« monsieur », définition dans le dictionnaire Littré

monsieur

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

monsieur

(mo-sieu, ou souvent aussi me-sieu ; l'r ne se lie jamais : mo-sieu et ami ; monsieur rime avec les mots en eur, mais c'est une rime qui n'est que pour les yeux et qui doit être bannie ; car on prononce toujours mosieu) ; au pluriel, MESSIEURS, (mè-sieû ; l's se lie : mè-sieu-z et amis) s. m.
  • 1Titre qui, avant la Révolution, ne se donnait qu'à certaines classes de la société. Exercez-la, monsieur, et gouvernez le prince, Corneille, Cid, I, 6. Monsieur, on tient conseil, et le roi vous demande, Rotrou, Antig. I, 5. Il me déplaît par trop d'être le rat de cave de mon frère et de le voir monsieur, Dancourt, Retr. des off. SC. 2. Ils l'appelèrent monsieur dans la conversation ; le bonhomme, à ce terme, se retourna, s'imaginant qu'ils parlaient à quelqu'un qui venait et qu'il ne voyait pas, Marivaux, Pays. parv. 1re part. Il [le duc d'Orléans] ne s'opposa point à l'habitude que le parlement avait prise de l'appeler toujours monsieur, tandis qu'il écrivait au chancelier monseigneur, et tandis que tous les corps de la noblesse des états provinciaux donnaient le titre de monseigneur au régent, Voltaire, Hist. parl. ch. LIX.

    Un petit monsieur, un enfant d'une classe où se porte le titre de monsieur. Enfermez un petit monsieur et un petit paysan dans une chambre…, Rousseau, Ém. II.

    Familièrement. Il fait le monsieur, il fait bien le monsieur, il fait l'homme de conséquence. Bientôt les devoirs, les affaires, un bagage à porter m'ont forcé de faire le monsieur et de prendre des voitures, Rousseau, Confess. II.

    Monsieur de, avec un nom de ville, se disait de l'évêque du diocèse dont cette ville est la capitale. Monsieur de Condom, monsieur de Meaux, noms successifs de Bossuet (au lieu de monsieur, on dit aujourd'hui monseigneur). Ce que je sais en général du clergé, c'est qu'ils ont beaucoup paru cette année ; et ils ont traité le pape, comme monsieur de Rome, fort familièrement, Sévigné, 453. Pourquoi monsieur de Meaux ne dit-il mot ? Maintenon, Lett. au card. de Noailles, 10 mars 1702. Il sera libre aux archevêques et évêques d'ajouter à leur nom le titre de citoyen ou celui de monsieur ; toutes autres qualifications sont interdites, Art. XII des articles organiques (Concordat)

  • 2Le pluriel est messieurs. Je vous respecte trop, vous et messieurs vos parents, pour être amoureux de vous, Molière, G. D. I, 6.

    Des messieurs, des hommes d'une classe où se porte le titre de monsieur. On ne souffre pas qu'ils deviennent des messieurs, Rousseau, Hél. VI, 10. Nous ne prétendons pas être traités en messieurs, Rousseau, Ém. III.

    Messieurs se disait autrefois absolument, au parlement et dans les autres cours souveraines. Un de messieurs. Il [le roi de Prusse] appelle M. de Morival [condamné dans l'affaire d'Abbeville] auprès de lui… cela vaut mieux, ce me semble, que d'aller se mettre à genoux à Paris devant messieurs, et de leur avouer qu'on est un impie qui vient faire entériner sa grâce, Voltaire, Lett. d'Alembert, 7 juill. 1775. De sorte qu'encore aujourd'hui l'émétique demeure proscrit par un arrêt [du parlement], et que M. Silva [célèbre médecin d'alors] ne laisse pas d'en ordonner à messieurs, quand ils sont tombés en apoplexie, Voltaire, Lett. la Condamine, 22 juin 1734. Voilà nos messieurs du parlement qui recommencent leur train, D'Alembert, Lett. au roi de Pr. 23 févr. 1776.

    On dit aussi messieurs d'autres compagnies que les anciennes cours souveraines de France. Je ne pouvais espérer que messieurs de Berne reconnussent ouvertement l'injustice qu'ils m'avaient faite, Rousseau, Confess. XI. Je fus condamné dès l'heure dans l'esprit de messieurs, dès que l'homme du roi m'eut appelé pamphlétaire, Courier, Pamphlet des pamphlets.

    Au XVIIe siècle, messieurs de la religion réformée, les ministres protestants. Après plus d'un siècle de contestations avec messieurs de la religion prétendue réformée, Bossuet, Expos. doctr. cath. 1.

    Ces messieurs, au XVIIe siècle, en parlant des solitaires de Port-Royal. Elle [la mère Angélique] demande qu'est-ce qu'on a servi aux capucins, quel pain et quel vin on leur a donnés ? la tourière lui répond qu'on leur a donné du pain blanc et du vin des messieurs, Racine, Lett. à l'auteur des Hérésies imaginaires.

  • 3Titre de simple civilité qu'on donne depuis longtemps par bienséance à un homme à qui l'on parle ou de qui l'on parle. Oui, monsieur. Cette lettre, monsieur et cher confrère, est pour… Cher monsieur, Mon cher monsieur, se met en tête de lettres adressées à des personnes avec qui on a une liaison assez intime. Je vous prie, messieurs… Messieurs les membres du Corps législatif. On ne donne point le nom de monsieur aux auteurs qui sont morts il y a déjà quelque temps ; ainsi on dit Amyot, du Bartas, Ronsard, et non pas monsieur Amyot, monsieur du Bartas, monsieur Ronsard, Vaugelas, Rem. not. Th. Corn. t. I, p. 268, dans POUGENS. Au lieu de dire rustiquement, mon père, comme le menu peuple, on dit monsieur, cela a plus de dignité, Marivaux, Pays. parv. 1re part. Je dis toujours le grand Corneille, qui a pour nous le mérite de l'antiquité, et je dis monsieur Racine et monsieur Despréaux, parce qu'ils sont presque mes contemporains, Voltaire, Aux aut. nouv. Parnasse. C'était un ordre de monsieur son père de faire venir monsieur son fils à Paris, Voltaire, Jeannot et Colin. Après ma mort, toutes ces inepties deviendront autant de faits incontestables, parce que monsieur l'un et monsieur l'autre, et madame celle-ci et mademoiselle celle-là, tous gens de la plus haute probité, les auront attestées, Rousseau, Lett. à M. de St Germain, 26 févr. 1770.

    Ces messieurs, les gens dont on parle. Je priai qu'on fît venir un chirurgien : il y a de ces messieurs-là dans tous les quartiers, Marivaux, Pays. parv. 5e part. Voltaire… écrivait : Ô sagesse du ciel, je te crois très profonde ; Mais à quels plats tyrans as-tu livré le monde ? et dans une prose non moins édifiante : " Les fidèles sujets qui combattent pour ces messieurs-là [les rois], sont de terribles imbéciles ", J. de Maistre, Corresp. St-Pétersbourg, 1811. Tandis que tout Paris [dans les journées de juillet] se jonchait de merveilles, Ces messieurs tremblaient dans leur peau, Barbier, Iambes, Curée.

    Donner le monsieur à quelqu'un, le traiter de monsieur, ne pas le nommer tout court sans faire précéder son nom de monsieur. Il [Langleviel] parle de messieurs de Maurepas, Chauvelin, Machault, Berrier en les nommant par leurs noms sans y mettre le monsieur, et il en parle avec un ton d'autorité qui fait rire, Voltaire, Dict. phil. Quisquis, Langleviel.

    Mon bon monsieur, se dit à quelqu'un avec un ton de flatterie, mais familier. Mon bon monsieur, Apprenez que tout flatteur Vit aux dépens de celui qui l'écoute, La Fontaine, Fabl. I, 2.

  • 4Monsieur sert encore à désigner tout homme dont le langage et les manières annoncent quelque éducation. Il est venu un monsieur vous demander. Faites entrer ce monsieur. Je la vis hier dans le bois de Vincennes, en grande conversation avec un monsieur que je ne connais point, Hauteroche, le Coch. 2. J'ai trouvé, en arrivant ici, un petit jeune monsieur que j'ai vu quelquefois avec vous, Dancourt, Maison de camp. SC. 24.

    On le dit aussi au pluriel en cet emploi. Les deux messieurs Thomas. Que cette lettre soit commune aux deux messieurs qui ont eu la bonté…, Rousseau, Lett. à Meuron, 23 mars 1765. À propos de la bibliothèque, ne sachant le nom des messieurs qui en sont chargés…, Rousseau, Lett. à Moultou, 25 avr. 1762.

    C'est un beau monsieur, il est élégamment vêtu.

    Par antiphrase, un beau monsieur, un homme qui déplaît, qui est insupportable. Et que nous ne puissions à rien nous divertir, Si ce beau monsieur-là n'y daigne consentir, Molière, Tart. I, 1.

    Familièrement. C'est un vilain monsieur, c'est un homme difficile à vivre, d'humeur maussade, ou qui fait quelque chose de répréhensible.

    Un gros monsieur, un homme fort à son aise. Femmes, filles, valets, gros messieurs, tout enfin, Allait, comme autrefois demander son destin, La Fontaine, Fabl. VII, 15. Ceux [les parents] du loup, gros messieurs, l'ont fait apprendre à lire, La Fontaine, ib. XII, 17. Mon fermier du Buron, qui est un gros monsieur, qui a part dans les fermes, Sévigné, 598. Tous les plus gros messieurs me parlaient chapeau bas, Racine, Plaid. I, 1.

  • 5Monsieur se dit, par les domestiques d'une maison, du chef, du maître de cette maison. Vous demandez monsieur, il est sorti. Ah ! remets-toi promptement en la même posture, c'est encore notre monsieur, Hauteroche, Crisp. médec. II, 4. Notre monsieur va toujours mal vêtu ; cela fait mal juger de ses affaires, Brueys, Avoc. Patel. I, 2. Prie monsieur, de ma part, de passer un moment ici, Beaumarchais, Mère coupable, IV, 10.

    Absolument Le maître de la maison, dans la bouche d'autres personnes que les domestiques de la maison. Monsieur est-il chez lui ? je voudrais lui parler.

    Il se dit aussi par une femme qui parle de son mari à un domestique. Avertissez monsieur que le déjeuner est servi.

    Souvent, aujourd'hui, dans la bourgeoisie, une femme dit monsieur en parlant de son mari à d'autres qu'à des domestiques ; c'est mal dit et désagréable.

  • 6Monsieur se dit par mauvaise humeur ou par reproche en parlant de quelqu'un. Je fais ce que je peux et monsieur se fâche. Monsieur ne songe à rien, monsieur dépense tout, Monsieur court, monsieur se repose… Elle en dit tant, que monsieur à la fin Vous la renvoie à la campagne, La Fontaine, Fabl. VII, 2. De le frapper je suis las ; Mais dans ses dents monsieur gronde…, Béranger, Maître d'école.

    Il se dit aussi, dans des reproches, dans la colère, à quelqu'un de la famille qu'on n'a pas l'habitude d'appeler monsieur. Monsieur mon fils, par quelle aventure est-il mention de vous dans tout ceci ? Regnard, Sérénade, 8.

  • 7 Par mépris, mon petit monsieur. Que veut donc ce petit monsieur ? Mais, mon petit monsieur, prenez-le un peu moins haut. - Ma foi, mon grand monsieur, je le prends comme il faut, Molière, Mis. I, 2. Ma foi, j'aurais joué ce petit monsieur l'auteur, qui se mêle d'écrire contre les gens qui ne songent pas à lui, Molière, l'Impromptu, 3. Ils [les séducteurs] courent de conquête en conquête ; ces petits messieurs ne se croient de mérite qu'à proportion de leur perfidie, Lamotte, Magnifique, II, 2. Je suis persuadée que ce petit monsieur-là ne vous convient point, Marivaux, Fauss. confid. II, 11. Dame ! vous l'avez appelé petit monsieur ; et un petit monsieur c'est justement et à point un freluquet, Marivaux, le Préj. vaincu, sc. 8.
  • 8Monsieur se joint quelquefois à un terme d'injure. Ce n'est pas ce que je vous dis, monsieur le sot.
  • 9Monsieur employé absolument, l'aîné des frères du roi (avec une majuscule). Mon rang et ma beauté [le frère de Louis XIV encore enfant] partout se font connaître ; Et, petit que je suis, je ne laisse pas d'être Tout le plus grand Monsieur qui soit, Benserade, Ballet de la nuit, 1re part. 7e entrée. Que dites-vous du mariage de Monsieur ?… vous comprenez bien la joie qu'aura Monsieur d'avoir à se marier en cérémonie, Sévigné, 76. Je loue madame de Chaulnes d'avoir appris l'amitié à Monsieur ; c'est une science que les personnes de l'élévation de Monsieur n'ont pas le bonheur de connaître, Sévigné, 3 févr. 1695.
  • 10 Terme de verrerie. Nom donné, comme par excellence, aux gentilshommes de race verrière, qui avaient seuls le privilége de travailler au verre, sans déroger.
  • 11Titre qu'on donnait aux saints dans le moyen âge. Où l'oraison de monsieur saint Julien à Renaud d'Ast produisit un grand bien, La Fontaine, Orais.
  • 12Prune de Monsieur (avec une majuscule), sorte de prune ronde d'un beau violet.

    Nom d'une nuance de la couleur violette. Des robes prune de Monsieur.

    On dit aussi monsieur, par abréviation, pour la prune et l'arbre qui la produit ; alors il fait au pluriel des monsieurs et non des messieurs. Ce monsieur produit beaucoup de fruit. Ces monsieurs sont excellents.

    PROVERBE

    Monsieur vaut bien madame, ou madame vaut bien monsieur, se dit pour exprimer que le mari et la femme se valent, ordinairement en un sens ironique, signifiant que l'un ne vaut pas mieux que l'autre ; et fig. quand on soutient que deux personnes sont d'un mérite égal, ou même que l'on compare deux choses.
    Il ne faut point douter qu'on ne dise de lui et d'elle, que madame vaut bien monsieur, Scarron, Lett. Œuvr. t. I, p. 164. Donc, à votre calcul, Ô ma très digne femme, Monsieur, tout bien compté, ne vaut pas bien madame, Molière, Sgan. 6.

REMARQUE

1. Monsieur et cher cousin, etc. en tête d'une lettre ne vaut rien ; il faut dire monsieur mon cher cousin ou bien monsieur tout court, De Caillières, 1690. Aujourd'hui on dit : Monsieur et cher cousin, et formules analogues.

2. On écrit souvent par abréviation Mr ou M. pour monsieur, et Mrs ou MM. pour messieurs.

HISTORIQUE

XIVe s. Si com Avicence la mist [l'anatomie], et si com el pot [peut] mix [mieux] estre estraite de lui par moi et par aucuns messiours, H. de Mondeville, f° 4.

XVe s. Estes vous point, à cause de vos vaillances et que l'on vous dit monsieur et de nouvel chevalier, changié ? Petit J. de Saintré, p. 509, dans LACURNE. Plus grands monsieurs qu'ils ne sont, Les 15 joyes du mariage, p. 97, dans LACURNE.

XVIe s. Le roy François l'aimoit fort, et estoit de ses grands favoris ; si que, voulant un jour un peu abuser de cette faveur, il se mit à appeler le roy monsieur, ainsi que faisoit M. de Vendosme ; mais le roy luy dit que c'estoit tout ce qu'il pouvoit permettre à M. de Vendosme son aisné, et qu'il ne le vouloit pas permettre au puisné…, Brantôme, Cap. franç. t. I, p. 370. Il faut noter de lui [M. de Brissac], qu'en Piedmont, parmy sa grandeur et ses grands respects, jamais par tout il ne se fit appeler monsieur sans queue, comme nous avons veu plusieurs en France qui, abusans un peu de leurs grandeurs, permettoient fort bien, voire le commandoient, qu'ils ne fussent appelez que monsieur simplement en leurs gouvernements, Brantôme, ib. t. II, p. 301. Il n'y a presque gentilhomme de la France, qui ne pensast avoir fait tort à sa noblesse, s'il n'estoit appelé par ses enfans monsieur, au lieu de ce doux nom de pere, Pasquier, Rech. livre VIII, p. 670, dans LACURNE. Encore mettons-nous en usage ce mot de monsieur pour les princes d'une façon particuliere, car jamais nous n'appelons un prince monsieur, cela est pour le commun des gens de remarque ; mais, si nous les appelons par leurs propres noms, nous en usons en ceste façon : François monsieur duc d'Alençon ; Henry monsieur prince de Condé, Pasquier, ib. VIII, p. 670. Ainsi s'en va Ledict valet… Et vous laissa monsieur dormir son saoul, Qui au resveil n'eut sceu finer d'un soul : Ce monsieur-là, sire, c'estoit moi-mesme, Marot, Épître au roi. Monsieur de trois au boisseau ou de trois à une espée, Cotgrave Aujourd'hui monsieur, demain mouscheur, Cotgrave À la journée de Serisolles, monsieur d'Anguien essaya deux fois de se donner de l'espée dans la gorge, desesperé de la fortune du combat qui se porta mal à l'endroict où il estoit, Montaigne, II, 31.

ÉTYMOLOGIE

Mon, et sieur. Sieur est une forme contracte de seigneur ; monsieur signifie donc proprement monseigneur ; c'est pour cela que, parlant des saints, des princes, on disait : Monsieur saint Julien, François monsieur [c'est-à-dire monseigneur] duc d'Alençon. Monsieur est le régime dont messire est le nominatif.