« étude », définition dans le dictionnaire Littré

étude

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

étude

(é-tu-d') s. f.
  • 1Application d'esprit pour apprendre ou approfondir les sciences, les lettres, les beaux-arts. Passer les jours et les nuits à l'étude. L'étude des mathématiques. J'estimais fort l'éloquence, et j'étais amoureux de la poésie ; mais je pensais que l'une et l'autre étaient des dons de l'esprit plutôt que des fruits de l'étude, Descartes, Méth. I, 9. L'étude a été pour moi le souverain remède contre les dégoûts de la vie, n'ayant jamais eu de chagrin qu'une heure de lecture n'ait dissipé, Montesquieu, Pens. div. J'entends dire qu'il convient d'occuper les enfants à des études où il ne faille que des yeux ; cela pourrait être s'il y avait quelque étude où il ne fallût que des yeux ; mais je n'en connais point de telle, Rousseau, Em. II. J'ai su, pauvre et content, savourer à longs traits Les muses, les plaisirs, et l'étude et la paix, Chénier, Élég. XVI. Entre l'étude et moi tu partageais tes jours, Chénier M. J. Gracques, I, 4. Dans l'étude autrefois vous cherchiez un secours, Delavigne, Paria, II, 2.
  • 2Connaissances acquises. Avoir de l'étude. Mais je ne trouve point de fatigue si rude Que l'ennuyeux loisir d'un mortel sans étude, Boileau, Épit. X.

    N'avoir point d'étude, nulle étude, être sans étude, se dit surtout de ceux qui n'ont point les études littéraires qu'on fait d'ordinaire dans la jeunesse.

    Au plur. Les différents degrés de l'instruction classique. Faire de bonnes études. de mauvaises études. Le cours des études. Traité des études. Sitôt que j'eus achevé tout ce cours d'études, au bout duquel on a coutume d'être reçu au rang des doctes, Descartes, Méth. I, 6. L'abbé d'Olivet avait dirigé au collége des jésuites les premières études de cet écrivain célèbre [Voltaire], D'Alembert, Éloges, d'Olivet.

    Faire ses études, passer par les différents degrés d'instruction qui doivent former l'esprit de la jeunesse.

    On dit de même faire des études. Il n'a pas fait d'études.

  • 3 Terme de théâtre. Action d'apprendre par cœur un rôle. Il ne lui est rien arrivé que je ne lui aie prédit à elle-même, en lui disant adieu, quand je sus l'étude qu'elle faisait de ce rôle, Corneille, Lett. à l'abbé de Pure, 12 mars 1659.

    On dit plutôt aujourd'hui étudier un rôle.

    Mettre une pièce à l'étude, en commencer les répétitions.

    La pièce est à l'étude, elle est en cours de répétitions.

  • 4Étude, se dit de tout travail préparatoire. L'étude d'une question. Les études d'un chemin de fer. Mettre un projet de loi à l'étude. Ce plan est encore à l'étude.
  • 5Un dessin ou un morceau de peinture, de sculpture, exécuté pour l'étude particulière d'un objet. Une étude de draperie, de paysage. Les études de Raphaël. Les études de ces artistes montrent combien ils ont encore besoin d'en faire, Diderot, Salon de 1767, Œuv. t. XIV, p. 276, dans POUGENS. Nous y vîmes aussi un grand nombre d'études qu'ils avaient faites d'après plusieurs beaux monuments, et en particulier d'après cette fameuse statue de Polyclète, qu'on nomme le canon ou la règle, Barthélemy, Anach. ch. 72.

    Tête d'étude, tête dessinée pour servir de modèle.

    Terme de musique. Composition faite pour exercer au doigté, au jeu d'un instrument. Des études pour le violon.

  • 6Soin particulier que l'on apporte à quelque chose. Tandis qu'autour des deux tu perdras ton étude [à deviner lequel des deux est ton fils], Mon âme jouira de ton inquiétude, Corneille, Héracl. IV, 5. Son âme semble en vivre [de soupçons], et je mets mon étude à trouver des raisons à son inquiétude, Molière, D. Garc. II, 1. Je mettrais toute mon étude à rendre ce quelqu'un jaloux, Molière, Sicil. 7. Ils emploient toute leur étude à chercher, Pascal, Prov. 2. Se faire une étude d'une bagatelle, Bossuet, III, Vêture, 3. Je songe à me connaître et me cherche en moi-même, C'est là l'unique étude où je veux m'attacher, Boileau, Épît. v. Je mets à les former [de jeunes filles] mon étude et mes soins, Racine, Esth. I, 1. … Ta fière ingratitude Se fait de m'offenser une farouche étude, Voltaire, Mort de Cés. II, 5. Ma main donne au papier, sans travail, sans étude, Des vers fils de l'amour et de la solitude, Chénier, Élég. XVI.

    Préméditation. … L'indignation qu'on prend avec étude Augmente avec le temps et porte un coup plus rude, Corneille, Pomp. IV, 1. Tranquille en me frappant, barbare avec étude, Voltaire, Irène, IV, 4.

  • 7Objet d'étude, de soin. Votre exemple est partout une étude pour moi, Corneille, Sert. III, 2. J'ai… de l'inquiétude De voir qu'un sot amour fait toute votre étude, Molière, Sgan. 7. Je me suis fait une étude de cet endroit d'une de vos lettres, Sévigné, 437.
  • 8En mauvaise part. Affectation, recherche. Éviter l'apprêt et l'étude. Elle plaît sans étude. Que ne puis-je vous représenter cet homme simple et sans étude ? Fléchier, II, 124. Toute notre vie est une étude de vanité, Massillon, Myst. Ass.
  • 9Étude est quelquefois un titre d'ouvrage, moins usité, il est vrai, que essai. Études sur la musique ancienne.
  • 10Anciennement, chambre, cabinet où l'on étudie, où l'on compose. Et ces heureux hasards des fruits de mon étude, Corneille, La poésie à la peinture. Ces vers, produits dans mon étude, Récitent tes commandements, Racan, Psaume 118. Plus d'un héros, épris des fruits de mon étude, Vient quelquefois chez moi goûter la solitude, Boileau, Ép. x. Considérez les avantages d'un homme [un orateur] qui n'apprend pas par cœur… la chaleur qui l'anime lui fait trouver des expressions et des figures qu'il n'aurait pu préparer dans son étude, Fénelon, Dial. sur l'éloq. II.
  • 11Aujourd'hui, lieu où l'on réunit les élèves pour étudier leurs leçons et faire leurs devoirs. Les études de ce collége sont vastes et bien aérées.

    On dit très souvent aussi : salle d'étude.

    Dans les lycées de Paris, au lieu d'étude, on dit ordinairement quartier.

    Le temps de ces exercices. L'étude la plus longue est celle du soir.

    Maître d'étude, maître chargé de la surveillance pendant les études, les récréations et les promenades. Le titre officiel est, depuis quelques années, maître-répétiteur.

  • 12Pièce où un notaire, un avoué, un huissier fait travailler ses clercs.

    Dépôt des minutes et des papiers que les notaires et les avoués conservent ; clientèle du notaire, de l'avoué, etc. Acheter une étude. Il cède son étude à son premier clerc.

REMARQUE

Étude a été longtemps masculin, d'après le latin qui est neutre. " Étude pour un lieu où l'on étudie est féminin ; étude pour travail d'étudier est masculin ; qui fait au contraire n'y entend rien, " MALH. Comment. sur Desportes, édit. LALANNE, t. IV, p. 345. Cela est répété par Chifflet, Gramm. p. 149. Aujourd'hui la terminaison féminine l'a définitivement emporté, et étude est uniquement du féminin.

HISTORIQUE

XIIe s. Ainz voliez poverte de vostre gré porter, En oreisun adès e en estudie ester, Th. le mart. 81.

XIIIe s. [Les rois qui] Fierement metent lor estuide à faire entor eus armer gens, la Rose, 5288.

XVe s. Il ne vous est mie mestiers, Dame, dis-je, que le vous die ; Car, sans mettre y vostre estudie, Vous en savés là et avant, Froissart, Esp. amour. Colleges, n'attendez demain ; Estudes [universités], vous deussiez aler Devers le roy pour enhorter Le concille, et chercher le voir [le vrai], Deschamps, dans POUGENS. En laquelle chose France a grand honneur, le roy et les princes d'icelle, avec la noble université de l'estude de Paris, Boucic. III, 20. J'ai ma fille à marier, où j'ay grant estude de la bien asseurer, Perceforest, t. v, f° 107.

XVIe s. Mais par sus tout il mit son estudie à reparer son païs d'Arcadie, Marot, IV, 77. Puys se mettoyt à son estude principal par troys heures ou d'advantaige, Rabelais, Garg. I, 23. Et des principaux estudes de ma vie, c'est que le bout s'en porte bien, Montaigne, I, 68. Mais on trouva enfin que c'estoit une estude profonde, son esprit s'exercitant, Montaigne, II, 175. Faire un capitaine d'un personnage qui n'auroit jamais bougé de dessus les livres en une estude, Amyot, Préf. x, 36. Presque toute leur estude estoit d'apprendre à obeir, Amyot, Lyc. 33. Si estoit il en ses premiers ans plus enclein à l'estude de la poesie qu'à nul autre, Amyot, Cicéron, 2.

ÉTYMOLOGIE

Wallon, sitûd, s. f. ; provenç. estudi ; espagn. estudio ; portug. estudo ; ital. studio ; du lat. studium. Estudie au XIIe siècle est purement orthographique ; le vers montre que la prononciation était estuide. Plus tard estudie se dit, mais alors il est calqué sur le latin.