« patience », définition dans le dictionnaire Littré

patience

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

patience [1]

(pa-si-an-s') s. f.
  • 1Vertu qui fait supporter avec modération et sans murmure. Il [le prince qui se laisse dominer par un favori] ne saurait exercer une plus lâche patience, ni être malheureux plus honteusement, Guez de Balzac, De la cour, 7e disc. Je me sens un si grand fond de patience, pour supporter cette incommodité…, Sévigné, 295. De sorte que je suis contrainte d'avoir patience, quoique la patience soit une vertu, comme vous savez, qui n'est guère à mon usage, Sévigné, 16 sept. 1671. Quand les princes négligeant de connaître leurs affaires… ou quand emportés par leur humeur violente… alors ou la licence excessive, ou la patience poussée à l'extrémité menacent terriblement les maisons régnantes, Bossuet, Reine d'Anglet. Enfin, fléchi par ses vœux et par son humble patience, il [Dieu] a rétabli la maison royale, Bossuet, ib. Considérons que le silence de patience dans les afflictions, les souffrances et les contradictions est une des choses les plus difficiles à pratiquer de la morale chrétienne, Bossuet, Sermons, Sur le silence, 3. Nous sommes saints par la patience dans nos misères, Bourdaloue, Fête des saints, Myst. t. II, p. 428. À qui M. le Tellier refusa-t-il jamais le temps et la patience de l'écouter ? Fléchier, le Tellier. Ce n'est pas que la patience Ne soit une vertu des dames de Paris ; Mais par un long usage elles ont la science De la faire exercer par leurs propres maris, Perrault, Griselidis. J'ai cent fois, dans le cours de ma gloire passée, Tenté leur patience [des Romains], et ne l'ai point lassée, Racine, Brit. IV, 4. C'est pour vous apprendre à être patient, mon cher Télémaque, que les dieux exercent tant votre patience, et semblent se jouer de vous dans la vie errante où ils vous tiennent toujours incertain, Fénelon, Tél. XXIV. Si j'épouse une femme avare, elle ne me ruinera point… si une emportée, elle exercera ma patience, La Bruyère, III. Rien ne me donne moins de patience que les traités qui en parlent, Marivaux, Sec. surprise de l'am. II, 4. La timidité, la douceur et la patience sont les seules vertus que l'on cultive dans les femmes, Graffigny, Lett. péruv. XXX.

    Il s'est dit quelquefois au pluriel. C'est ainsi qu'on déguise un violent dépit ; C'est ainsi qu'une feinte au dehors l'assoupit, Et qu'on croit amuser de fausses patiences Ceux dont en l'âme on craint les justes défiances, Corneille, Rod. IV, 6. On voit aller des patiences Plus loin que la sienne n'alla, Benserade, Sonnet sur Job.

    Une patience d'ange, une patience de saint, la patience de Job, une très grande patience.

    Prendre en patience, supporter avec résignation. Voyez, monsieur, il prend son mal en patience, Hauteroche, Deuil, sc. 2. Il prit le tout en patience, Hamilton, Gramm. 4. Prenez toujours la vie en patience, madame, et, s'il y a quelque bon moment, jouissez-en gaiement, Voltaire, Lett. Mme du Deffant, 27 oct. 1760. Pour Martin, il était fermement persuadé qu'on est également mal partout ; il prenait les choses en patience, Voltaire, Candide, 30.

    Mettre la patience à bout, agir tellement qu'on ne puisse être supporté. Sa mauvaise conduite, insupportable en tout, Met à chaque moment ma patience à bout, Molière, l'Étourdi, I, 9.

    La patience lui échappe, il ne contient plus sa colère, sa mauvaise humeur, etc. À moins que la patience ne lui échappât et ne l'exposât à sortir de son caractère, Diderot, Claude et Nér. II, 109. La patience m'échappe à la fin ; cette violence est inouïe, Genlis, Théât. d'éduc. Les fausses délicatesses, II, 3.

  • 2Calme, sang-froid, tranquillité avec laquelle on attend ce qui tarde. Ah ! s'il te plaît, donne-toi patience, Molière, l'Ét. II, 14. Ayez patience ; Sanchez répond à cela, Pascal, Prov. V. Qui attendaient en patience le Christ promis, Pascal, Pensées, Juifs, 20, éd. FAUGÈRE. Vous aurez vos ordres et votre cordon avec la croix, comme les autres… vous n'avez qu'à vous donner un peu de patience, Sévigné, 22 déc. 1688. Après ces nouvelles [la mort de M. de Longueville], je ne me suis pas donné la patience de rien demander, Sévigné, 17 juin 1672. Attendez en paix et avec patience, que Dieu vous manifeste sa volonté par mon ministère, Bossuet, Sermons, Nécess. du silence.

    Prendre patience, attendre avec tranquillité, avec sang-froid. Et, lasse de le dire, elle prit patience, Corneille, Médée, I, 1. Il eût dû prendre plus de patience, afin d'avoir plus de certitude de l'événement, Corneille, Hor. Examen. Il n'y a que deux choses à faire dans ce monde, prendre patience et mourir, Voltaire, Lett. Mme de Lutzelbourg, 13 mars 1754.

    Prenez, ayez une once de patience, se dit par calembour entre la patience qualité, et la patience herbe.

    Perdre patience, s'impatienter. Il perdit force et patience, Qui, comme on dit, passe science, Scarron, Virg. VII. Tu me fais perdre patience ; je veux absolument lui parler, te dis-je, Regnard, Retour impr. 17.

  • 3Délai. Ce n'est plus à lui que nous payons, c'est à des créanciers qui après six mois ne me donneront pas de patience, Sévigné, 8 juin 1689. Je crois que, si vous la poussez un peu [une débitrice], elle le fera ; car ce n'est qu'à cette condition que je lui promets de lui donner un peu de patience pour le reste, Sévigné, 2 oct. 1688.

    Répit, relâche. Il [Brancas] n'a jamais eu de patience qu'il n'en ait fait [du cardinal d'Estrées] un de ses commensaux [de Mme de Coulanges], Sévigné, 457.

  • 4Persévérance à poursuivre une œuvre, un travail, malgré la lenteur de ses progrès ou malgré les difficultés. Patience et longueur de temps Font plus que force ni que rage, La Fontaine, Fabl. II, 11. Un pareil ouvrage demande une assiduité et une patience d'hermite, Fontenelle, Morin. Pour faire un bon livre, il faut un temps prodigieux et la patience d'un saint, Voltaire, Lett. Mme du Deffant, 1er nov. 1773.

    Ouvrage de patience, ouvrage qui demande principalement du temps et de la constance.

    Terme d'alchimie. Ouvrage de patience, la pierre philosophale.

  • 5Jeu de patience, amusement qui consiste à rassembler et à mettre en ordre les pièces découpées d'une mosaïque représentant divers objets, tels, par exemple, qu'une carte de géographie, une estampe à plusieurs figures, etc.

    On appelle patiences différentes combinaisons d'un jeu de cartes que peut tenter une personne seule ; c'est une espèce de partie que joue une personne seule. Faire une patience. Il y a aussi des patiences de cette espèce qui peuvent se jouer à deux.

  • 6 Terme de blason. Se dit d'une salamandre représentée dans le feu.
  • 7Espèce de cul-de-lampe sur lequel on peut être assis quand les stalles du chœur sont levées.
  • 8Nom donné à un instrument en bois ou en métal employé pour nettoyer les boutons métalliques sans souiller le drap des vêtements.
  • 9Chez certains ordres religieux, la patience est tantôt une certaine pièce de vêtement que portent les novices, tantôt un scapulaire ou une chemise sans poignet que l'on donne aux religieux malades.
  • 10Patience, expression interj. qui se dit pour exprimer un sorte de résignation. Si on lui laissait quelque chose, patience ; mais on lui ôte tout. Serai-je toujours comme Arlequin, qui voulait faire vingt-deux métiers à la fois ? patience, Voltaire, Lett. d'Argental, 23 juin 1761.

    Patience, signifie encore : ne m'interrompez pas, laissez-moi dire. Patience, patience, s'il vous plaît. Patience, un moment de patience. Patience, ce n'est pas encore tout : je vois une autre contradiction…, Bossuet, Variat. XIV, 52.

    On dit aussi par menace : patience ! j'aurai mon tour.

    PROVERBE

    La patience est la vertu des ânes, c'est-à-dire c'est une sottise de supporter ce qu'on peut ne pas endurer.
    …Patience est la vertu des sots, Théophile, Œuv. 2e part. p. 45, dans LACURNE. Il prendra patience ; on dit que c'est la vertu des ânes ; mais il faut que chacun porte son bât dans ce monde, Voltaire, Lett. Damilaville, 16 mai 1767.

HISTORIQUE

XIIe s. Tu ies la meie patience, sire ; sire, la meie esperance, Liber psalm. p. 91.

XIVe s. Charles commance à rire et dit en audience : Fourques certeinement a courte patience, Girart de Ross. v. 1471.

XVe s. Philippe saillit par dessus, et se veint mettre entre le roy et son frere Louys, lequel print en patience et dissimula le tout, Juvénal Des Ursins, Charles VI, 1380. Monsieur, dist damp abbez qui du tout fut assuré, et que dites-vous de ma très redoubtée dame qui tant s'est voulue incliner de prendre la patience [repas] avec son pauvre moyne, et puis venir au gibier ? Jehan de Saintré, p. 618, dans LACURNE.

XVIe s. Quand on les asseuroit de les laisser en patience manger les choux de leur jardin et serrer leurs gerbes, Lanoue, 709. Le barbare, estant homme cault et malicieux, parlant tout doulx, le reconfortoit, et le prioit d'avoir encore un peu de patience, Amyot, Crassus, 42. Donc en la place de mon portraict, je demande à mon lecteur la patience d'un petit conte…, D'Aubigné, Hist. Préf. 6. Il ne leur donna aucune patience qu'il ne leur eust faict quitter le païs, D'Aubigné, Hist. I, 222. Alors que ces choses se faisoient tant en Italie que Champagne, la Pi cardie n'estoit en patience [repos], Du Bellay, M. 94. Qui n'a pacience, il n'a rien, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 397. Compagnons, certes passience, Cemme on dit, passe science, Leroux de Lincy, ib. p. 494. La patience surmonte la douleur, Nuits de Straparole, t. II, p. 309, dans LACURNE. Patience de Lombard [patience forcée], Cotgrave En mal encombrier Patience vaut bouclier, Génin, Récréat. t. II, p. 238.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. et espagn. paciencia ; ital. pazienza ; du lat. patientia, de patiens, patient. Au XVe siècle patience a le sens de repas dans certains auteurs ; il se fit probablement alors entre patience et pitance une confusion qui, heureusement, ne s'est pas établie.