« revêtir », définition dans le dictionnaire Littré

revêtir

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revêtir

(re-vê-tir) v. a.

Il se conjugue comme vêtir.

  • 1Donner des vêtements à quelqu'un qui en manque. Il [Tobie] nourrissait ceux qui avaient faim, revêtait ceux qui étaient nus, Sacy, Bible, Tobie, I, 20. C'est là [dans les hospices] que la faim est rassasiée, que la nudité est revêtue, Fléchier, Lamoignon.

    Fig. Tandis qu'il revêt de beauté le lis qui croît dans les plus profondes vallées, au milieu des épines, Massillon, Carême, Prosp. temp. Aimable d'innocence et belle de candeur, Son corps [d'ève] est revêtu de sa seule pudeur, Delille, Parad. perd. V.

    Fig. et absolument. C'est par cette dernière grâce que la mort change de nature pour les chrétiens, puisqu'au lieu qu'elle semblait être faite pour nous dépouiller de tout, elle commence, comme dit l'apôtre, à nous revêtir, et nous assurer éternellement la possession des biens véritables, Bossuet, Duch. d'Orl.

  • 2 Terme de peinture et de sculpture. Revêtir des figures, les habiller.
  • 3Mettre sur soi ou sur quelqu'un un vêtement. Revêtir un habit.

    Particulièrement, il s'emploie quand il est question d'habits de cérémonie. Deux aumôniers revêtirent ce prélat de ses habits pontificaux. Il commanda qu'on le revêtît de la pourpre, qu'on lui donnât le collier d'or, que tout le peuple le révérât et lui obéît, Bourdaloue, 4e dim. après Pâq. Dominic. t. II, p. 143.

  • 4 Fig. Il se dit des emplois, des charges, des dignités qu'on reçoit, dont on est décoré. La place de bibliothécaire du roi n'avait jamais été si brillante, ni revêtue d'autant de titres et de prérogatives qu'elle l'a été en la personne de M. l'abbé Bignon, Mairan, Éloges, l'abbé Bignon. La cour avait cru devoir revêtir son représentant d'un titre imposant et d'une autorité très étendue, Raynal, Hist. phil. VII, 7.
  • 5 Terme de jurisprudence. Mettre à un acte tout ce qui est nécessaire pour qu'il soit valide. Cet acte est revêtu de toutes les formes requises. Il faudra revêtir cet écrit, cet acte de la signature de telle personne.
  • 6 Fig. Couvrir comme d'un vêtement. L'idolâtrie… il ne fallait que la revêtir de quelque apparence, et l'expliquer en parole dont le son fût agréable à l'oreille, pour la faire entrer dans les esprits, Bossuet, Hist. II, 12. Pour porter le joug de Jésus - Christ, pour être revêtus de Jésus - Christ, Bourdaloue, Serm. 20e dim. après la Pentec. Domin. t. IV, p. 223. Accoutumés de bonne heure à nous dépouiller de nos sensations pour en revêtir les objets, nous ne nous bornons pas à juger que nous avons des sensations, Condillac, Art de penser, I, 2.

    Revêtir ses pensées d'un style poétique, les exprimer poétiquement.

    Revêtir le mensonge des apparences de la vérité, donner au mensonge l'air de la vérité.

  • 7 Fig. Prendre, recevoir telle ou telle apparence, telle ou telle qualité. N'est-ce pas [Eusèbe] un témoin qui dans cet ouvrage [la Vie de Constantin] revêt partout le caractère de panégyriste plutôt que celui d'historien ? Voltaire, Dict. phil. Vision de Constantin. En même temps que les feuilles de l'acacia revêtent la forme d'une gouttière, chaque foliole la revêt aussi, mais d'une manière moins sensible, Bonnet, Us. feuilles, 2e mém. Revêts la forme humaine et deviens l'homme-Dieu, Delille, Parad. perdu, III.

    On dit dans un sens analogue : revêtir un personnage.

    Revêtir un caractère, faire connaître la qualité, l'autorité qu'on possédait sans la montrer. Il ne passait que pour un voyageur, mais il a depuis peu revêtu un caractère d'envoyé, Dict. de l'Acad.

  • 8 Terme de féodalité. Se disait des héritages et des fiefs. Revêtir un vassal de sa terre.
  • 9Couvrir, recouvrir, enduire. Les poils qui revêtent extérieurement les animaux. Les lames d'or qui revêtaient extérieurement les portes du Capitole. Revêtir l'aire d'une grange d'une couche de sable. …Celui dont l'art industrieux Des trésors d'Amphitrite a revêtu ces lieux, La Fontaine, Psyché, I, p. 17. Le velouté qui revêt la base du bec, Buffon, Ois. t. XVIII, p. 71.
  • 10Faire un revêtement. Revêtir un fossé. Revêtir une terrasse de gazon. Vauban était d'avis de le raser ; mais M. le Prince sauva la vie à ce pauvre fort, et l'on résolut, au lieu de le raser, qu'on le ferait revêtir, Pellisson, Lett. hist. t. I, p. 28.

    Couvrir de boiseries ou de planches les murs d'une chambre.

    Placer les poteaux et tournisses dans un pan de bois.

  • 11Se revêtir, v. réfl. Mettre un vêtement. Revêtons-nous d'habillements Conformes à l'horrible fête Que l'impie Aman nous apprête, Racine, Esth. I, 5. Enfin je l'étouffai [un lion] entre mes bras ; et les bergers, témoins de ma victoire, voulurent que je me revêtisse de la peau de ce terrible animal, Fénelon, Tél. II.

    Fig. Tâche à t'en revêtir [de ma gloire], non à m'en dépouiller, Corneille, Hor. IV, 7. Mesdames, revêtez-vous de ces sentiments, Bossuet, Sermons, Septuag. I. De quel front aujourd'hui vient-il, sur nos brisées, Se revêtir encor de nos phrases usées ? Boileau, Ép. I. La victoire se déclare pour eux [les Antoine, les Sérapion, les Macaire, les Pacôme] ; le Seigneur se revêt de l'Égypte, comme un berger de son manteau, Chateaubriand, Mart. X.

  • 12Prendre une charge, une dignité. Après avoir désarmé la multitude, il [Pisistrate] se revêtit de l'autorité suprême, Barthélemy, Anach. Introd. part. 2, sect. 1.
  • 13Prendre telle ou telle apparence, telle ou telle qualité. C'est en se revêtant d'une nature semblable à la nôtre, et en se faisant homme, que le Verbe divin est venu sur la terre, Bourdaloue, Instruct. pour l'Avent, Exhort. t. II, p. 211.

    En parlant des choses. Les formes dont la pensée se revêt.

REMARQUE

La conjugaison de ce verbe est souvent l'occasion de fautes : On parle en soi-même un langage humain et on revêtit ses pensées de paroles…, Bossuet, Ét. d'orais. V, 20. lisez revêt. En te revêtissant d'une forme dernière, Le Bailly, Fables, les Métamorphoses du singe. lisez revêtant. C'est d'après cette conjugaison fautive que Bossuet a fait le barbarisme revêtissement : De même que nos paroles sont une espèce de corps et de revêtissement que nous donnons à nos pensées, Bossuet, 6e avert. 89. Voy. VÊTIR.

HISTORIQUE

XIIe s. De tout son fié [d'un baron mort] vieut estre ravesti, Raoul de C. 36.

XIIIe s. [Berte avoit] La povre gent souvent chaucie et revestue, Berte, CII. Mout refu Blanchefleurs de joie revestie, ib. CXXVIII. Et si demoura encore li cuens en sa baillie, et fu raviestus des roiaus gonfanons, H. de Valenciennes, XXI. Paumée est senefiance que l'en revest l'achateor par bone foi de marchié, Liv. de jost. 8.

XVe s. [La reine] leur fit oster [aux six bourgeois de Calais qui s'étaient offerts à la mort] les chevestres d'entour le cou, et les emmena avec li en sa chambre, et les feit revestir et donner à diner tout aise… [les bourgeois étaient arrivés en chemise], Froissart, I, I, 321.

XVIe s. Ils avoient les proues revestues et armées de grosses poinctes d'airain, Amyot, Anton. 84. Dieu est revestu de l'humaine figure, Montaigne, II, 274. Quelque ingénieur pourra dire que l'eau mine les fondemens d'un rempart, et que de dix ans en dix ans ils versent ou s'escoulent : ce qui n'avient quand ils sont revestus, Lanoue, 340. À fin que plus aisement ils puissent se revestir des affections qu'ils doyvent avoir aux choses generales, Lanoue, 390. La sacrée dignité, dont il est revestu, Lanoue, 391. Paon revestu, Cotgrave

ÉTYMOLOGIE

Re… et vêtir ; provenç. revestir, rivestir ; espagn. revestir ; ital. rivestire.