juin 1672.

REMARQUE

On met quelquefois la préposition de avec mont et un nom propre de localité ; mais cela est rare. Tout le mont de Sinaï était couvert de fumée, Sacy, Bible, Exode, XIX, 18. Ô mont de Sinaï, conserve la mémoire De ce jour…, Racine, Ath. I, 4. Du camp des Sarrasins il connaît les passages, Et des monts de l'Etna les plus secrets chemins, Voltaire, Tancr. II, 1.

SYNONYME

MONT, MONTAGNE. La montagne, étymologiquement, est le mot mont, plus la finale latine aneus ; il signifie donc proprement ce qui appartient au mont et a une signification plus compréhensive. Ainsi on dira se réfugier dans la montagne et non dans le mont.

HISTORIQUE

XIe s. Sonent li munt et respondent li val, Ch. de Rol. CLIV.

XIIe s. Dès le mont Saint Michel jusqu'à Chastel Landon, Sax. XX. E sewid [il suivit] les cumandemenz sun pere David, fors tant que il fist ses sacrefises as munz, Rois, p. 234. Par mons et par laris [plaines], Ronc. 21. Ainsi l'ont fait as forches contre mont sus lever, ib. 197.

XIIIe s. Si comme s'il done le mont de buce [bûche] à deniers ses [argent comptant], Beaumanoir, LXVIII, 7. Dessus la riviere, aussi comme il aloient à mont, Joinville, 220.

XVe s. Si chevaucherent tant, à mont et à val, qu'ils trouverent aucuns hamelets, Froissart, I, I, 18. Quand le flux de la mer est en venant, il regorge la riviere si contre mont que nul n'y pourroit passer, Froissart, I, I, 278. Qui adonc vit gens lancer sur ce pont, et trebucher l'un sur l'autre, dix ou douze en un mont… bien put voir…, Froissart, I, I, 261.

XVIe s. Voyez prendre à mont l'essor à Platon en ses nuages poetiques, Montaigne, II, 292. Il respondit monts et merveilles pour se faire valoir, Montaigne, IV, 191. Il tiroit à la butte, du bas en mont, du mont en val, devant, de cousté, en arriere, Rabelais, Garg. I, 23. Vous promettez monts et vaux, Despériers, Contes, III. Pour venir à succession de pere ou de mere, les enfanz mariez sont tenus de rapporter en mont commun les dons et advancemens de mariage à eux faits, Coust. génér. t. II, p. 907. Au matin vers les monts, au soir vers les fonds, Cotgrave

ÉTYMOLOGIE

Provenç. mont, mon, mun ; espag. et ital. monte ; du lat. montem. D'après Corssen, Nachträge, p. 77-80, mons se rattache au radical latin min, qui se trouve dans les verbes composés, e-min-ere, pro-min-ere ; mons s'y rapporte comme fors à ferre, et veut dire éminence.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

MONT. - REM. Ajoutez :

2. Dans l'esprit de Barnabé de Terni, moine récollet prêchant à Pérouse en 1462, l'œuvre de prêt devait être avant tout charitable ; aussi on l'appela mont-de-piété ; le nom est promptement devenu populaire et a prévalu, Maxime du Camp, Rev. des Deux-Mondes, 15 janv. 1873, p. 305.