« vague.2 », définition dans le dictionnaire Littré

vague

Définition dans d'autres dictionnaires :

Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

vague [2]

(va-gh') adj.
  • 1Qui est vide, et particulièrement qui est vide de culture. En revenant de l'Ilissus, M. Fauvel me fit passer sur des terrains vagues, où l'on doit chercher l'emplacement du Lycée, Chateaubriand, Itin. part. I. La plupart des concessions faites aux monastères dans les premiers siècles de l'Église étaient des terres vagues, que les moines cultivaient de leurs propres mains, Chateaubriand, Génie, IV, VI, 7.

    On dit souvent en ce sens : terres vaines et vagues. Les terres vagues et vaines ou en communes ne peuvent produire que des pâturages, quelques garennes, bois ou broussailles, Vauban, Dîme, p. 192.

  • 2 Par extension, indéfini, sans bornes déterminées. Espaces vagues. La vague immensité des déserts.
  • 3 Fig. Qui est vide, sans précision. De vagues chimères, Corneille, Pulchér. IV, 3. Des oppositions vagues et en l'air, Bossuet, Lett. 211. Voilà des vérités qui font trembler, et ce ne sont pas ici des vérités vagues qui se disent à tous les hommes et que nul ne prend pour soi, Massillon, Carême, Élus. Lorsque dans une loi l'on a bien fixé les idées des choses, il ne faut point revenir à des expressions vagues, Montesquieu, Esp. XXIX, 16. De vos vagues soupçons j'ai dédaigné l'injure, Voltaire, Catil. I, 5. Présenter des notions vagues pour des démonstrations exactes, c'est substituer de fausses lueurs à la lumière, D'Alembert, Élog. Bernoulli. Quand les principes sont vagues, comment les expressions auront-elles quelque précision ? Condillac, Trait. des syst. ch. 3. Elle me tint de ces sortes de discours vagues qui ne signifient rien, et qui mettent pourtant en droit de vous dire : je vous l'avais dit, Mme de Tencin, Œuv. t. IV, p. 116. Ce qui est tracé sur leur carte dans l'ouest de ce cap, et les noms qui s'y trouvent, ne sont placés que sur des rapports vagues des naturels, Buache, Instit. Mém. sc. mor. et pol. t. V, p. 7. Rien de plus dangereux, de plus haïssable en politique que les mots vagues, D. Stern, Esquisses morales, p. 149. Quelques détails indiqués plus précisément ne nuiraient pas ; à force d'être large, on devient vague, Th. Gautier, Feuilleton du Journ. offic. du 26 juin 1869.

    Un air vague, un air distrait où la pensée paraît vide. Je t'aborde, l'air vague et le front sans couleur, Millevoye, Élég. I.

    Un esprit vague, un esprit dont les idées sont vides et sans fixité.

  • 4 Fig. Qui a quelque chose d'indéfini. Pensées vagues. Désirs vagues. Il veut, il se repent, et cette incertitude Égare en cent projets sa vague inquiétude, Delille, Én. IV. Toujours plus incertain, Dans le vague avenir ma raison se promène, Arnault, Oscar, IV, 1. Cette mort dont on parle, elle n'y croit qu'à peine, Ou l'aperçoit lointaine Dans un vague avenir, P. Lebrun, Poés. t. I, 28.

    Qui plaît par cet indéfini même. Une vague et douce mélancolie. De vagues rêveries. Ils se livraient en silence aux pensées vagues que font naître la nature et l'amour, Staël, Corinne, XV, 9.

  • 5 Terme de peinture. Qui manque de précision, qui n'est pas nettement arrêté, et aussi qui plaît par son indécision, par son caractère aérien, vaporeux. Une couleur, une lumière vague.
  • 6 S. m. Grand espace vide. La nymphe s'élevant dans le vague des cieux, Régnier, Ép. I. Leur proie [de certains oiseaux] qu'une vue perçante leur fait discerner dans le vague de l'air, Buffon, Ois. t. VIII, p. 295. Écho parlait : dans le vague des nues Elle aperçoit deux cygnes éclatants, Au cou flexible, aux ailes étendues, Malfilâtre, Narcisse, II. Dans le vague des airs leurs clameurs se confondent, Delille, Én. v.

    Fig. Se jeter, se perdre dans le vague, faire de longs raisonnements sans conclusion, sans solidité. J'étais réduit à me jeter à l'aventure dans le vague des suppositions, à faire successivement divers essais de calcul qui le plus souvent ne menaient à rien, Beudant, Instit. Mém. scienc. t. VIII, p. 233.

  • 7 Fig. Ce qui manque de précision. On peut dire qu'il y a du vague dans les caractères que nous donnons au beau, mais il y a aussi du vague dans l'opinion qu'on y attache, Marmontel, Œuv. t. V, p. 360.
  • 8 Fig. Ce qui a le caractère de l'indéfini. Le vague de la couleur ajoute à l'effet d'un tableau. Il faut bien se garder de déterminer certaines expressions dont le vague fait toute la force, Marmontel, Œuv. t. VIII, p. 165. Ce qui est du vague dans la poésie, devient du vide dans la prose, Staël, Corinne, VII, 1. Le vague mystérieux qui fait aimer le midi de l'Italie, Staël, ib. XV, 7.
  • 9 Fig. Malaise indéfinissable de l'âme. Plus les peuples avancent en civilisation, plus cet état du vague des passions augmente, Chateaubriand, Génie, II, III, 9. Un je ne sais quel vague empoisonne l'étude, Delavigne, Paria, II, 2.

HISTORIQUE

XIIIe s. Adont estoit li sieges [l'archevêché de Reims] vaghes [vacant], Chr. de Rains, 180. Et estoit la terre le roy si vague, que, quand il tenoit ses ples [plaids], il n'i venoit pas plus de dix personnes ou douze, Joinville, 296. Et pour çou que li mons [le monde] estoit tous coureciés et tous triboulés pour les œuvres Fedrik et ses fils, si demoura sainte eglise toute vague [sans pape], Latini, Trésor, p. 94.

XVe s. Quand le roi d'Angleterre eut faite son emprise et sa volonté de la ville de Dynant en Bretagne [qu'il venait de prendre et de dévaster], il s'en partit et la laissa toute vague, Froissart, I, I, 208. Terre wide et waghe, Souvenirs de la Flandre wallonne, juillet et août 1867, p. 106. Hostel wide et vacque, Du Cange, vacantes.

XVIe s. Se jecter dans le vague champ des imaginations, Montaigne, I, 32. Une espace vague et vuide de tout soutien, Amyot, Flam. 20. Après avoir fait semblant de combattre, en demenant leurs espées parmy l'air vague, ilz …, Amyot, Lucull. 70. Et entra dedans Poictiers donnant ordre promptement aux choses necessaires, pour la garde d'une telle et si vague ville, Carloix, IX, 43. Nos hales, et nos marchez seroient foulez de presse de marchands et de vivres, au lieu que tout est vuide et vague, Sat. Mén. p. 155. Sus le mestier d'un si vague penser Amour ourdit les trames de ma vie, Ronsard, Amours, I, 59.

ÉTYMOLOGIE

Les sens tant anciens que modernes se rapportent beaucoup plus au latin vacuus, vide, qu'à vagus, errant. Les terres vagues sont dites terræ vacuæ, et aussi terres vuides.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

2. VAGUE. Ajoutez :
10Année vague, année de 365 jours, sans l'intercalation périodique d'un jour bissextile ; ainsi dite parce qu'à la longue les saisons naturelles ne correspondaient plus aux divisions mensuelles, et que le commencement de chaque mois parcourait le cercle entier de l'année. Mémoire [de M. de Rougé] sur quelques phénomènes célestes, rapportés sur les monuments égyptiens avec leur date du jour dans l'année vague, Ferd. Delaunay, Journ. offic. 7 janvier 1873, p. 89, 3e col.
11Subst. m. Un vague, un terrain non occupé, non planté. De nombreux vides et des vagues considérables s'y rencontrent presque partout [dans les forêts du comté de Nice], L. Guiot, Mémoires de la Société centrale d'agriculture, 1874, p 142.

HISTORIQUE

Ajoutez :

XIVe s. Onques puis ne fut parlé de celle noble compaignie, et m'est advis qu'elle soit alée à neant, et la maison vague [vide] demourée, J. le Bel, Les vrayes chroniques, t. H, p. 174.