« verge », définition dans le dictionnaire Littré

verge

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verge

(vèr-j') s. f.
  • 1Petite baguette longue et flexible. Il n'avait qu'une verge à la main. On trouve les sources d'eau, les trésors au moyen d'une verge, d'une baguette de coudrier, qui ne manque pas de forcer un peu la main à un imbécile qui la serre trop, et qui tourne aisément dans celle d'un fripon, Voltaire, Dict. phil. Verge.

    Il n'avait ni verge ni bâton, il n'était en état d'attaquer personne, pas même de se défendre. Je n'avais ni verge ni bâton, je me mis à ramasser cette épée, Marivaux, Pays. parv. 3e part.

  • 2Baguette miraculeuse. Il [Moïse] étendit la main et le prit [le serpent], et aussitôt la verge changée en serpent redevint verge, Sacy, Bible, Exode, IV, 4. On dit encore que Thoot était Moïse, parce qu'une vieille tradition le faisait naître du Nil, lui donnait une verge, et lui attribuait des prodiges, Condillac, Hist. anc. III, 5.

    Fig. Nous n'osons nous flatter de posséder cette verge miraculeuse de la religion qui fait jaillir du rocher des sources d'eau vive, Chateaubriand, Génie, I, I, 1.

    La verge des magiciens de Pharaon, la verge qu'ils tenaient à la main et avec laquelle ils faisaient leurs prodiges.

    En parlant d'autres magiciens, on dit baguette. Médée et Circé furent toujours armées de cet instrument mystérieux [une verge] ; de là vient que jamais magicienne ne paraît à l'opéra sans cette verge, et qu'on appelle ces rôles les rôles à baguette, Voltaire, Dict. phil. Verge.

  • 3Verge de fer, verge de cuivre, longue tringle de fer, de cuivre. Une verge de fer tirée verticalement par une force capable de la rompre, contracte à l'endroit où se prépare la rupture une chaleur insupportable à la main, Guyton de Morveau, Instit. Mém. scienc. 1809, p. 286.

    Fig. Gouverner avec une verge de fer, gouverner durement, despotiquement. Mon père vous a battus avec des verges, et moi je vous châtierai avec des verges de fer, Sacy, Bible, Rois, III, XII, 11.

  • 4Baguette ordinairement garnie d'ivoire que portaient autrefois les huissiers. Huissiers à verge. Je m'appelle Loyal, natif de Normandie, Et suis huissier à verge, en dépit de l'envie, Molière, Tart. v, 4.

    Tenir un héritage par la verge, recevoir du seigneur, ou de l'un de ses officiers, un petit bâton appelé verge, comme emblème de l'acquisition.

  • 5Baguette avec laquelle on frappe et châtie. La folie est liée au cœur de l'enfant, et la verge de la discipline l'en chassera, Sacy, Bible, Prov. de Salom. XXII, 15. Le sage a toujours recommandé aux parents de tenir la verge assidûment levée sur les enfants, Fénelon, t. XVII, p. 25.

    Fig. La verge de la censure publique qui m'a toujours paru infiniment respectable, même placée dans des mains ennemies, Mirabeau, Collection, t. III, p. 350.

    Fig. La verge à la main, en réprimandant, en punissant. Aimez-vous mieux que je vous aille voir la verge à la main, ou avec charité et un esprit de douceur ? Sacy, Bible, St Paul, 1re ép. aux Cor. IV, 21.

    Fig. Autorité. D'étrangers, de bannis, une horde insolente Nous tient depuis seize ans sous sa verge sanglante, Delavigne, Vêpr. sicil. II, 6.

    N'être plus sous la verge de quelqu'un, être affranchi de son autorité.

  • 6 Au plur. Menus brins de bouleau, d'osier, de genêt, etc. avec lesquels on fouette. J'ai reçu des Juifs, cinq différentes fois, trente-neuf coups de fouet ; j'ai été battu de verges par trois fois, Sacy, Bible, St Paul, 2e épît. aux Corinth. XI, 24. Parmi les présents de noces [chez les Russes] était une grosse poignée de verges que le futur envoyait à la future, pour l'avertir qu'à la première occasion elle devait s'attendre à une petite correction maritale, Voltaire, Russie, Anecd. Les verges de bouleau sont une poignée de scions dont on frappe les malfaiteurs sur le dos, Voltaire, Dict. phil. Verge. Lorsque les athlètes n'observaient pas les lois prescrites, non-seulement ils étaient privés du prix, ils étaient encore frappés de verges, Condillac, Hist. anc. IV, 6.

    Terme de discipline militaire ancienne. Faire passer quelqu'un par les verges, le faire passer entre deux rangs de soldats armés de verges, dont ils frappaient les épaules nues du condamné. Les déserteurs prussiens, qui courent de toutes leurs forces quand ils passent par les verges, afin d'être un peu moins fouettés, Voltaire, Déf. Bolingbr. 36.

    Fig. Donner des verges pour se fouetter, fournir des armes contre soi-même.

    Fig. Faire baiser les verges à quelqu'un, l'obliger à demander pardon après qu'on l'a maltraité, ou l'obliger à reconnaître la justice de la punition.

  • 7 Fig. Peines, afflictions dont Dieu punit les hommes. Dieu dit lui-même de ces gens-là [les conquérants] qu'il les envoie en sa colère, et qu'ils sont les verges de sa fureur ; mais ne prenez pas ici l'un pour l'autre : les verges ne piquent ni ne mordent d'elles-mêmes… c'est l'envie, c'est la colère, c'est la fureur qui rendent les verges terribles et redoutables, Guez de Balzac, Socr. chrét. Disc. 8. Par les exemples de Tobie et ses saints avertissements, ceux d'Israël étaient excités à reconnaître sous la verge la main de Dieu qui les châtiait, Bossuet, Hist. II, 4.

    Fig. Quand Dieu a châtié ce qu'il veut corriger, il jette souvent les verges au feu, souvent il extermine ceux dont il s'est servi pour châtier les autres. Jérémie l'avait bien prédit : le Seigneur rompit la verge [Babylone] dont il avait frappé tant de nations, Bossuet, Hist. II, 4.

  • 8Grand morceau de baleine que porte un bedeau quand il est en fonction dans l'église. La verge d'un bedeau.
  • 9 Terme de vénerie. Verge de huau, verge garnie de trois piquets, à laquelle on attache les ailes d'un milan, vulgairement appelé huau.

    Verge de meute, baguette que l'on garnit de trois piquets, avec des feuilles, pour y attacher un oiseau vivant auquel on donne alors le nom de meute.

  • 10Verge d'une fusée, baguette à laquelle on attache une fusée volante.

    Tige qui tient au piston d'une pompe.

    Fléau de plusieurs balances.

    Pièce du tour dont on se sert pour tourner en l'air ou en figures irrégulières.

    Verge d'une girouette, tige au sommet de laquelle tourne une girouette.

    Terme de vitrier. Tringle de fer qui, après avoir été chauffée, se pose sur le verre pour le couper au moyen d'un peu d'eau que l'on met à l'endroit où la verge a touché.

    Terme de serrurier. Petite baguette de fer pour tenir, au moyen de liens, les panneaux de vitraux.

  • 11 Terme d'horlogerie. Long pivot sur lequel se meut le balancier.

    Le balancier même. Si la verge du pendule est d'acier, il est à craindre que l'effet du magnétisme terrestre ne se complique avec celui de la pesanteur, Laplace, Exp. I, 12.

    Verge à compensation, verge composée de fer et de laiton, de manière que les effets du calorique s'y compensent, et que la longueur ne varie pas.

  • 12 Terme de marine. Verge de l'ancre, le corps de l'ancre, la tige, la pièce principale de cet instrument, façonnée en général comme une pyramide quadrangulaire qui reçoit à sa base deux autres pièces qu'on nomme les bras de l'ancre.
  • 13 Terme de métallurgie. Fer en verge, petites barres, rondin, carillon. Dans le commerce des fers, on donne plutôt le nom de verge au carillon obtenu dans la fonderie. Les verges de fer doux sont pour les clous des maréchaux, et peuvent être passées par la filière pour faire du gros fil de fer, des anses de chaudières…, Buffon, Min. t. IV, p. 165.

    Verge crénelée, barre de métal sur laquelle est conservée l'empreinte des coups de marteau, et qui n'a pas été parée.

  • 14 Au plur. Baguettes de bois que les tisserands font passer entre les fils de la chaîne.

    Aiguilles ou broches en usage dans la fabrication du velours.

  • 15 Terme d'anatomie. Membre viril.
  • 16 Terme de physique. Météore lumineux formé de la réunion de plusieurs rayons de lumière.
  • 17Nom d'une ancienne mesure pour les étoffes.

    Ancienne mesure de terre, qui était à peu près le quart d'un arpent.

  • 18Anneau, bague sans chaton (acception vieillie). La souplesse de la baguette ou verge, la facilité de la nouer en forme d'anneau a développé une autre acception, c'est le cercle de la bague distinct du chaton, c'est aussi l'anneau qui réunit les bagues, De Laborde, Émaux, p. 536.
  • 19Verge d'or, plante radiée qui porte un long épi de fleurs jaunes, solidago virga aurea, L.

    Verge de Jacob, asphodèle jaune.

    Verge à pasteur, cardère velue.

HISTORIQUE

XIe s. Plus qu'on ne lancet une verge pelée, Ch. de Rol. CCXL.

XIIe s. Se tu ne lais ester e clers e saint iglise, Deus le vengera tost ; jà ad sa verge prise, Th. le mart. 77. Mis peres vus batid de verges deliées ; mais je vus baterai de grandimes balains, ki serunt durs et espinus, Rois, p. 282. Une verge isseit fors, et de cel verge issiit une flors sor cuy les set donnes del saint esperit se reposerent, Saint Bernard, 529.

XIIIe s. Une verge de fer que li preudome du mestier desus dit ont gardée et gardent encore dès le tans le bon roi Phelippe, Liv. des mét. 388. À Clermont le [la] mine de terre est de soixante vergues, Beaumanoir, XXVI, 9. Quant les huissiers veoient venir la royne en la chambre le roy son filz, il batoient les huis de leur verges, Joinville, 281. On doit ploier la verge, tandis com ele est graile et tendre ; quar, puis qu'ele est grosse et dure, se on la veut ploier, ele brise, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 498. Beax filz, dit-il, ge te commant Qu'au roi soies obeissant, Por quoi il soit droituriers rois, Selon ce que dient les lois, Que il est verge Dieu en terre, Fabl. mss. de St-Germain, f° 11, dans LACURNE. Tele ribaude et avolée, Qui porté a verge pelée Plus de sept ans par le païs, Du Cange, virga.

XIVe s. Par signe de desobeïssance [on avait refusé d'ouvrir], le prevost geta par dessus la porte en laditte basse court une verge de l'un des sergens qui estoient avec lui, et s'en parti, Du Cange, virga. Un annel où il a un ruby à jour et a en la verge un k et un y, De Laborde, Émaux, p. 536. Deux grans bans pour ploier verges de arbalestres, et ung autre banc pour drechier lesdites verges, De Laborde, ib.

XVe s. [Le pape Clement et les cardinaux ne faisoient compte des ennuis du comte de Flandre], et disoient que Dieu lui avoit envoyé celle verge pour tant qu'il leur avoit esté contraire, Froissart, II, II, 63. Si n'estoit il [Philippe d'Artevelle] pas subtil de faire guerres ne sieges ; car, de jeunesse, il n'y avoit point esté nourry, mais à pescher de la verge aux poissons en la riviere de l'Escaut, Froissart, liv. II, p. 192, dans LACURNE. On trouveroit plusieurs Romains qui pour menues et petites negligences ont esté batus de verges à l'estache, Chartier, Quadril. invectif. Esperance tenoit… l'anel de la verge d'un ancre d'or, dont le bec estoit fiché dedans les cieulx, Chartier, Œuv. p. 329. Il m'envoya une verge qu'il portoit au doigt pour enseigne, Commines, III, 6. Dix vergues ou aulnes de drap bureau, Du Cange, virga. Une bonne verge porte bien aucunes fois ung mauvais sion, Perceforest, f° 66. Pour achetter xviij verges à nettoyer robes, De Laborde, Émaux, p. 537.

XVIe s. Bien preveoyt qu'il faict mal avoir charge D'enfans mutins qui ne craignent la verge, Marot, J. v, 11. Il faisoit lier la verge à ses criminels, pour les faire mourir à faulte de pisser, Montaigne, III, 301. Verge-d'or s'edifie par semence au printemps, en terre grasse et bien cultivée et lieu ombreux ; ceste herbe est propre à la dissenterie, De Serres, 619. Par la pluspart des coutumes la verge anoblit, et le ventre affranchit, Loisel, 40. La douairiere est tenue d'entretenir les maisons dont elle jouit par douaire, de pel, verge, couverture, fermeture et menues repa rations, Coust. gén. t. I, p. 720.

ÉTYMOLOGIE

Wallon, vég ; bourg. varge ; Berry, varge ; provenç. verga, vergua, verja ; espagn. et ital. verga ; du lat. virga.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

VERGE. Ajoutez :
20Verge de fléau, le long bâton auquel le fléau est attaché. Elle avait ouvert la porte à son père, qui, armé de sa verge de fléau, avait frappé la victime à coups redoublés, Gaz. des Trib. 28 oct. 1875, p. 1037, 4e col.
21Verge graduée, jauge. Vous n'avez que deux moyens de procéder à cette vérification [des manquants] la jauge ou verge graduée, et le dépotage, Journ. offic. 31 juill. 1872, p. 5248, 1re col.